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Critiques de Henri Atlan (28)
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Le monde s'est-il créé tout seul ?

6 auteurs prestigieux pour tenter d'apporter des bribes de réponses à l'une des questions que l'homme s'est sans doute le plus posé.

Et bien entendu, pas de réponses certaines, unique, car les recherches avancent, s'opposent et ouvrent de nouvelles questions.

Mais quel débat, chacun apporte des éléments riches et pertinents et d'autres sème le doute et le trouble.

Il n'en fallait pas moins pour oser aborder ce sujet avec la modestie et la hauteur de vue requises.

Très didactique, intéressant, parfois étonnant, ces condensés de savoir pour une question hors sol, sont un peu des états de nos savoir, des temps où l'on lève la tête pour en revenir aux questions fondamentales.
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Le monde s'est-il créé tout seul ?

Une série d'entretiens avec des d'éminents scientifiques. La vision de la création de l'univers set surtout de "l'avant", est très différente selon les sensibilités de chacun. Certitudes pour les uns, comme Jacquard par exemple, où interrogations et doutes pour d'autres, Thuan , Pelt. Partant du principe anthropique fort Thuan lance le débat...Le monde s'est il crée tout seul, où une main invisible lui a-t-il rendue la tâche plus facile? Que l'on soit convaincu d'une théorie ou d'une autre, la question ne manquera pas d'agiter les consciences e de pousser les réflexions et recherches pendant encore de très nombreuses années... Passionnant !!!
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Le monde s'est-il créé tout seul ?

L'univers est né du Big Bang qui a permis l'arrivée de l'espèce humaine.

En 1974, l'astrophysicien Brandon Carter développe le « principe anthropique ». Ce principe est opposé à l'auto-organisation du monde.

« Le monde s'est-il créé tout seul ? » est la question point de départ posée par Patrice Van Eersel dans les entretiens qu'il a eus avec d'éminents scientifiques.

Hormis Trinh Xuan Thuan (astrophysicien) et Jean-Marie Pelt (botaniste), les autres spécialistes : Ilya Prigogine (physicien et chimiste prix Nobel), Albert Jacquard (biologiste), Joël de Rosnay (cybernéticien) et Henri Atlan (médecin et philosophe) n'adhèrent pas à ce principe anthropique fort.

J'ai été interpellée par le discours d'Albert Jacquard, la notion de temps. « La sensation proportionnelle au logarithme de l'excitation » explique cette sensation du temps passant de plus en plus vite, sensation bien réelle et explicable. Il développe l'idée de notre propre « big-bang » qui amène à réfléchir sur le principe et l'origine de notre existence.

Je retiendrai aussi de ces entretiens un immense respect de l'homme : son humanité et son inhumanité si nous n'y prenons garde, de la nature, des progrès et surtout du doute qui n'arrête pas de le faire grandir (seules les certitudes sont sclérosantes).

Dieu, la science, Dieu et la science, principe créateur conscient ou pas, des visions s'offrent à nous et à nous d'y réfléchir.

Certains entretiens demandent à être lus et relus, le crayon en main, des recherches à faire... tant les notions scientifiques pour qui ne les possèdent que superficiellement rendent la compréhension difficile.

Cependant même si certaines notions nous échappent, d'autres nous éclairent.



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Le monde s'est-il créé tout seul ?

Dans ce livre, la question fondamentale (et conceptuellement excitante) « le monde s'est-il créé tout seul ? » n'est pas considérée sur un plan religieux. Elle a été posée à plusieurs scientifiques de très haut niveau. Ils y ont répondu en fonction de leurs compétences et accessoirement de leurs convictions. Dans leurs réponses (argumentées), ils indiquent leur position personnelle vis-à-vis du principe anthropique "fort". Rappelons que, selon ce dernier, la vie biologique et la conscience humaine auraient été présentes, en puissance, dès le début de l'Univers. Si on admet cette formulation, une force créatrice (que l'on peut nommer Dieu) doit avoir présidé à la formation du cosmos.



En fait, seul un des scientifiques interrogés considère clairement le principe anthropique "fort" comme valide: l'astrophysicien Trinh Xuan Than. Pour justifier sa position, celui-ci développe notamment des considérations qui ne sont pas nouvelles mais qui restent troublantes. Les constantes fondamentales de la Nature et les conditions initiales de l'Univers semblent avoir été très exactement "ajustées" pour satisfaire toutes les conditions nécessaires à l'apparition de la vie telle que nous la connaissons; la probabilité pour que ces conditions soient réunies est moins qu'infime, donc ce n'est pas un hasard.

S'exprimant à sa suite, I. Prigogine prend le contrepied de l'astrophysicien en considérant les "structures dissipatives". Dans ces systèmes, loin de l'équilibre thermodynamique, la dissipation de l'énergie et de la matière peut devenir spontanément une source d'ordre. Ces phénomènes sont rares en physique, mais I. Prigogine cite un exemple trivial: les "courants de Bénard", apparaissant dans l'eau d'une casserole (chauffée par-dessous et refroidie par-dessus) correspondant à une convection macroscopique a priori hautement improbable. Les "structures dissipatives" sont beaucoup plus fréquentes dans les systèmes vivants (hors équilibre). La création est pour lui un phénomène fluctuant, probabiliste, irréversible, présentant des bifurcations; le principe anthropique "fort" n'est donc pas pertinent, selon lui.

J.-M. Pelt est un scientifique qui a la particularité d'être chrétien; mais il distingue très bien les domaines de la science et de la spiritualité. Ainsi, il se déclare hostile au principe anthropique "fort" et aux divers courants créationnistes. J. de Rosnay, lui, rejoint grosso modo les positions de Prigogine, en insistant sur la notion d'auto-organisation. H. Atlan, autre contempteur du principe anthropique "fort", explique qu'aucune différence fondamentale n'existe entre l'inanimé et l'animé (celui-ci présente seulement un degré d'organisation supérieur). A. Jacquart, pour sa part, nie qu'on puisse raisonner sur l'instant zéro (il est situé hors du temps, car il n'y a pas de... "avant"); cet instant est d'ailleurs rejeté à moins l'infini si l'on utilise une échelle logarithmique.



Ainsi, ces scientifiques ont des positions assez différentes sur la question posée initialement. Justifiant leurs réponses dans le cadre de leurs études personnelles,les personnes interviewées s'éloignent parfois du coeur du sujet soulevé. Malgré tout, le livre m'a semblé vraiment intéressant. Force est de reconnaitre que les avancées assez récentes sur des "structures dissipatives" et sur l'auto-organisation mettent en difficulté les tenants du principe anthropique "fort".

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L'Utérus artificiel

L'utérus artificiel sera la prochaine étape après l'insémination et la fécondation artificielle. Cette technique aura sans doute d'abord des fonctions thérapeutiques, elle remplacera les incubateurs actuels pour maintenir en vie les grands prématurés. Mais personne n'est dupe. Les techniques de procréation, d'abord développées à des fins médicales, vont forcément aller au-delà de ces indications strictement thérapeutiques. Ainsi, les utérus artificiels seront utilisés pour permettre des " envies d'enfant " que la procréation naturelle ne permet pas de réaliser. Tout en exposant les conditions de réalisation de l'utérus artificiel, Henri Atlan présente toutes les retombées sociales, économiques, politiques, culturelles et même religieuses de cette nouvelle perspective offerte à l'humanité. Mais tout cela n'est qu'une perspective lointaine. Science-fiction, ou future réalité, ce livre éclaire d'une lumière crue tous les problèmes qui se posent. La gestation, dissociée de la sexualité, sera de plus en plus médicalisée tandis que la parentalité sera de plus en plus sociale et de moins en moins biologique. Mais rien n'est encore décidé. Impossible de prévoir comment ce fameux UA transformera l'avenir des sociétés humaines. Et si les mythes et la fiction peuvent ici éclairer la technique, le " meilleur des mondes " n'est pas encore certain... Quoique... Ouvrage scientifique intéressant écrit par un membre du Comité National d'Ethique, professeur de biophysique.
Lien : http://www.etpourquoidonc.fr/
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Le monde s'est-il créé tout seul ?

