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Critiques de Gwenaëlle Lenoir (30)
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Camera obscura



Il y a très longtemps, au collège, nous avons eu comme lecture cursive un ouvrage avec le même titre "Camera obscura", un recueil de nouvelles de 1839 et un classique de la littérature néerlandaise de la main de Hildebrand, le pseudonyme de Nicolaas Beets, traduit en Français comme "La Chambre obscure".



La "Camera obscura" de Gwenaëlle Lenoir est une toute autre histoire, mille fois plus captivante, quand bien même s’il s’agit d’un récit angoissant et oppressant.

Un récit, par ailleurs, véridique.



Le narrateur (sans nom), marié avec sa bien-aimée Ania, une laborantine, et père de deux charmants enfants, Najma et Jamil, a une drôle de profession : il doit prendre des photos des morts qui arrivent à la morgue de l’hôpital militaire de son pays.



Comme son nom, ce pays n’est pas spécifié non plus, mais par recoupement tout porte à croire qu’il est question du paradis dictatorial de Bashar al-Assad, autrement dit la Syrie en pleine guerre civile, aidée par un autre despote criminel, l’occupant actuel du Kremlin.



Nous n’assistons pas aux combats proprement dits, mais nous suivons notre photographe des services secrets (syriens), qui reçoit à la morgue des livraisons de corps suppliciés plus ou moins atrocement, en nombre toujours croissant.



Ces corps martyrisés sont ceux des opposants au régime d’Assad, fréquemment des adolescents, comme le pauvre jeune Azzam Azzaz, à peine 16 ans, par exemple.



Notre photographe, un homme consciencieux et humain, souffre de plus en plus de sa tâche horrible, il passe des nuits blanches et finit par se sentir totalement déphasé.

Il n’en peut plus, mais se trouve coincé par son amour pour Ania et ses gosses.

Et en plus, il vit dans une peur constante.



À vous de découvrir s’il réussira à s’en sortir.



Gwenaëlle Lenoir nous offre dans cet ouvrage un aperçu dramatique des conditions de vie épouvantables dans la Syrie de père et fils Assad, avec tous ses morts et un nombre record d’exilés. La Syrie compte, selon l’ONU, le plus grand nombre de réfugiés au monde, soit environ 6,6 millions ou un quart de sa population globale.

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Camera obscura

Tous les jours, avec la même constance rigide, il applique le protocole à la lettre. Un rituel qui se répète inlassablement et qui consiste à enfiler sa blouse “le bras gauche en premier, laisser les pans flotter, tenir l’appareil photo du bras droit et pousser les battants de la porte avec l’épaule” avant d’entrer dans la morgue. Prendre cinq ou six clichés par corps et passer au suivant. Rester neutre, impassible, toujours, face à ces corps sans vie. Ne rien laisser paraître, ne pas changer les habitudes, jamais, car “c’est plus prudent”. Mais, ce jour-là, rien n’est comme d’habitude. Le regard pesant des chefs derrière l’épaule, les ordres donnés, les corps mutilés, torturés sont autant de signes qui viennent alerter notre narrateur que sa normalité est en train de changer… L’angoisse monte, viscérale. Dans un pays dirigé par la tyrannie, le moindre faux pas, le moindre changement dans l’attitude, peut conduire à une dénonciation et tout droit dans les fourgons rouillés qui déposent les corps sans vie, mutilés, par dizaine tous les jours… Mais, face à l’horreur à l’état pur, est-il encore possible de se taire?



Quelle claque! J’ai été totalement happée et bouleversée par ce roman, qui n’en est pas vraiment un puisqu’il s’inspire de la vie de celui que l’on connaît aujourd’hui sous le nom de code “César” et qui fût photographe légiste pour l’armée syrienne durant plusieurs années, notamment au moment des soulèvements révolutionnaires de 2011, avant d’être exfiltré en 2013. Grâce à lui et aux milliers de clichés qu’il a réussi à faire circuler, le monde a pu prendre conscience réellement des atrocités qui étaient commises en Syrie sous le régime de Bachir Al-Assad.



