Hélène est dans un groupe au milieu de la colonne. Quand enfin elle aperçoit le camp, c’est la stupeur, l’appréhension et une indicible peur :
Tous les alentours, au-delà d’un grand mur de béton surmonté de barbelés électrifiés sont recouverts de neige, mais ici, LA NEIGE EST NOIRE.
Pas vraiment noire comme du charbon, mais sa surface est recouverte d’une couche grisâtre. Là-bas, sur le côté du camp qui donne sur le lac, deux hautes cheminées crachent une épaisse fumée noire dont les cendres retombent en fine pluie sur les environs.
Officier de réserve, il s’était engagé malgré ses presque trente-trois ans dès le début du conflit, certain que celui-ci ne durerait guère, mais qu’il se devait de défendre sa patrie menacée par l’ennemi Prussien. Il avait été tué au milieu de ses hommes dans une offensive franco-anglaise qui avait repoussé les Allemands en arrière de leurs lignes.
Mais les honneurs et les médailles n’avaient pas consolé Eugénie, et le chagrin s’était changé en amertume au fil des années, et elle avait reporté toute son affection sur son fils, décidée à en faire un homme fort et solide, quelquefois au détriment d’un peu de générosité et de tendresse.
Leurs pieds ne bougent pratiquement plus, et ce surplace sensuel exacerbe leurs sens et quand leurs regards enfin se croisent, leurs lèvres s’attirent dans un baiser passionné.
Maintenant complètement immobiles et enlacées, la langue de l’une investissant la bouche de l’autre, elles savourent ce moment de tendresse qui leur manquait à toute les deux depuis si longtemps. L’une parce qu’on lui avait assassiné son mari et l’autre parce que le mauvais hasard lui avait fait épouser un ivrogne doublé d‘une brute immonde.
Le jour se lève et, bien que le ciel soit voilé, la neige renvoie une douce lumière qui joue avec l’ombre des grands sapins. La route contourne le Schwedtsee, le lac qui sépare la ville de Fürstenberg du camp de Ravensbrück.
Hélène est dans un groupe au milieu de la colonne. Quand enfin elle aperçoit le camp, c’est la stupeur, l’appréhension et une indicible peur : tous les alentours, au-delà d’un grand mur de béton surmonté de barbelés électrifiés sont recouverts de neige, mais ici, LA NEIGE EST NOIRE.
Malgré l’ombre épaisse du marronnier centenaire et celle de la haie compacte de lilas odorants, la chaleur est harassante et pèse sur les organismes. Aussi dès qu’ils ont avalé leur repas, profitant de l’absence de Bertrand, parti manger et faire sa sieste au château, les hommes en profitent pour dormir quelques instants. Moment de repos que leur accorde volontiers Gaston, conscient de la pénibilité du travail, accrue cette année par la canicule de cet été exceptionnellement chaud.
Catherine était une belle jeune fille, bien faite, avec une chevelure blonde qui éclairait son fin visage aux légères pommettes saillantes. De toute sa personne émanaient une douce gentillesse, un charme et une harmonie évidente et pourtant une personnalité discrète et réservée.
Mais tout cela laissait Bertrand tout à fait indifférent. Pour lui les femmes étaient là pour le plaisir et le service des hommes. C’est du moins ce que lui avait appris sa mère.
Elle est obligée de subir et chaque coup de butoir lui arrache un cri de douleur. De gros sanglots la secouent, sa tête est enfoncée dans l’oreiller et elle manque d’étouffer. Elle donne des coups de coude pour se dégager, mais sans résultats. De ses talons, elle lui martèle les reins, mais cela ne contribue qu’à l’exciter davantage et chercher à s’enfoncer plus profond dans sa proie !
Elle est couchée sur le ventre, une jambe légèrement repliée, une fine nuisette la recouvre jusqu’au milieu des fesses. Elle a eu du mal à s’endormir avec cette chaleur qui persiste même après le coucher du soleil. Mais la fatigue a eu raison de l’inconfort et maintenant, elle dort profondément, juste éclairée par la clarté lunaire qui entre par les fenêtres aux volets entrebâillés.
Sa jeunesse avait été difficile, elle avait dû remplacer sa mère auprès de son père, mais en retour, malgré une certaine rudesse, elle avait eu droit à un grand amour paternel qui l’avait toujours soutenue et consolée dans ses moments de tristesse. La dureté de la vie est supportable quand on est entouré d’amour et d’affection.
Elle voulait bien ravaler sa fierté, se faire tabasser, être humiliée par un époux attiré par tout ce qui porte un jupon et qui va avec toutes les Marie-couche-toi-là de la région, mais elle n’aurait jamais supporté d’être séparée de ses enfants. Jamais ! Mais maintenant, elle était à saturation.