Un sujet passionnant, qui est bien brièvement abordé par les six intervenants de ce livre.

Ces entretiens sont cependant fort intéressants, et l'occasion de s'orienter pour qui désire poursuivre avec des ouvrages plus complexes.
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Lettres à Alan Turing

Un superbe ouvrage avec un concept original qui est l'envoi de lettres par des spécialistes en informatique à Alan Turing, le père de l'informatique ! Tous les sujets de la société et de la science moderne ont été évoqué. Un excellent livre que je recommande à toutes et à tous.
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Entre le cristal et la fumée

Cet essai sur l'organisation du vivant a dépassé mes capacités de compréhension,hélas.
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Cours de philosophie biologique et cognitiv..

Puisque l’on est en mai, qu’il n’y a pas de muguet, mais qu’il y a des ponts à foison, c’est une bonne raison de (re)lire Baruch Spinoza (1632-1677). Cela d’autant plus que vient de sortir un livre de Henri Atlan « Cours de philosophie biologique et cognitive, Spinoza et la biologie actuelle » (2018, Odile Jacob, 636 p.). En presque même temps sort de Frédéric Lenoir « Le miracle Spinoza: Une philosophie pour éclairer notre vie » (2017, Fayard, 264 p.).

A priori, je préfère le livre d’Henri Atlan qui m’a toujours impressionné, notamment avec « Les Etincelles du Hasard. T.1. Connaissance Spermatique », (1999, Seuil, 400 p.) suivie de «Les Etincelles du Hasard. T.2. Athéisme de l’écriture » (2003, Seuil, 448 p.) tous deux dans la collection « La Librairie du XX siècle », puis ensuite avec « Qu'est-ce qu'un Modèle ? » (2011, Editions Manucius, 48 p.), qu’il convient de lire avec « De la Fraude, Le Monde de l’onna » (2010, Librairie du XXI siècle, Seuil, 320 p.). Comme quoi on peut occuper ses mois de mai successifs à autre chose que gambader dans les bois pour voir si loup n’y est pas.

Bon, ce n’est pas le tout. D’autant plus que j’ai le « Tout Desproges » (2009, Seuil, 1456 p.) à relire, ce que je n’avais pas osé faire, tant le texte est dense (le volume aussi). Mais tant que l’on reste au rayon philosophie…..

Je reprends donc le gros ouvrage de Henri Atlan. C’est encore plus dense que Pierre Desproges. En fait, ce qui est bien c’est que ce n’est pas tout sur Spinoza, loin de là. C’est une thèse soutenue par Henri Atlan en philosophie, fin 2017 à la Sorbonne, un jeune homme de 86 ans. Je connaissais déjà son attachement à la philosophie de Maïmonide et de Spinoza, via son parcours, depuis son laboratoire de biologie aux études talmudiques . C’est très bien expliqué dans « Les Etincelles du Hasard », avec une mise en pages, en particulier des notes, vraiment remarquable.

Baruch Spinoza, donc. Né de famille portugaise ayant fui l’inquisition, ce hollandais est frappé par un « herem », l’équivalent de l’excommunication, pour cause d’hérésie. Et ce de façon définitive. Ce qui ne l’empêchera d’être par la suite attaqué comme athée. Son œuvre magistrale « L’Ethique », publiée après sa mort est conçue comme une « petite physique », ce qui n‘est pas vraiment le cas, étant plutôt une théorie de l’individu, par opposition à la rationalité de Descartes et son animal-machine. Son thème principal est que la nature et l’esprit forment un seul bloc, avec une substance unique. C’est donc quelque chose entre une explication purement matérialiste, ou réductrice, comme quoi tout est géré par le cerveau et l’ADN, d’une part. Et d’autre part, par une interprétation mécaniste, souvent au profit d’un quelconque dessein, type de ceux du déisme ou d’un quelconque « intelligent design ». L’idée de Spinoza est essentiellement de rassembler la nature et l’esprit. « Le Corps ne peut déterminer l’Esprit à penser, ni l’Esprit déterminer le Corps au mouvement, ni au repos, ni à quelque chose d’autre ». Pour preuve « le corps peut se mouvoir sans esprit, ainsi que le montre l’exemple des somnambules […] L’expérience n’a appris à personne jusqu’à présent ce que le Corps peut faire par les seules lois de la nature ».

Descartes avait sa « glande pinéale », dans laquelle le corps et l’esprit s’unissaient. En fait elle sert surtout à secréter la mélatonine à partir de la sérotonine. C’est en quelque sorte notre horloge interne. Spinoza estime que l'esprit est la même chose que le corps, mais considéré sous un autre angle. Ce sont les deux faces d’un même processus ou « les deux côtés d’une pièce de monnaie ». « C’est l’état de la pièce de monnaie dans ses deux côtés vus comme la même chose sous deux aspects différents, qui se trouve modifié. Et l’état d’un côté n’est pas la cause de l’état de l’autre. La cause de l’un comme de l’autre se trouve dans l’action exercée de l’extérieur par le poinçon sur la pièce dans son ensemble ». Ces considérations sont traitées essentiellement dans la première partie, soit globalement les 220 premières pages. Le propos que veut développer Henri Atlan reste un problème de relations entre le corps et l’esprit. « Qui se laisse comme “prendre par la main” sur le chemin indiqué ne peut donc pas négliger la compréhension claire et distincte de ce que nous apporte l’accumulation de connaissance de phénomènes mentaux avec leurs corrélats corporels ». Et il revient alors à son domaine de prédilection, la biologie, au sens large, c'est-à-dire incluant les développements récents de la biochimie et de la génétique. C’est là, à mon avis, que le livre devient intéressant et dépasse, ou illustre le propos philosophique.

Toujours au courant des progrès de sa discipline, il embarque le lecteur dans les codes neuronaux (chapitre VIII). Oh, cela reste assez simple pour être lu, et surtout compris. Et il fait référence aux « neurones miroirs » et au « neurone de la grand-mère ». Qu’est ce que la grand-mère vient faire ici ? Est-ce celle des biologistes, tout comme l’oisiveté est la mère de tous les vices. Nenni. C’est simplement le fait que l’on parvienne à se souvenir du portrait de ladite grand-mère. D’où l’idée qu’il y aurait un, (ou des pour les plus chanceux), neurones spécialisés dans ces processus complexes de reconnaissance des formes. C’est un chercheur argentin Rodrigo Quian Quiroga, qui est à l’origine de cette appellation (02/2013, Scientific American, 31-35). A l’origine, c’était un problème de patient qui voulait oublier son envahissante mère. Opéré, avec succès par un éminent neurochirurgien russe, et quelques milliers de neurones en moins, toute trace de la perturbatrice avait disparu. Et pas que celle de la pauvre grand-mère. D’où l’idée de neurones spécialisés. On pourrait être dans « Brazil » ou « Orange Mécanique » que cela ne choquerait plus. Bref, depuis, Quiroga a déterminé que ce ne sont pas un ou des neurones spécifiques du lobe temporal médian, mais que l’activité est distribuée dans tout ce lobe (Quiroga et al., 2008, Cell Trends in Cognitive Science, 12, 88-91). Pour preuve, une lobotomie totale, chère à des médecins allemands, efface tout souvenir. Quant aux neurones miroirs, c’est une autre histoire aurait chanté Bianca Castafiore. Tout commence par des chercheurs qui élèvent des bébés singes (Rizzolatti et al., Nature Clinical Practice 5, 24-34). Et qui constatent que ces petits macaques rient. Ils auraient pu faire la même chose avec des gendarmes, ou des chinoises, mais cela aurait prêté à rire. Il est vrai que cela avait déjà été testé avec des bovidés. Bref, émoi général, voilà que les animaux peuvent comprendre Desproges. Eh bien non. Ils simulent. En fait, ils reproduisent l’attitude des chercheurs. Voir ou lire Rizzolatti & Fogassi, (Philosophical Transactions of the Royal Society V369, 20130420). Entre temps, les amis des animaux se sont emparés de la chose, mettant en exergue l’intelligence de nos amis les bêtes. La polémique fait ensuite son effet. Lire par exemple « The Bonobo and the Atheist » de Frans de Waal (2013, W.W. Norton, 320 p.). Tant que l’on y est avec les animaux, pourquoi pas les choses. « Objets inanimés, avez-vous donc une âme » disait déjà le poète. Eh, non, répondaient les dévots, les anges (et les femmes) n’en ont point.