Avec le roman de Gwenaëlle Lenoir, on plonge au coeur de l’intériorité de cet homme qui a toujours respecté l’ordre établi, sans jamais le remettre en question et qui se retrouve, du jour au lendemain, à devoir faire un choix, un choix qui va contre ce qu’on lui a toujours appris et qui pourrait mettre en péril sa vie, mais aussi celle de sa famille, le choix de ne plus fermer les yeux sur les crimes commis par son régime… Avec une justesse bouleversante, l’autrice restitue le combat intime de cet homme, dévoré par la peur, le doute et la culpabilité, mais décidé à n’oublier aucun des morts dont il est le dépositaire.



Un texte percutant et fort, qui se lit d’une traite, la boule au ventre, presque en apnée. Un roman essentiel, qui redonne corps à une réalité que l’on connaît pourtant, que l’on suit à travers la presse, mais qui reste éloignée de nos préoccupations. “Camera obscura” marquera indéniablement cette rentrée littéraire d’hiver!



Merci aux éditions Julliard et à Babelio de m’avoir permis de faire cette découverte.
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Camera obscura

La 4ème de couverture résume bien le sujet en quelques phrases : Un matin, un photographe militaire voit arriver, à l'hôpital où il travaille, quatre corps torturés. Puis d'autres, et d'autres encore. Au fil des clichés réglementaires qu'il est chargé de prendre, il observe, caché derrière son appareil photo, son pays s'abîmer dans la terreur. Peu à peu, lui qui n'a jamais remis en cause l'ordre établi se pose des questions. Mais se poser des questions, ce n'est pas prudent. Avec une justesse troublante, ce roman raconte le cheminement saisissant d'un homme qui ose tourner le dos à son éducation et au régime qui a façonné sa vie. de sa discrétion, presque lâche, à sa colère et à son courage insensé, il dit comment il parvient à vaincre la folie qui le menace et à se dresser contre la barbarie.



Mon avis : le rythme est celui d'un roman policier ou d'un thriller avec un premier chapitre choc, totalement glaçant et pourtant addictif, il est déjà trop tard pour refermer le livre... Ensuite, retour en arrière : à l'hôpital militaire où les collègues du photographe sont acquis à la terrible répression policière qui touche les opposants au régime. Moustache, Tony, Freddy et Salim sont tous des militaires obéissant quels que soient les ordres, espérant une promotion, des avantages qu'on découvre dans l'effarement : argent extorqué aux familles, jusqu'aux viols et meurtres… Ce n'est pas une lecture pour les âmes trop sensibles et pas du tout une lecture pour s'endormir le soir. L'écriture de Gwenaëlle Lenoir nous met au coeur du choix : accepter l'ordre établi ou bien le contester et se mettre en danger... On a les scènes comme les voit le photographe de cette morgue qui ne désemplit pas. Freddy, une croix grossière et noire tatouée sur l'avant-bras droit, remplace Tony et apporte un saut dans l'horreur, lui qui « dit terroristes dix fois dans sa phrase, comme s'il donnait à manger au président sur son biceps. » Heureusement, on a en face de ces monstres, des résistants d'un courage qui force le respect, les Abou Georges, Aymar et surtout Abou Faisal !



Les sbires du président et les enfants « croient aux histoires simples du Grand Homme. » et il devient impossible d'apporter la contradiction sous peine de mort. le système de surveillance et la délation sont très bien rendus. J'ai été choqué de réaliser que Ania et son mari, le photographe, ne peuvent pas empêcher leurs enfants de chanter les chants à la louange du président appris à l'école, ce serait dangereux si ceux-ci parlaient mal du président ensuite. Et pourtant, avant ce chaos généralisé, une autre époque a existé.



Le photographe ne peut pas s'empêcher de garder une trace de ces crimes, réflexe d'humanité qui deviendra ensuite témoignage pour espérer que la justice soit possible.



Il transmet les photos à un réseau de résistants et devient ainsi un héros malgré lui, mettant sa femme Ania et ses deux enfants en danger. Il se met en danger s'il part de « l'hôpital » car il en sait trop. Il se met en danger s'il reste, tellement il est en retrait du comportement de haine de ses collègues. Il se met en danger s'il parle à Ania. « Ce n'est pas prudent » revient comme une rengaine tout au long du récit.



