Citations de Jean Dardi (116)
Civilisation ! Comme ce mot lui sembla vain ! La civilisation, à quelques kilomètres à vol d'oiseau, et elle qui se dirigeait vers le lieu où un tueur sanguinaire, un être dit humain, avait sacrifié une petite fille et l'avait torturée dans de si horribles conditions. Était-ce cela, la civilisation ? Était-ce la civilisation qui engendrait de tels monstres ?
Dans ce coin de campagne isolé, on n'imaginait pas un instant le Malheur. Qui peut s'abattre à tout moment. C'est bien connu, le Malheur n'a pas droit de cité au Paradis !
Mais elle y tenait à son chez-soi. Car c'était un peu son refuge. C'est là qu'elle tentait d'oublier la dureté de sa vie, sa solitude (...). C'est là qu'elle se prenait parfois à rêver d'un avenir meilleur.
La haine est comme un cancer, Monsieur Meynat. Lorsqu’elle vous a touché, elle s’étend, se répand, enfle sournoisement, mais vous ne vous en débarrassez jamais.
L’odeur suave, mélange d’herbe coupée, de foin, ou musquée, des animaux. Les snobinards de ses relations en auraient retroussé leurs narines. L’odeur des plats mitonnés avec amour par sa mère et dont le fumet s’échappait par la fenêtre de la cuisine. A la campagne, on mange bien tous les jours, à tous les repas.
La journée avait décidément été mauvaise. Pour commencer, elle était arrivée en retard à son boulot. La faute à ces grèves à répétition dans les transports. Saleté de cheminots. Du coup, son chef lui avait encore refusé l’augmentation qu’elle lui réclamait sans succès depuis des semaines. Saleté de chef.
C’est que ses finances étaient catastrophiques. Heureusement, son mari venait de la quitter.
[…] il existe toujours pire que le pire !
Ses yeux s’étant habitués à l’obscurité, elle distinguait à présent tous les détails de la scène. L’homme, visiblement mort, avait les yeux ouverts, la bouche béante sur un cri muet. Un filet de liquide sombre commençait à s’étaler sur le trottoir trempé, rejoignant le caniveau.
Pétrifiée d’effroi, elle se mordit les lèvres et porta sa main à sa bouche.
Elle avait reconnu le cadavre. Lui ? Mais comment était-ce possible ?
Un ultime détail lui glaça les veines : le mort avait la gorge tranchée d’une oreille à l’autre, et le sang s’échappait encore faiblement de l’horrible blessure.
Le cri strident que poussa alors Abebi dut s’entendre jusqu’au Sacré-Cœur.
C’en fut trop pour elle et elle s’évanouit.
Une pluie fine accueillit la jeune Africaine à sa sortie du métro Château Rouge, boulevard Barbès. Une pluie incessante depuis le matin, qui augmentait encore la moiteur de l’air irrespirable en ce début août. Saleté de temps. Depuis un moment déjà, Abebi la Nigériane pestait intérieurement. Elle pestait contre tout, Abebi.
C’est le cri persistant sortant de sa gorge qui le réveilla en sursaut. Un cri de panique, inhumain. Les yeux exorbités, il s’appuya à la tête de lit, pantelant, ruisselant d’une sueur malsaine.
Il mit près d’une minute à réaliser qu’il venait une fois de plus de subir le cauchemar atroce qui, inexorablement, le rendait fou.
Elle traversa plusieurs villages à une vitesse indue et après le bitume, s’enfonça dans la zone boisée, debout sur ses cale-pieds. Elle se retrouva rapidement là où les véhicules à quatre roues avaient souffert à progresser aidée des crampons démesurés des pneus de cross, et de son expérience des deux roues -aucun engin motorisé n’avait de secret pour elle -, elle sautait de bosse en ornière, franchissait les obstacles qui se dressaient sur sa route avec une facilité déconcertante
Elle enfourcha le bolide et démarra prudemment en louvoyant légèrement. Mais si on dit que la bicyclette ne s’oublie pas, il doit en être de même pour la moto, car après une rapide prise en main, elle prit de l’assurance et ouvrit les gaz à fond.
Soudain, son ombre se détendit à l’infini devant elle, propulsée par les phares d’une voiture. Une voiture silencieuse qui devait la suivre phares éteints jusqu’alors et qu’elle n’avait pas devinée…
La vanne à fantasme s’ouvrit toute grande. Sa gorge se serra tant, qu’elle avait de plus en plus de peine à déglutir. Une sueur subite et aigre l’envahit et elle sentit ses jambes l’abandonner.
Noël avec son cortège de coutumes ridicules. Les cadeaux que l’on s’empresse de revendre dès le 26 décembre, les vœux plus ou moins sincères, les agapes sur fond de faim dans le monde.
- Chez les rupins, c’est du style pour vivre heureux, vivons bâchés, non ?
- Cachés, pour vivre peureux vivons cachés, rectifia Gio.
- Ne faites pas ces têtes, si c’était facile, tout le monde ferait flic, c’était tellement bien payé.
- Avec le GPS, y a pas de lézard, c’est pratique ! (Il n’osa avouer que son smartphone, mal paramétré et envers lequel il entretenait une méfiance viscérale, l’avait promené un un gros quart d’heure à dix bornes d’ici. Avant qu’il ne se rende compte de l’erreur et n’arrive à bon port, à l’ancienne, avec la collaboration des passants.)
- Allez, la dernière pour la route ! lance Rollin, le gradé. Brigadier. Vingt-cinq ans d’armée, vingt-cinq kilos de trop sur la balance et vingt-cinq centimètres de trop derrière la ceinture.
Poncet, sentencieux, conclut :
- A chaque jour suffit sa benne.
Pour l’instants, je vois pas trop. J’ai des idées. Vagues. Imprécises. Sottes et grenues, précisément.