Donc « de là se pose la question d’une relation causale entre activité neuronale et perception ou action consciente ». C’est là qu’intervient à nouveau Atlan et ses mécanismes de codage. Et de rappeler qu’il y a une différence fondamentale entre codage et transmission de l’information. « On mesure l’information par un certain nombre de bits qui ne disent rien de sa signification ». Et d’enfoncer le clou, comme il l’a déjà fait dans ses livres précédents sur le sujet. « Cette signification est encore hors de portée de formulation mathématique ». Voilà qui met à mal les gigantesques programmes de recherche sur le cerveau. En particulier « Humain Brain » et « Blue Brain ». Ces programmes, gérés par l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), avec l’argent de l’UE, sous la responsabilité de Henri Makram, se proposent de reconstruire et de simuler le cerveau humain. Dès l’annonce du programme, une pétition a été lancée qui notait, entre autres, l’absence de biologistes-biochimistes, dans ce projet. Non pas que l’approche purement informatique ou mathématique soit inutile, mais elle est non suffisante. Mais ce n’est pas le sujet principal de Henri Atlan, du moins dans ce livre. Je préfère renvoyer aux notions de modèles et de fraude.

Il aborde ensuite certains des résultats apportés par l’imagerie par résonnance magnétique (IRM) fonctionnelle. Lesquels indiquent la localisation des zones activées lors des stimulations imposées au cerveau, et spécifiquement au cortex, la couche périphérique des hémisphères cérébraux. En particulier, il apparait que certaines de ces zones sont loin des aires du langage, les aires de Broca et de Wernicke. Cela suggère « l’existence d’une pensée sans langage, faite en quelque sorte « d’idées d’idée » ou « sans relation à l’objet » pour utiliser le langage de Spinoza ». Monsieur Cyclopède conclurait par un « Etonnant non ? ».

Ces notions de fonctionnement du cerveau sont en plein développement, on le voit. Et encore, il parle peu du « cerveau entérique » qui s’ajoute à la connaissance déjà ancienne d’éléments du système immunitaire dans la paroi intestinale, les plaques de Peyer. Et le tout, en particulier « la paroi intestinale est en communications bidirectionnelles avec le cerveau ». On est bien loin de « considérer le cerveau seul comme sujet de la conscience de soi ». Et c’est tout à l’honneur de Henri Atlan de nous en faire part, via son analyse de Baruch Spinoza. Il reste un domaine qu’il n’aborde que de loin, qui est celui de la biochimie et de la génétique, avec deux exemples d’apparition de protéines spécifiques entrainant d’importants changement dans l’évolution. Il est vrai que l’on ne peut pas tout faire. Dans un cas, il a été beaucoup question de ces découvertes pour expliquer l’apparition du langage, en particulier chez Homo Sapiens. Apparition liée à deux phénomènes, dont on ne sait s’ils sont liés. L’un est la station debout et la bipédie. Ce changement de position a entrainé des modifications au niveau de la glotte, qui favorisent la production de sons articulés. La descente du larynx est caractéristique de Homo Sapiens par rapport aux grands singes. Ce n’est plus « ce qui fait que votre fille est muette », c’est qu’elle ne marche pas. Le second facteur est la découverte d’une protéine FoxP2, du nom de son inventeur, Forkhead (Enard et al., 2002, Nature, 418, 869-872). Protéine qui est un facteur de transcription vers les zones de Broca dans les conversations verbales. Chose intéressante, cette protéine n’apparait que chez, et que depuis, Homo Sapiens. Elle est bien sûr importante dans tous les traitements de l’aphasie et autres dysfonctionnements du langage. C’est d’ailleurs de cette manière qu’elle a été découverte. Une autre protéine vient de faire parler d’elle, Arc/Arg, ou « Activity regulated cytoskeleton associated protein ». Son importance vient de ce qu’elle serait associée à la mémoire, ainsi que l’annonce Jason Shepherd (2011, Nature Neuroscience, 14, 279-284) et surtout un article de son étudiante Elena Pastuzyn et al., (2018, Cell, 172, 275-288). Le problème vient de ce que la plupart des protéines ont une durée de vie très courtes, souvent moins que l’heure. Par contre, on arrive à se souvenir d’évènements qui datent de plusieurs années. Cette équipe de l’Utah a mis en évidence un mode de stockage des protéines qui pourrait favoriser la mémorisation, en dehors des neurones. Encore un article de biologie-génétique, sans doute. Sauf que cette protéine serait apparue il y a 350 Ma environ, c’est à dire lors de la sortie de l’eau des amphibiens. Quel rapport direz-vous. C’est aussi l’époque où les poissons, qui ont une ligne latérale, à l’analogue du cerveau, qui leur sert à enregistrer les ondes émises sous l’eau, sont donc soumis à une pression hydrostatique, égale dans toutes directions. Les amphibiens sont eux soumis à la pesanteur et donc une pression lithostatique unidirectionnelle. C’est aussi le passage pour eux à un cerveau primitif, dit reptilien. Ces contraintes extérieures, que ce soit la démarche bipède ou l’émergence hors de l’eau, sont des facteurs de stress suffisants à expliquer les mutations importantes des gènes. Contraintes dont on suppose actuellement que ce sont des moteurs importants pour l’évolution. Bien sûr, tout cela est loin de Spinoza, qui peut être ne savait même pas nager.

Puis s’ensuit une discussion sur les modèles et la modélisation, sachant que la plupart des conditions initiales font que le système est sous-dimensionné. C’est à dire que l’on possède énormément de données, mais que l’on ignore généralement le nombre de paramètres. C’est déjà ce qu’il exprime dans « Qu’est ce qu’un modèle ? ». Ainsi, à l’avènement de la biologie moléculaire, la découverte de l’ADN et la synthèse des protéines, on a cru pouvoir coder l’information portée par les quatre bases qui la constituent. Donc on pouvait calculer la quantité d’information, selon Shannon, portée par une molécule d’ADN. Ce codage en quatre bases ou vingt deux acides aminés a permis le changement de paradigme, passant du code à la programmation génétique. Tout allait donc très bien, sauf que… Et c’est là que la modélisation devient extrêmement complexe car on oublie que les réactions ne sont pas linéaires avec de nombreux effets rétroactifs (feedback loops). De ce fait le modèle devient quasi imprédictible, et surtout il est impossible de connaître l’effet de chacune des interactions. De plus les transmissions du signal ne se font pas de façon linéaire et uni-directionnelle, mais selon un schéma en parallèle, dans lequel les circuits sont multiples d’un émetteur à un récepteur. Attention donc à une trop grande formalisation réductionniste, ainsi que le préconisait Spinoza dans son opposition à Descartes.