L'écriture est concise, terriblement efficace, toujours dans l'action, comme un oeil qui observe et imprime l'image, nous la rend exacte à chaque phrase comme une vraie chambre obscure avec l'image sur le papier photosensible. Sur des bannières, en ville, « Le président a le visage masqué par des lunettes de soleil d'aviateur, les lèvres serrées, le cou démesurément long, le menton levé. Il ne protège pas la ville. Il la mate. » Gwenaëlle Lenoir a des expressions définitives pour exprimer le malaise du photographe : « Dans la cour, j'ai respiré l'air des gaz d'échappements à grandes goulées » ou encore « A l'époque on ne tuait pas les enfants comme on écrase les insectes. »



Beau titre que ce Camera obscura, cette chambre obscure permettant de capter une image inversée de la réalité. Et cette pièce là où sont réceptionnés les « terroristes », en fait des manifestants ou des opposants, mérite bien d'être qualifiée d'obscure. L'autrice parvient à traquer ce moment où on ne peut plus fermer les yeux, ce moment où tout devient clair et terriblement dangereux, promesse de libération ou de mort. Alors il y a la peur qui prend de plus en plus de place et on tremble avec ces hommes, ces femmes, vivant au mauvais endroit, au mauvais moment.



Gwenaëlle Lenoir annonce : « Ce livre est un roman dont le personnage principal est réel. Ce photographe existe et vit caché quelque part en Europe. Son nom de code est César. Les atrocités décrites sont avérées, les faits sont documentés, mais sa voix est la mienne. » César, photographe légiste de la police militaire syrienne, a risqué sa vie pour documenter les crimes du régime de Bachar el-Assad entre 2011 et 2013.



Journaliste indépendante et spécialiste du monde arabe et de l'Afrique de l'Est, Gwenaëlle Lenoir, ancienne Grande reporter à France 3, a écrit pour la presse et Mediapart, notamment sur les bouleversements au Soudan depuis le destitution d'Omar el-Béchir en 2019. Elle montre ici qu'elle est aussi une autrice talentueuse. Son Camera obscura est un livre important, un des meilleurs lus dans le cadre de la sélection pour le prix Orange du livre 2024 auquel j'ai l'honneur de participer.

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Camera obscura

Pour son premier roman, Camera obscura la grande reporter Gwenaëlle Lenoir précise dans un préambule à ses lecteurs la chose suivante :



Ce livre est un roman dans le personnage principal est réel. Ce photographe existe et vit caché quelque part en Europe. Son nom de code est César. Les atrocités décrites sont avérées, les faits sont documentés, mais sa voix est la mienne.



Le personnage principal de Camera obscura est photographe dans un hôpital militaire dans un pays dont le nom ne sera jamais dit (mais on devine qu’il s’agit de la Syrie ). La police secrète surveille tout le temps, le personnage principal se méfie autant de son gardien d’immeuble que de ses collègues mais il accepte cette réalité. Sa vie bascule le jour où il voit arriver les premiers corps suppliciés à la morgue.



Sans se poser la question de la résistance face à l’horreur, il décide de garder en mémoire les noms de ces morts pour garder une preuve. Tous ces jeunes gens torturés, tués, roués de coups qu’il voit arriver, ils sont désignés par le Président, par son entourage, par les fonctionnaires à son service, comme des « terroristes ».



Toute opposition devient terrorisme dans le vocable de cette dictature où les enfants chantent dans les écoles des chants à la gloire du président.
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Camera obscura

“En plein désert, j'ai trouvé bien de l'eau, mais il s'agissait surtout de trouver du sens".(Albert Camus).



Le roman "Camera obscura" de Gwenaëlle Lenoir (Éditions Julliard, 2024) aborde un sujet important de l'actualité en Syrie : la guerre civile, plus particulièrement, et ses répercussions sur la population civile.



L'auteur s'inspire de l'histoire vraie de César, pseudonyme d'un ancien photographe légiste de la police militaire syrienne, qui a risqué sa vie pour documenter les crimes du régime de Bachar el-Assad (1).



Gwenaëlle Lenoir a une écriture précise et efficace qui permet de plonger le lecteur dans l'univers du roman. Elle utilise un style sobre et direct qui donne force au récit.



Les personnages du roman sont, par hypothèse crédibles ; l'on s'identifie facilement à leurs douleurs et à leur combat pour la liberté. Doit-on y saisir un message d'espoir, même dans les moments les plus sombres ?



En revanche, le rythme du roman est un peu lent, ce qui peut ennuyer parfois.



Contrairement aux propos indiqués sur la quatrième de couverture, les comportements et réactions du personnage narrateur, inspiré de "César", ne s'inscrivent pas toujours, du début à la fin du récit, dans une énergie féroce. Son opposition sincère, prend trop souvent la forme d' "actions passives" (oxymore volontaire). Mais dès lors que l'histoire est inspirée de la réalité, il est difficile de reprocher à Gwenaëlle Lenoir d'avoir négligé l'arc narratif du récit.



Quant à la fin du roman , celle-ci est un peu abrupte et laisse le lecteur sur sa faim.



Malgré tout "Camera obscura" est un roman important et poignant qui mérite d'être lu. Il nous donne à voir la réalité de la guerre en Syrie et nous incite à réfléchir sur les valeurs de liberté (2).



Bonne lecture.



Michel



(1) En 2020 et 2021 au "procès de Coblence (centre-ouest de l'Allemagne) le célèbre dossier "César" a été présenté comme élément de preuve devant un tribunal, pour la première fois. Un expert médico-légal a témoigné dans le procès Al-Khatib, qui a analysé les cadavres photographiés sur plus de 50 000 clichés. Sa conclusion : la torture et les meurtres étaient systématiques dans tous les centres de détention des services de renseignement.



Ce premier procès contre des membres du régime syrien accusés de crimes contre l'humanité s'est achevé le 13 janvier 2022 par une décision de culpabilité et d'une condamnations à la détention criminelle du principal accusé.



Au-delà du cas de celui-ci, c'est le système Assad pratiquant la torture systématique contre ses opposants qui figure sur le banc des accusés.



(Source France Diplomatie).



(2) "Les âmes perdues" est, également un excellent film documentaire franco-allemand réalisé par Garence le Caisne et Stéphane Malterre, sorti en 2023.



Il relate le long combat judiciaire que mènent des proches de victimes syriennes, disparues forcées ou mortes sous la tortures, pour que le régime Bachar el-Assad réponde de ses crimes devant la justice.










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Camera obscura

Roman choc.

Le narrateur est un photographe légiste dans un des pays du croissant fertile jamais nommé.

Des jeunes arrivent à la morgue par dizaine, torturés, défigurés et le photographe doit photographier sans réagir juste exécuter...

Le combat silencieux d'un homme dans un pays où il semble dangereux de montrer sa désapprobation. Gwenaëlle Lenoir nous décrit le parcours d'un homme qui brave les interdits au péril de sa vie. Une belle écriture et une histoire marquante.
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Camera obscura

Il est marié avec bonheur avec Ania, est le père aimant de Najma et Jamil, vit dans un pays qui ne sera jamais nommé mais que l'on imagine aisément comme étant la Syrie de Bashar El Assad pendant la guerre civile

Il a un étrange métier. Il est photographe légiste de la police militaire syrienne. Son travail consiste en photographier et enregistrer les cadavres qui sont entreposé à la morgue de l’hôpital militaire dans lequel il travaille. Routine pas très agréable, mais routine quand même.



Pourtant, le matin où il découvre plusieurs cadavres de jeunes gens à photographier, il s'interroge. Jeunes, martyrisé, torturés, en partie cachés, aux noms effacés, à la vie soustraite au monde, comme s'ils n'avaient jamais existé.

Alors il se pose des questions. Et protégé derrière la lentille de son appareil photo, il clique, une deux, trois photos pour se souvenir, garder en mémoire ceux qui furent et n'existent plus.