Pour terminer, Atlan aborde les problèmes de l’intelligence artificielle. Je sais c’est la tarte à la crème actuelle, mais il nous met en garde. « Les controverses sur l’intelligence artificielle (IA) illustrent bien cette problématique ». Aussitôt après, il s’explique, distinguant entre une IA forte impliquant « un dualisme du corps et de la pensée, en ce que des capacités intellectuelles comme celle de comprendre seraient indépendantes de la nature de leur support matériel ». De l’autre, existerait une IA faible, qui « ne fait que « simuler » la compréhension et ne comprend pas plus qu’un programme simulant un vol d’oiseau ne vole ou qu’un programme simulant la digestion ne digère». Puis viennent quelques piques à propos de la psychologie. Mais est-ce vraiment une science, se demande Henri Atlan. Il n’est pas le seul.

En résumé, un livre dense, quelques 600 pages, pas toujours d‘un abord facile, mais écrit de façon très compréhensible. Une mise au point claire de notions actuelles, avec des développements récents. Un texte philosophique, mais on sent le scientifique précis qui écrit et non le verbiage souvent filandreux de celui qui s’écoute. Un énorme respect pour cette personne.

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Le Vivant post-génomique. ou Qu'est-ce que l'..

Dans « Le Vivant Post-Génomique ou qu'est-ce que l'auto-organisation ? », Henri Atlan revient sur le lien qui existe entre la génétique et l’auto-organisation. Le livre est certainement assez technique, mais tout de même abordable. Il a le mérite d’être clair, net et précis, et surtout d’être à jour. Le concept est simple et part d’une constatation banale. Les gènes sont constitués d’un assemblage des quatre bases : Adénine, Guanine, Cytosine et Thymine, soit A, G, C, T auxquelles on associe souvent U, l’uracile. Chacune de ces bases est une molécule, certes. A, C, G, T sont les quatre bases de l’acide désoxiribonucléique ou ADN, alors que A, C, G, U sont les quatre bases de l’acide ribonucléique ou ARN. Par leur structure G et C s’unissent facilement via des liaisons hydrogène tout comme T et A, idem, via des liaisons hydrogène. Il est évident que prises séparément, aucune de ces molécules n’est active. Par contre, leurs assemblages, conduisant à la formation de gènes et ensuite des protéines sont à la base de la vie. D’où une émergence et une auto-organisation. C’était déjà le thème de ses tout premiers livres, mais là, il va beaucoup plus loin et examine les récents développements de structures qui présentent de la synergie et aboutissent à des formes, quelquefois élaborées.

Il s’agit de « pattern formation » selon l’expression de Hermann Haken « Synergetics » (77, Springer, 360 p.), dans une compilation d’un symposium tenu au château d’Elmau, à coté de Garmisch-Partenkirchen en Bavière. Par la suite, une version améliorée a été publiée, toujours sous forme de collection d’articles, et toujours édités par Hermann Haken « Principles of Brain Functioning » (96, Springer, 362 p.). Ces ouvrages forment actuellement 116 volumes d’une série « Springer Series in Synergetics ». Une des grandes avancées de Henri Atlan a été d’incorporer le bruit dans la transmission et reproduction des données, telles que cela a lieu lors des replications de gènes. Suivant en cela la théorie de Shannon, il en fait un « bruit organisationnel » dans lequel « les perturbations aléatoires d’origine externe ou internes auxquelles le système réagit par une augmentation de diversité ». Dans ce schéma, « la redondance y apparait comme un potentiel d’auto-organisation ».

Après les gènes et les protéines, la cellule est l’autre machinerie qui intéresse Atlan. C’est ainsi qu’il décrit dans le détail les deux premières heures du développement d’un embryon de drosophile, la fameuse mouche du vinaigre, mise à toutes les sauces dans les expériences biologiques. C’est grâce à elle qu’on découvre ce qui sera appelé plus tard des « supergènes » (mastergenes) ou « gènes homéotiques » qui paraissaient contrôler un soi-disant, ou espéré, programme génétique de développement. Ce qui pose la question de « la régulation des régulateurs ». Exit donc le programme de développement, la biologie est plus complexe que l’on ne le croyait, mais comment arriver à le modéliser.

Reprenant donc ce qu’il avait écrit à propos des modèles, il s’agit tout d’abord d’examiner un modèle fortement sous-déterminé, c'est-à-dire dont le nombre des observations, même très important, est loin de pouvoir représenter toutes les variables en jeu, tant la redondance peut être grande. C’est la base de la dispute que Henri Atlan a pu avoir avec les modélisateurs du climat (voir plus haut). Ces derniers clamaient bien haut que leur nombre d’observations en rendait le système largement surdéterminé. A priori, oui, mais que doit-on faire des observations redondantes, ou même simplement équivalentes à d’autres et qui n’apportent aucune contrainte supplémentaire. Pour donner un exemple, on sait résoudre facilement un système de deux équations linéaires par la géométrie. Ces équations sont celles de deux droites et la solution du système est leur point d’intersection. Qu’en est-il lorsque ces deux droites sont presque parallèles ? Leur zone d’intersection, compte tenu des bornes d’erreurs, s’allonge désespérément, rendant la solution beaucoup plus difficile à déterminer, donc incertaine.

Maintenant, il convient de savoir comment, et quoi, modéliser. Il y a bien entendu des modèles continus, définis par des équations, souvent différentielles, avec des dérivées. C’est ce que l’on appelle en termes savants les modèles en description Lagrangienne. On se pose en observateur externe, qui décrit les phénomènes avec des équations mathématiques, quelquefois couplées et complexes. Par opposition, il existe aussi une description Eulérienne, qui elle décrit, souvent de façon discontinue, les phénomènes, vus cette fois du point de vue d’une particule qui se déplace dans le système. Pour donner un exemple, il m’est arrivé de modéliser l’extraction de matière fondue hors d’une roche partiellement en fusion. Le modèle Lagrangien examine les diverses équations, de conservation de masse, de quantité de mouvement, via la vitesse, viscosité et propriétés physiques des deux éléments, le fondu et le solide. C’est complexe, je vous l’accorde, mais on y arrive. D’un autre coté, la modélisation Eulérienne s’occupe du mouvement d’une particule de roche fondue. On définit une « règle du jeu », dans laquelle cette particule peut aller par là, mais pas par ici (dans le solide) sous l’action de forces extérieures (contraintes, compression ou cisaillement). Les deux modèles, ou deux descriptions, heureusement, aboutissent à la même conclusion. Dans le cas des roches partiellement fondues, l’extraction se fait de façon discontinue et avec des volumes également variables. C’est ce que l’on supposait au vu des observations de terrain. Cependant les deux modèles n’ont pas les mêmes finalités, en particulier du point de vue quantitatif. On rejoint là ce que René Thom explicitait, repris également par Henri Atlan « Prédire n’est pas expliquer ». Et effectivement « la prédiction permet plus facilement de réfuter une théorie que de la vérifier ». J’y revendrai à propos de René Thom.

L’auto-organisation, puis l’auto-organisation critique (Self-Organized Criticality, ou SOC), ont été les tartes à la crème récentes des modélisateurs de tout poil, bien qu’il y ait eu de très belles applications, tels les actes du colloque sur la complexité, de Françoise Fogelman-Soulié « Les Théories de la Complexité » (91, Seuil, 454 p.). Dès qu’il existait une structure ordonnée ou avec un semblant d’organisation, plus ou moins reliée à quelque chose qui ne l’était pas, on criait, tout d’abord aux boucles de rétroaction, puis, un peu plus tard à l’auto-organisation, et enfin à la SOC. Il a été dit beaucoup de choses, dont des faussetés ou des mauvaises interprétations, à propos de ces modèles. Il est certain que la beauté des formes reproduites, de façon plus ou moins aléatoires dans les automates cellulaires, et qui ont donné lieu au classique « Jeu de la Vie » de John H. Conway ait pu séduire. On pourra consulter les ouvrages, à ce sujet de Stephen Wolfram «Universality and Complexity in Cellular Automata, 84, Physica D, 10, 1-35) et son impressionnant livre (02, A New Kind of Science, Wolfram Media, 1192 p.). Je signale aussi au passage que Stephen Wolfram est l’inventeur de « Mathematica », un logiciel de calcul formel très puissant. Ce n’est donc pas de la mathématique de bouts de ficelle.