Pourquoi, il ne le sait pas encore, mais il sait au plus profond de lui qu'il n'a pas le choix, qu'il est peut-être le seul témoin de la fin de ces existences bien trop courtes, existences qu'il faut rappeler au monde, pour ne pas les oublier.

Et chaque nouveau matin apporte son lot de corps, jeunes, suppliciés, torturés, à effacer de toute urgence mais à photographier malgré tout. Silence oppressant des autorités, sens du devoir impliquant un risque important pour le narrateur, son choix est vite fait, il n'a d'ailleurs pas le choix prendre en photo, trouver les noms de tous ces morts, témoigner, pour qu'un jour, peut-être, la vérité sorte enfin. Pour les familles, pour le combat, pour la vie.



Mais la tâche est compliquée, il est observé, traqué, par ses supérieurs, puisqu'il ne faut pas que la moindre information puisse fuiter, il ne faut pas que le monde sache.

Difficile de prendre position, continuer, faire savoir, prendre en photo et témoigner à l'extérieur au péril de sa propre vie et de celle de sa famille ? Quel choix s'offre à lui, quel destin l'attend, lui, sa femme, ses enfants.



Difficile de prendre position, continuer, faire savoir, prendre en photo et témoigner à l'extérieur au péril de sa propre vie et de celle de sa famille ? Quel choix s'offre à lui, quel destin l'attend, lui, sa femme, ses enfants.

C'est ce que le lecteur assis confortablement dans son fauteuil va découvrir ces autres mondes qui frappent à nos portes mais que nous ne voyons que d'un œil, protégés que nous sommes par nos démocraties certes pas toujours optimums mais où la liberté de penser, de dire et d'agir existe.

Un roman émouvant, et ce d'autant plus que le narrateur existe et vécu ce qui nous est exposé ici. Il est inspiré de la véritable histoire d'un photographe Syrien qui vit aujourd'hui en Europe sous le nom de César.



https://domiclire.wordpress.com/2024/04/25/camera-obscura-gwenaelle-lenoir/
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Camera obscura

Gwenaëlle Lenoir choisit dans Camera obscura de raconter, au quotidien, la prise de conscience politique d’un homme, père de famille tranquille, qui devient résistant, jusqu’à être obligé de quitter le pays pour éviter d’être arrêté. De plus, ce récit est une immersion dans le pouvoir totalitaire de la Syrie dont, à l’époque, l’Europe a choisi de ne rien voir !



Le métier de photographe pour services funéraires de l’armée à Damas en Syrie est parfaitement méconnu. Son rôle était de prendre quelques photos des soldats morts au combat pour les transmettre à leur famille. Le narrateur remplace Abou Georges, un homme d’expérience, qui part à la retraite.



Au début, il est satisfait de ce nouveau travail qui lui permet de nourrir sa famille. Et puis il y a seize adolescents: treize garçons et trois filles que le narrateur ne peut oublier, les premiers morts torturés, très jeunes.



Inspiré d’histoire vraie

Inspiré du photographe Syrien César, son nom de code, qui documenta les morts qui envahissent sa morgue avec d’atroces blessures, des ablations, des tortures, lors des soulèvements de 2011. Il a transmis les clichés et l’identité des prisonniers tués sous les coups de la milice de Bachar Al Assad. Les photographies ont pu être transmises et documentent le tribunal international.



Gêné par la situation, le narrateur n’ose en parler à personne tant la pression du gouvernement est intense, depuis si longtemps. Rien ne doit être montré, tellement tous ont peur de la police du régime. Seulement aux romantiques de sa jeunesse qui chantent et dansent pour demander plus de liberté, le régime de Bâcha Al Assan oppose la torture puis la mort. Puis, le silence se lève et il décide de parler.



Officiellement, les photos devaient permettre aux « autorités de délivrer des certificats de décès aux familles attestant qu’ils étaient morts d’un arrêt cardiaque » (Extrait du témoignage de Hassan Shalabi rapporté dans le JDD du 1er octobre 2015). Il y avait deux centres de tortures à Damas et sa région. Au total, 54 000 clichés de 11 000 détenus morts sous la torture et les privations. Elles ont été rendues publiques pour abonder les rédactions et l’O.N.U.



Récit et documentaire, à la fois

Gwenaëlle Lenoir est un grand reporter indépendant spécialiste du Proche et Moyen-Orient. Elle choisit le roman pour raconter le quotidien de cet homme, de sa découverte des premiers corps suppliciés à sa prise de conscience, puis le choix de trahir pour dénoncer et rendre compte de l’horreur.



Évidemment, ce personnage reçoit toute l’empathie du lecteur, appréhendant un régime politique habitué à gérer le pays de façon musclée et autoritaire depuis de si nombreuses années. Le silence devient, alors, une survie avec la délation comme arme.



La lecture du récit que propose Gwenaëlle Lenoir m’a permis de comprendre la nature de la réaction du pouvoir syrien au moment des Printemps Arabes. Cette répression fut si terrible que les contestataires se sont armés. La guerre civile qui s’ensuivit fut si sanglante qu’elle permit aux mouvements extrémistes, comme l’Etat Islamique, de s’implanter.



Mais, le talent de Gwenaëlle Lenoir projette son lecteur dans l’incertitude de sa propre faculté de résistance. Car, selon le narrateur, rien ne le destinait à devenir un héros, à devoir s’exiler et à vivre caché tel le véritable Cesar.



En conclusion,

Pendant cinq ans, Gwenaëlle Lenoir imagine les réflexions, les ressentis et l’évolution de son personnage ce que la journaliste ne pouvait faire. Souvent percutant, quelquefois dérangeant, le récit énonce les peurs et les reculs qui font aussi la nature du courage.



À partir du récit d’un photographe légiste amené à agir contre le gouvernement de son pays Gwenaëlle Lenoir propose un hommage à l’audace et à la ténacité. Le combat pour la liberté y est décortiqué du point de vue d’un homme qui aurait pu rester tranquille et soumis, mais qui a choisi de se mettre en danger pour défendre la liberté.
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Camera obscura

Au départ, ce ne sont que 4 corps de plus : des corps d'hommes morts par accident dont un qui est tombé du 6ème étage, un autre mort après blessures à l'arme blanche et objet contendant. Enfin, ça, c'est ce qu'on a dit à ce photographe qui travaille dans cet hôpital militaire. Il prend en photo les morts pour l'État, pour garder une « trace ». Rapidement, il se pose des questions, mais dans le pays où il vit, il ne faut pas se poser de question. C'est dangereux.



Ce matin-là, en prenant ces photos, il sent bien que ces corps ont quelque chose de particulier : son assistant semble tendu, son supérieur le suit de très près et l'accompagne même à la morgue pour le surveiller.



Ce corps, celui qui est mort du 6ème étage va être celui qui va hanter ce photographe et dont il va se souvenir longtemps.



Rapidement, les corps vont se succéder, se multiplier, à tel point que la précaution de ranger ces corps dans des « tiroirs » jusqu'au 4 premiers corps ne va plus être observée : rapidement, les corps vont être alignés par terre, tête-bêche. Et l'horreur s'accumule.



En tant que lectrice, en lisant la 4ème de couverture, j'ai eu une curiosité mal placée. L'autrice nous « préserve » en ne nous détaillant pas ce que voit le photographe. Malgré tout, les seuls éléments qui nous sont donnés sont absolument atroces. le lecteur est un peu laissé à sa propre imagination en essayant de combler ce que l'on ne voit pas. Personnellement, je n'ai pas eu envie d'en savoir plus parce que c'était déjà assez horrible comme ça. D'ailleurs, au fur et à mesure de la lecture, on a des descriptions rapides mais de plus en plus glauques. le livre est court mais il faut s'accrocher pour continuer. J'ai entrecoupé ma lecture en plusieurs fois d'ailleurs.



L'autrice ne nous dit pas dans quel pays nous sommes mais on se fait une petite idée quand même. La pression constante que vit notre photographe est angoissante. On est comme dans un huis-clos, où le photographe s'interdit de réagir face à l'horreur, de donner ne serait-ce qu'un début d'opinion, se pose des questions sur son entourage jusqu'à son concierge qui commence à le regarder bizarrement. le narrateur devient comme paranoïaque : que penser des regards suspicieux, des non-dits, les manifestations envers le pouvoir.