Quoiqu’il en soit, et c’est à ce moment que Henri Atlan est utile à lire et à comprendre, il est important de distinguer le « finalisme » du « mécanisme ». L’émergence de structures est une chose, leur cause en est une autre. Et je ne suis pas certain que Stephen Wolfram assumerait d’être à l’origine des structures que ses automates ont pu reproduire. Encore moins certain qu’il assumerait les bouchons sur autoroutes que des chercheurs allemands ont pu modéliser, préconisant d’installer une régulation au niveau des bretelles d’entrées, comme cela est le cas, en particulier à Minneapolis. Il est de plus intéressant de voir que ces modèles, servent maintenant d’idées pour explorer la physique des cellules cancéreuses, comme le fait Peter Friedl (95, Cancer Research, 15, 4557-4560). Et Atlan de rappeler la fécondité du modèle d’émergence lié à des couplages, certes parfois complexes entre différents réseaux.

Reste un problème qui est crucial dans ces questions d’émergence, qui est celui du temps, et en particulier de la flèche du temps. C’est l’expression favorite qui indiquerait que le temps s’écoule toujours dans la même direction. C’est LA question de la physique, suivant laquelle les équations sont invariantes dans le temps, même si on inverse ce dernier. Il fait alors intervenir la néguentropie ou entropie négative, facteur d’organisation des systèmes physiques, conceptualisée par Léon Brillouin, suite aux travaux de Shannon dans « La Science et la théorie de l'information » (56, Masson, 314 p.). Ce serait comme un synonyme de la force de cohésion, traduction physique de la notion d’information au sens de Norbert Wiener. Dans un système dynamique la néguentropie, même partielle conduit à l’auto-organisation d’un niveau supérieur.

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Croyances : Comment expliquer le monde ?

Lumineux, agréable de fréquenter l’intelligence. Cela change des jacasseries des adaptes de la la logorrhée radiophonique des cultureux fonctionnarisés du service dit public.
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Les frontières de l'humain

un bon petit livre sur la pensée humaine !!
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La fin du « tout génétique »?

Henri Atlan est un biologiste dont la réflexion théorique a apporté une contribution irremplaçable à la connaissance du vivant. Pionnier de l'idée d'auto-organisation du vivant, il est de ceux qui montrent que celui-ci est complexe ; il est donc vigilant envers toutes les conceptions réductionnistes.

Il démontre dans ce petit livre que la notion de « programme génétique » est une métaphore trompeuse, qu'il s'agit d'une interprétation erronée du fonctionnement de la biologie moléculaire.

Ce faisant, il remet la biologie sur les bons rails : oui, le vivant est complexe, et on aurait tort de vouloir faire rentrer cette richesse dans des concepts simplificateurs et réducteurs.
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Le monde s'est-il créé tout seul ?

Le Monde s’est-il créé tout seul ?/Trinh Xuan Thuan/Ilya Prigogine/Albert Jacquard/Joël de Rosnay/Jean-Marie Pelt/Henri Athlan/(2008)

La grande question : l’univers a-t-il existé de toute éternité ou a-t-il démarré au Big Bang ?

La tendance actuelle est de pencher pour la seconde hypothèse et les savants pourraient même donner un âge à notre univers : il y a 13,7 milliards d’années que l’espace, le temps, la matière et l’énergie auraient fait leur apparition.

C’est Hubble en 1929 qui le premier a émis cette hypothèse, reprise par Gamow et Alpher en 1948 : pour eux, l’univers serait né à partir d’une singularité.

La question suivante est alors : la science peut elle étudier un phénomène qui ne peut se répéter ? À débattre …

En 1974, Brandon Carter fonde toute sa réflexion sur le principe anthropique à savoir que le Big Bang contenait la possibilité de notre apparition. C’est le principe anthropique faible.

Certains sont allés jusqu’à dire que tout était à l’état de potentialité dans la soupe primordiale. Ce sont les défenseurs du principe anthropique fort.

D’autres scientifiques font place à l’idée d’auto-organisation qui explique qu’à partir de quelques données de base au sein d’un certain chaos, un système peut évoluer vers des myriades de formes nouvelles.

Une question revient souvent : quel est la place du hasard dans l’évolution ?

Trinh Xuan Thuan, célèbre astrophysicien, en une cinquantaine de pages d’une grande clarté expose son point de vue qui fait référence à la théorie anthropique forte avec un principe créateur qui affirme que la vie et la conscience seraient des états inévitables que l’univers se trouvait dans l’obligation de laisser émerger. L’univers s’est trouvé avoir très exactement les propriétés requises pour engendrer un être capable de conscience et d’intelligence, dès les premiers instants du Big Bang.

Ce qui m’a apparu moins clair dans le discours de TXT c’est le fait qu’il semble s’être rapproché de la philosophie et spiritualité bouddhistes, qui affirment la permanence de tout temps de l’univers ; il n’y a pas eu de commencement et il n’y aura pas de fin, juste des changements, des cycles en quelques sorte.

Il semble y avoir contradiction.

Ilya Prigogine, prix Nobel de chimie 1977, n’est pas du tout d’accord avec la vision téléologique de TXT. Pour lui l’émergence de la conscience humaine est d’une imprévisibilité absolue, sans qu’elle soit pour autant incongrue et étrangère au cosmos dont nous sommes les enfants et aussi désormais les cocréateurs. Prigogine est ainsi le père des théories de l’auto-organisation. Pour lui le monde est un système de création auto-organisée suivant son propre programme qui se construit lui-même : la nature improvise et agit suivant les données qu’elle a.

Albert Jacquard est un spécialiste en génétique mathématique. Pour lui il n’y a pas de principe créateur à l’origine de l’univers. Il fait la démonstration qu’il n’y a jamais eu de Big Bang, que ce n’est pas un événement sinon il faudrait qu’une seconde avant il n’ait pas encore eu lieu, or le temps n’existait pas. Donc le point T/0 n’existe pas non plus. Et donc il n’y a pas eu de création et il n’existe pas de créateur.

Dans ce chapitre, Jacquard évoque la relativité du temps qui passe et qui n’existe que s’il se passe quelque chose. La formule est la suivante : la sensation (que ce soit du temps ou du poids donnés comme exemples), est proportionnelle au logarithme de l’excitation. Il aborde aussi le paradoxe de Russell qui dit que l’ensemble de tous les ensembles n’existe pas et il en fait la preuve. Ce qui infère que l’univers reste indéfinissable. Ce paradoxe a abouti d’ailleurs au théorème d’incomplétude de Gödel qui a remis en cause toute la logique mathématique en 1932. De même pour la conjecture de Goldbach (1742) : existera-t-il toujours un nombre pair égal à la somme de deux nombres premiers ? Personne n’a jamais démontré qu’elle était indémontrable, d’où l’incomplétude ici arithmétique.

Joël de Rosnay est non seulement docteur ès sciences, biologiste spécialiste des origines du vivant, mais encore spécialiste des nouvelles technologies, notamment en informatique. Pour lui, nous sommes le résultat de beaucoup de hasards, de chaos, d’amplifications, de bifurcations et de structures dissipatives successives. C’est la logique même des lois de la complexité qui fait émerger la variété des formes du monde : c’est ce qu’on appelle l’auto-organisation en relation avec la théorie du chaos.

Jean Marie Pelt est botaniste. Il est adepte du Big Bang, et se tourne vers la spiritualité pour exprimer une volonté créatrice. Profondément croyant, il pense qu’il faut lire la Bible comme une fable de La Fontaine. C’est la foi et non la science qui doit répondre aux questions ultimes, aux causes premières et aux fins dernières. Pour Pelt, l’auto-organisation est à l’œuvre à tous les niveaux. Mais il reste une zone de mystère qui enveloppe tout à laquelle nous n’aurons jamais accès.