C'est le genre de roman que l'on n'oublie pas. L'angoisse du narrateur est contagieuse en tournant les pages. Comme je l'indiquais plus haut, la lecture est longue, voire très longue, en découvrant cet univers angoissant et atroce. A découvrir mais en étant averti.



Je remercie les éditions Julliard et Netgalley pour cette lecture.


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Camera obscura

Gwenaëlle Lenoir s'est inspirée du parcours du photographe syrien César pour l'écriture de ce livre percutant.

César (un pseudo, on comprend aisément pourquoi) est aujourd'hui connu pour avoir dénoncé la violence du régime de Bachar Al-Assad à travers ses photos de corps martyrisés par la police militaire syrienne.

En tant que photographe légiste, il était en effet aux "premières loges" de cette violence inouïe puisqu'il était chargé de photographier les corps mutilés dans la morgue de l'hôpital militaire où il travaillait.

Pour garder une trace des atrocités, il a enregistré des copies de ses clichés sur clés USB (des dizaines de milliers de photos insoutenables) qui lui ont ensuite permis, une fois exfiltré du pays, de rendre compte des atrocités commises auprès des instances de justice internationale. Son témoignage est évidemment capital pour, d'une part, rendre justice et, d'autre part, permettre aux familles de retrouver un proche disparu…

Gwenaëlle Lenoir remonte ici le fil de l'horreur et nous décrit le parcours d'un homme de courage et de résistance qui a bravé les interdits au péril de sa vie et de celle de sa famille (cela ne se fait pas non plus sans peur, ni doute…).

C'est aussi une description terrible de l'enrôlement d'une population et de la méfiance qui s'installe entre les personnes car bien sûr, il est à tout moment susceptible d'être dénoncé.

Un roman glaçant dont il est difficile de s'extraire lorsqu'on pense avec effroi à toutes ces vies perdues (et dans quelles terribles circonstances).

Une écriture limpide pour dire l'innommable et s'y immerger avec une tension absolument terrible de bout en bout.
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Camera obscura

Nous sommes au Proche-Orient, dans un pays, jamais nommé, que l’on devine assez rapidement être la Syrie. Notre narrateur est photographe légiste. Un emploi routinier qui consiste à prendre les clichés réglementaires des corps qui transitent par la morgue de l’hôpital. Cet emploi, c’est son beau-père qui lui a procuré, une aubaine pour ce père de famille soucieux d’offrir le meilleur à Ania, son épouse et à Najma et Jamil, ses enfants qu’il aime plus que tout. Loin des intrigues du régime, ni partisan, ni opposant, c’est un homme prudent qui a à cœur d’être irréprochable dans ce pays où chacun peut être dénoncé, et il s’acquitte de sa tâche avec application et méthode. Mais un jour quatre corps attirent son attention. Des morts en apparence comme les autres, mais ses supérieurs sont sur les dents, il se sent surveillé, et il ressent le besoin impérieux d’en garder la trace. Alors, dans un geste inconsidéré, il décide de prendre des clichés supplémentaires et de les conserver, contrevenant ainsi à toutes les procédures. Des corps qui en précèderont d’autres, chaque jour plus nombreux. Des morts qu’il va faire parler, en les glissant dans une carte mémoire cachée dans un biscuit à la fleur d’oranger. Acte de résistance insensé et éveil de sa conscience.

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Ce roman est une grosse claque! Le genre de roman que j’ai envie de recommander à tout le monde et dont je rage de voir qu’on en entend si peu parler.

C’est le récit du cheminement d’un homme vers la résistance, dans un pays où le moindre mot peut conduire à la mort. Un pays où le président a interdit de parler, « où il a cousu les lèvres et arraché les langues », « ou nos parents nous ont fait taire et où on fait taire nos enfants ». Un pays où les hommes du président se reconnaissent à leur cheveux gominés et à leur pantalon de tergal, à leur zèle infatigable et à leur cruauté absolue. Et cet homme aura le courage incroyable de documenter les atrocités de ce régime pour «  faire voyager les morts jusqu’aux vivants qui reconnaîtraient leurs souffrances, jusqu’aux justes qui s’agenouilleraient devant eux ».