Henri Atlan, médecin et biologiste, professeur de biophysique, philosophe et épistémologue pense qu’il n’y a pas de réponse scientifique à la question de la création de l’univers. C’est une question métaphysique de l’ordre du mythe. Puis pour le reste, la suite, l’auto-organisation règne : les structures organisées, fonctionnelles, se fabriquent elles-mêmes. C’est pourquoi, Atlan pense que le monde a très bien pu se créer tout seul. Cela dit, selon lui, nous n’avons pas besoin d’une hypothèse créatrice.

En résumé un livre de 200 pages très intéressant encore en 2016 quoique publié en 2008 et donc un peu en retrait dans le domaine par exemple des avancées en biologie moléculaire. Dans les laboratoires on s’est depuis beaucoup activé, peut-être en raison de la pression dont parle J. M. Pelt. Les chercheurs ont aussi leur philosophie et leur intégrité scientifique qui les poussent et les incitent à chercher du nouveau. La biologie moléculaire a beaucoup avancé notamment dans le domaine de l’édition du génome qui va révolutionner nos vies. Il n’est que de se référer aux travaux en cours sur l’endonucléase Cas 9 (CRISPR associated protein 9), enzyme spécialisée pour couper l’ADN avec deux zones de coupe actives, une pour chaque brin de la double hélice. Avec pour conséquence la possibilité de modifier facilement et rapidement le génome des cellules animales et végétales. Des perspectives inouïes s’offrent alors aux chercheurs avec une foule d’applications.

Il paraît osé par ailleurs de mêler la physique quantique comme le fait J.M. Pelt avec la biologie. Les bioinformaticiens ont déjà fort à faire pour traiter les données des chercheurs en biologie moléculaire. N’apparaît pas tous les jours un Claude Bernard !

Et puis, autre reproche, c’est que bien souvent la question posée, celle du titre du livre, est succinctement abordée, même parfois éludée pour nous mener dans des considérations hors sujet quoique intéressantes. Beaucoup de digressions de la part des intervenants comme si la question initiale les perturbait.

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Croire et ne pas croire

Deux années de libres échanges. Entre Jérusalem et Paris, Henri Atlan et Ariel Toledano ont correspondu, presque chaque jour, par courriel, au cours de 2020 et de 2021. Tous deux sont médecins, connaissent bien l’hébreu, s’intéressent à la kabbale, à Moïse Maimonide et à toute la philosophie juive, aussi bien qu’aux mutations de notre époque et à ses dérives. Quelque chose toutefois les sépare et motive leur dialogue.
Lien : https://www.lemonde.fr/livre..
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Croyances : Comment expliquer le monde ?

Pour terminer, un mot sur le dernier ouvrage de Henri Atlan « Croyances, comment expliquer le monde ? » qui traite de l’exploration des différentes croyances, mais qu’est ce que croire ? « On vit tous avec des croyances multiples. Ce qu’il faut justifier, c’est le doute. Il faut simplement distinguer entre des doutes raisonnables et des doutes qui le sont moins. » De fait, la croyance est très souvent associée à la religion, notamment sous forme de foi, alors qu’il en existe beaucoup d’autres sortes. Tout d’abord cette assertion qui peut surprendre « Certaines croyances sont-elles plus vraies que d’autres ? ». Atlan examine les différents régimes de croyance et les relations complexes existantes entre croyances, savoir, vérité et raison. Il en tire alors un genre de «traité d’épistémologie citoyenne» et un mode d’emploi « Il faut utiliser les croyances comme des outils pour se transformer les unes les autres en connaissances, et non comme prêt-à-porter de réponses toutes faites. » Puis, il classe les croyances en trois catégories. Ce sont i) celles des religions le plus souvent monothéistes, et qui supposent une profession de foi. ii) celles qui se réfèrent à des identités socioculturelles comportant des mythes et/ou des rites. Et enfin iii) les expériences oniriques ou extatiques servant d’accès à une autre réalité par des états de conscience modifiés. « La question n’est pas de croire en un contenu de connaissance scientifique, mais de délibérer sur le domaine de ses applications pertinentes, pour savoir comment s’y référer et comment l’intégrer à l’orientation de notre pensée et de notre existence. » Les expériences du sacré sont à l’origine des représentations divines et pas l’inverse. L’animisme efface la frontière entre humain et non-humain. Donc l’abandon de l’animisme pour qui la nature a ses propres intentions a permis la science. Par contre la frontière entre sciences et la séparation entre le corps et l’esprit est plus délicate à déterminer. « Les régimes de croyance différents peuvent coexister sans se confondre, permettant de progresser dans ces chemins du milieu sur la voie d’une bonne gestion de nos croyances » D’où une proposition de Henri Atlan d’essayer de comprendre les idées de l’autre plutôt que de les considérer comme stupides.

Il cherche alors à défendre « un néo-pragmatisme » plutôt qu’une métaphysique. « Devant ce règne de croyances et de superstitions contradictoires qui nous assaillent avec plus ou moins de force, céder à la tentation du scepticisme – ne croire en rien et ne rien croire – n’est pas la solution, car c’est tout simplement impossible : ne serait-ce qu’en raison de notre existence dans le temps qui nous force à imaginer, sinon à planifier, un futur auquel nous sommes bien forcés de croire peu ou prou de façon pratique, dans nos comportements, même si nous n’éprouvons pas le besoin de les justifier en les théorisant. »

Atlan suggère alors cette sentence, inspirée par le Livre des Proverbes: «Le sot croira n’importe quoi; l’avisé comprendra vers quoi il pose son pied.». C’est aussi bien que « Quand le sage montre la Lune, L'idiot regarde le doigt». Tout est une question finalement de regard.

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Lettres à Alan Turing

Des célébrités relatives (en sciences, ou des philosophes ou auteurs qui ont abordé des sujets en rapport avec l'oeuvre de Turing) lui envoient une lettre.



J'ai commencé le livre avec enthousiasme, mais j'ai été assez vité déçue. Je m'attendais à quelque chose de vibrant d'émotion, devant des gens exprimant leur admiration, leur empathie, peut-être leur déception sur certains points, devant l'homme célèbre. Je m'attendais à un peu d'humour aussi. Je n'ai eu ni l'un ni l'autre. Est-ce un choix éditorial, ou un choix des auteurs ? J'ai trouvé presque toutes les marques d'admiration convenues et froides.



Heureusement, plus tard, quelques lettres sont venues modifier cette mauvaise idée que je m'étais fait, en particulier celle de Sylvie Lainé. J'ai aussi beaucoup apprécié les trois "lettres" qui sont en fait des oeuvres de fiction épistolaire. Mais globalement, la plupart des lettre sont assez égocentriques, avec les gens qui expliquent comment Turing a influencé leur oeuvre, et ce qu'ils en ont tiré, ce qu'ils ont fait avec. Certains de ses articles sont intéressants scientifiquement (de façon étonnante, c'est le cas de celle du directeur scientifique de L'Oréal, j'avais un mauvais a priori contre), ou philosophiquement. Mais la plupart consistent à expliquer leur vision de l'oeuvre de Turing (certains lui font la leçon et expliquent qu'il n'est pas allé assez loin ou qu'il a eu tort), leurs opinions en général (avec parfois des "je suis sûr que tu serais d'accord avec moi", explicites ou implicites, que j'ai trouvé de mauvais goût), et globalement... je ne sais pas ce que je voulais. Bien sûr, dans une lettre, on parle de soi. Bien sûr, on ne peut pas essayer de nouer une vraie connexion avec quelqu'un qui est mort, et on s'adresse effectivement au public. Mais j'ai l'impression que dans de trop nombreux cas, ce message adressé au public était surtout "regardez comme je suis brillant".



Aussi, la vision de l'homophobie qui se dégage de ce livre, comme quelque chose qui est dans le passé, ou quelque chose qui est exclusivement anglais, me fait me demander dans quel monde vivent ces gens, ou s'ils sont tous hétérosexuels. Dans ce cas, autant ne rien mentionner sur l'homosexualité de Turing, s'ils ne font pas l'effort de comprendre.



Peut-être ce livre n'est-il pas destiné aux fans de Turing comme moi, mais aux gens qui le connaissent peu. Peut-être le sujet du livre n'est-il pas Turing lui-même, mais son influence sur la pensée moderne. Dans ce cas, ces lettres seraient presque plus des documents qu'une oeuvre. Peut-être, si j'avais pris l'ouvrage avec cette distance, l'aurais-je plus apprécié.



Enfin voilà. Une déception globale, même si vu l'hétérogénéité des textes et le grand intérêt de certains, je ne peux pas dire que je regrette d'avoir lu.



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Les Etincelles de hasard, tome 1 : Connaiss..

Le tome 1 est divisé en six chapitres « Les étincelles de hasard et la fabrication du vivant », « Nul ne sait ce que peut le corps. L’arbre de connaissance et les jeux du déterminisme absolu », « Esprits et démons. Le sujet de l’ombre », « Mythe et philosophie. La Kabbale, "spinozisme élargi" », « Le hasard désacralisé : de l’oracle du tirage au sort à l’indifférence aléatoire » et enfin « Comment le Dieu biblique "va au hasard" en hébreu, mais pas en traduction ». Le tome 2 comporte 12 chapitres « Vivre et connaître. Représentations sociales et discours savants », « Les niveaux de l'éthique. Pour une généalogie », « Un sujet naturel au 14ème siècle? Déterminé et responsable d'après la doctrine de Hasdaï Crescas », « La réalité, la perfection et la gloire », « Le dieu des personnes et la forme du corps humain », « Un point de vue spinoziste sur l'Evolution et la théorie de l'action. De la philosophie analytique à Spinoza », « Auto-organisation intentionnelle. Vers une théorie physique de l'intentionnalité », « Statistiques et temporalité », « La mémoire du rite, métaphore de fécondation », « Un peuple qu'on dit élu », « Autour de Maïmonide », « Niveaux de signification et athéisme de l'Écriture ». Le tout est séparé en cinq grandes parties soit « Zoon et Bios », « Le Sujet et le Temps », « Le Monstre radical du Corps et de l’Esprit », « Entre Temps et Eternité » et « La Lettre de l’Esprit ». Il m’a semblé important de donner les titres de chapitres et sous-chapitres pur ces deux livres qui ne sont pas d’un abord immédiat, mais qui peuvent intéresser un lecteur tant soit peu curieux. Ils montrent également la variété de l’approche, point important des discussions.

Henri Atlan commence par nous rappeler le thème du Golem, c'est-à-dire l’homme artificiel de la kabbale. On s’aperçoit alors que « la science et la technologie semblent libérer peu à peu les enfants d’Adam et Eve de la malédiction biblique, du travail dans la peine et de l’enfantement dans la douleur. ». Le livre date de 99 et on n’en est pas encore au transhumanisme et autres théories prônées et initiées par les Gafa (Google, Apple, Facebook et Amazon) de Raymond Kurzweill et autres (« Humanité 2.0 : La Bible du changement (07, M21 Editions, 647 p.) traduit de « The Singularity is Near: When Humans Transcend Biology ». Il est vrai que « le travail n’est qu’une nécessité malheureuse. S’en libérer permettrait à la véritable nature humaine de s’épanouir dans le monde de la sagesse et des mots pour le dire. ». Il est malheureusement vrai aussi que lorsque l’humanité a voulu se libérer des carcans de la morale, cela a été quelquefois pour sombrer dans une agressivité qui l’a rendue pire, notamment vis-à-vis des autres humains. L’homme a toujours été un loup pour l’homme (et les autres espèces). Il n’y a qu’à voir à quel rythme effréné il détruit sa planète. Une fois posé ce principe d’un homme débarrassé des contraintes de la souffrance, et surtout redevenu bon, il s’ensuit une modification des sciences de l’homme. Cela implique de s’interroger sur les relations de l’homme à la nature, donc à la philosophie en général. Il s’agit alors de désacraliser le hasard, avant de donner une nouvelle forme à cette attitude face à la nature.

Henri Atlan part de loin si l’on peut dire, car dans son analyse sur « la fabrication du vivant », c'est-à-dire « la grande affaire de l’homme », il remonte au « passage de l’humanité de la cueillette et de la chasse à l’humanité de l’agriculture et de l’élevage ». Dans les mythes anciens c’est le conflit entre Caïn et Abel, qui se transforme en « conflit entre le chasseur Nimrod et le berger Abraham, le chasseur Esaü et le berger Jacob ». conflit donc entre les éleveurs-bergers qui s’opposent aux agriculteurs sédentaires. Naturellement cette opposition va se transformer en conflit nouveau avec le développement de la technologie et la révolution numérique. Et on arrive tout naturellement aux débats, quelquefois violents, qui sont liés aux manipulations génétiques, nouvelle forme de la guerre larvée entre les clans, maintenant devenus écoles de pensée. Là où cela se complique est que la lecture du code génétique, et surtout sa compréhension, n’est encore que parcellaire. C’est le biochimiste qui écrit, et non un quelconque philosophe ou modélisateur théoricien. Surtout on découvre qu’elle n’est pas seulement une affaire de séquences plus ou moins linéaires de codage, mais qu’elle comprend des boucles de rétro-actions qui compliquent singulièrement le déchiffrage. Un bon exemple illustrant ceci est de partir de la vérité en hébreu « emeth » qui se transforme en « meth » (la mort) par simple suppression de la lettre aleph. Il en résulte pour le Golem, qui était choisi comme exemple de création de vie artificielle, une réversibilité du temps, effet colatéral tout à fait imprévu de l’action. Et donc cette mise en garde de Henri Atlan « Celui qui a accompli la longue et difficile ascension vers la sagesse qui le rend capable de fabriquer un Golem, sait qu'il doit s'abstenir de le faire ». On assiste d’ailleurs à une opposition brutale entre la création d’un Golem, soit disant pour aider l'homme à connaître ses propres limites, et celle de Frankenstein qui avait sensiblement le même but. Entre les deux, l'émergence de la connaissance scientifique semble avoir provoqué une étrange mutation spirituelle. Transmis pour information aux GAFA, voire GFAMA, puisqu’on ajoute Microsoft et AliBaba et autres BATX chinois.

On en arrive très vite à l’arbre de connaissance, qui comporte trois aspects que sont l’intention de connaître, la connaissance comme nourriture et la connaissance par le sexe. Dans le premier cas, il y a danger de dispersion par impatience, alors que dans le second cas, c’est l’ingestion, et surtout sa digestion qui pose problème. Dans le cas du sexe, et on passera vite sur l’épisode du serpent et d’Eve. Par contre cela « transforme la connaissance de soi qui devient celle de quelqu’un d’autre ; non pas connu de l’intérieur de la connaissance de soi, mais avec l’œil de l’étranger, l’œil, le regard qui différencie ». Le résultat inattendu en est une opposition entre « une connaissance scientifique qui dévoile de plus en plus de mécanismes », c’est à dire « un déterminisme de la nature étendu au vivant » d’une part, et d’autre part « des valeurs censées être le lieu d’exercice de notre liberté et de notre responsabilité ». Et Atlan d’enfoncer le clou. « Il en résulte un état de crise où toujours plus de science semble vouloir dire toujours moins d’humanité ».

Atlan aborde ensuite les notions de sagesse, qu’il définit ainsi : « Il y a deux sagesses : du côté droit (de haut en bas) et du côté gauche (de bas en haut) ». A priori, cela mérite explication, et je n’ai jamais dit que la lecture était un long fleuve tranquille. Le coté gauche est celui du désir de recevoir. « Mais ce désir de recevoir ne peut être satisfait que comme réponse à un désir de donner. Et celui-ci ne peut être satisfait que si ce qui est donné est reçu. Retourné alors en satisfaction du désir de donner, le désir de recevoir n’est plus renfermé sur ce qui est reçu. Sa symbolique est alors celle d’une porte ouverte». Un exemple donné par Atlan est celui de la parole, qui comprend l’intelligence et le discours porté par la voix. Le passage à la connaissance dite moderne se fait via Spinoza avec, ce qui peut paraitre surprenant, « la séparation radicale entre mythe et philosophie ». il en résulte que « La réflexion éthique contemporaine doit inventer une nouvelle forme de discours capable d'associer différents langages, sans les confondre » et son corollaire « L'objet des "sciences de la vie" (biologie) n'est plus la vie, mais les mécanismes physico-chimiques qui en expliquent la structure ». Idem, Atlan insiste sur le côté physico-chimique de la modélisation. A transmettre aux initiateurs et concepteurs, à Henri Makram en particulier, du Human Brain Project, soutenu par l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) qui prétend vouloir modéliser le cerveau humain sur ordinateur, puissant certes, puisqu’il en est à des vitesses de l’ordre de l’exaflop. Il est vrai que c’est de l’argent de la communauté Européenne et que les administratifs de Bruxelles ne sont pas scientifiques.

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Les Etincelles de hasard, tome 2 : Athéisme d..

Dans le tome 2 « Athéisme de l’Ecriture », Henri Atlan essaye de découvrir les structures de la nature des choses, via la science, mais aussi d’en définir une éthique, définie comme étant « l’articulation du normatif et du descriptif ». Dit en d’autres termes c’est l’articulation entre « tu dois » et « voici ce qui est », entre « le qui » et « le quoi ». Naturellement, si l’application de cette éthique est relativement aisée dans les sciences dites dures, telles que la physique ou les mathématiques, il n’en est pas de même dans les sciences du vivant. « C’est à partir d’une certaine idée de l’homme qu’on peut utiliser la biologie au service de celui-ci ». D’où la nécessité de définir la formation « d’une certaine idée de l’homme » au préalable. Cela se complique encore avec « les interprétations anthropomorphiques des activités d’animaux, de plantes ou de structures géologiques [qui] sont de moins en moins justifiées quand elles sont attribuées à des corps de plus en plus différenciés des corps humains. ». En effet, la différenciation entre le vivant et le non-vivant s’effectue sur une base quasi antagoniste. Chimie du carbone dans le second cas, et métabolisme de la cellule dans premier. Or ces deux ensembles n’ont pas le même niveau d’organisation, la principale différence provenant des rétroactions qui peuvent impliquer de l’auto-organisation et de l’émergence. Ces derniers effets sont essentiellement mécaniques et ne nécessitent aucunement « de faire appel à des propriétés mystérieuses de la Vie ou de l’Esprit pour expliquer causalement leur survenue ». C’est selon Henri Atlan, après ses études de la Kabbale, du Talmud et de Spinoza, la grande conclusion de ses réflexions. Il en arrive donc nécessairement à une compréhension des sciences et de la nature qui doit forcément être athée. Exit « le Grand Architecte planifiant la construction de l’Univers » Tout aussi intéressant de constater que cette notion de Grand Architecte est combattue par quelqu’un qui vient de passer son temps à étudier les textes sacrés.

Pour arriver à ces idées, il convient de séparer « le hasard physique, dans la nature » différent du « hasard formel des mathématiques » en ce que le premier serait « créateur ». C’est le grand thème de Henri Atlan, avec les trois différents niveaux de l’éthique. Chose qu’il reprendra plus tard dans « Croyances », avec les niveaux de croyance. Il insiste alors sur la non intervention du libre arbitre. Il faudrait pour cela distinguer trois étapes. i) un niveau fondamental où le bien et le mal se confondent avec le plaisir et la douleur. ii) un niveau avec des stratégies « où la recherche du bien et l’évitement du mal sont différées ». iii) un niveau où l’on porte des jugements sur le jugement moral, posant ainsi la question du relativisme. Pour ce qui est de l’humain, cellule ou groupe de cellules, « se pose la question fondamentale […] Qui ou Quoi ? » A la question « Qui ? » il n’y a pas de réponse vraiment possible, car il y a impossibilité de définir qui est vraiment quelqu’un. Pour le « Quoi ? », il s’agit de le mettre en relation avec d’autres évènements. C’est de la science que cela résulte. En d’autres termes, « Quand le "Je" est pour lui-même, fermé dans l'expérience de la présence à soi, il est un "Quoi?"; et quand il s'ouvre sur l'autre, alors il est un "Qui?" ». Le problème alors devient entier entre l’embryon et la personne. « Quand un embryon devient-il une personne? Et quand sa forme (corps et visage) est-elle reconnue comme humaine ? ». Sauf que « La personne humaine, en tant que telle possède des droits et une dignité, c’est une réalité juridique, et non pas biologique ».

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De la fraude : Le monde de l'onaa

Tout autre est le livre de Henri Atlan, pour en revenir à lui, qui développe l’idée de fausseté inhérente à la modélisation, avec des implications nombreuses dans notre vie quotidienne, liées à soit des dérapages (frauduleux ou involontaires), soit à des crises (par exemple financières). « De la fraude » donc, avec cette précision, liée à la personnalité de Henri Atlan et à son parcours talmudique, « Le monde de l’onaa ». Tout d’abord, cette définition de l’onaa, « mot hébreu [qui] désigne un dommage produit par une fraude et subi par un individu ou une collectivité ».



Le livre fait partie de la très intéressante collection de « La Librairie du XX [puis du XXI] ème siècle » (avec quelquefois des volumes un peu hors de propos). Livre aussi relativement facile à lire, car écrit très clairement, même si le propos n’est pas celui du roman. Huit chapitres en 316 pages. Une longue introduction sur la fraude, volontaire ou non et ses répercussions, tant morales, verbales ou financières. Tout cela pour en arriver à la belle histoire du « four d’Akhnaï » (ou four du serpent) considéré par Rabbi Eliezer comme four impur du fait de sa structure en anneaux d’argile posés les uns sur les autres, donc discontinus et impurs selon le schéma kabbalistique des vases brisés. Fraude ou pas fraude ? D’où l’importante question de savoir si ce qui y était cuit était pur ou impur. (Comme quoi la poterie peut avoir une influence sur la vie spirituelle). L’onaa, tel que cela est défini dans le Talmud, répond à cette question en admettant qu’il y a fraude dès lors qu’il existe un seuil de tolérance de un sixième (en plus ou en moins) dans la valeur de la transaction. On reconnait bien le côté pratique, mais non scientifique, du Talmud. Un expérimentateur aurait ajouté au un sixième, une borne d’erreur.

Les deux derniers chapitres du livre « Le sacré cristallisé » et « Dissolution » entrent véritablement dans le problème de la frauduleuse utilisation de la dissimulation. Ils font d’ailleurs référence (et c’est voulu par l’auteur, aiguillonné dans ce sens par sa compagne) à un de ses premiers livres « Entre le cristal et la fumée. Essai sur l’organisation du vivant » (79, Seuil, 287 p.). Livre de base de sa théorie de l’auto-organisation, entre le cristal, à la structure ordonnée, et la fumée, par nature diluée dans un environnement et sans structure propre. Dans l’introduction de ce chapitre, Atlan fait d’ailleurs le parallèle avec « les deux moments de la mort exterminatrice » de « la Nuit de Cristal » et de « la fumée des crématoires ». Il s’ensuit un parallèle entre démocratie et totalitarisme.

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