Au fil des pages on le suit dans cette prise de conscience, en apnée devant les risques qu’il encourt, la gorge nouée par l’emotion au fil des révélations qu’il découvre, en admiration devant le courage qu’il déploie. Et lorsque l’on sait que cet homme a existé, que grâce à lui le monde a découvert la barbarie de ce président, on se prend d’une reconnaissance infinie et d’une gratitude immense pour cet homme dont on ne connaît que le nom de code: Cesar.

Un roman bouleversant à lire sans tarder. Un livre fort et percutant sur la puissance des actes face à l’ignominie
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Camera obscura

Gwenaëlle Lenoir est journaliste indépendante et spécialiste du monde arabe et de l’Afrique de l’Est. En introduction à ce livre, elle précise que le personnage principal est réel, il vit caché quelque part en Europe. En lui prêtant sa voix dans ce récit, elle met en lumière son courage et celui de milliers d’hommes qui osent se rebeller contre un régime tyrannique qui ne supporte aucune dissidence.



César est employé d’un hôpital militaire en tant que photographe. Il ne pose jamais de question, photographie ses « clients » à la morgue pour que les familles puissent identifier les corps. Lorsqu’un matin ensoleillé de printemps arrivent les corps torturés de quatre jeunes hommes, on attribue étrangement leurs morts à des « accidents » : accident de la route pour les uns, rixe ou chute d’un balcon pour les autres. Puis ce sont seize jeunes gens dont les certifcats de décès officiels ont été falsifiés. Là encore on veut faire croire à une mort accidentelle mais ils ont bel et bien été torturés par le régime en place. 



César exerce son métier avec professionnalisme et respect pour les morts qu’il côtoie quotidiennement, il a toujours une pensée pour leurs familles lorsqu’il les photographie. Quatre à cinq clichés qu’il remet à son chef de service. Son métier lui assure un salaire confortable mais il n’est pas sans risque, et César a une famille à protéger auquel il tient plus que tout. Mais se taire lorsque l’on est confronté à l’impensable remet en cause l’idéal de loyauté envers le gouvernement établi. César a reçu une éducation telle que l’on doit le respect au gouvernement, on le vénère tel un dieu, et c’est ainsi que sont éduqués ses propres enfants. Mais son innocence et cette loyauté naïve sont balayées par les actes barbares commis par ses collègues de travail et par le régime en place. César n’a plus le choix, il ne peut pas laisser libre cours à cette barbarie. Avec courage et abnégation, il fait le choix de rejoindre un mouvement réactionnaire qui s’élève contre la tyrannie du gouvernement.

Le pays dans lequel vit César n’est pas nommé mais l’on comprend au fil des pages qu’il s’agit de la Syrie sous le régime de Bachir El-Assad. Le fait qu’il ne soit pas nommé peut être interprêté par le fait que ce genre de situations existent bien évidemment dans d’autres pays. César exerce son métier de photographe militaire, alliant technique et sensibilité. Ses gestes sont accomplis de façon mécanique, machinalement, parce que c’est son rôle, sa fonction. mais sa sensibilité l’emporte, les morts ont été vivants avant d’être morts. Il vit parmi eux, « les ramène à la maison », le comportement effarant de certains de ses collégues attisent sa colère. Le ton est âpre et sec de ceux qui en ont trop vus. Il n’est pas difficile de s’attacher à ce personnage dans un contexte si éloquent. Ce livre tient plus du récit que du roman, il est presque un témoignage tant on perçoit la réalité derrière la fiction. Gwenaëlle Lenoir nous offre un récit percutant, qui éveille la prise de conscience et bouleverse d’une façon essentielle notre perception d’une guerre pas si lointaine,



Je remercie les Editions Julliard ainsi que Babelio pour l’envoi de ce livre obtenu dans le cadre d’une Masse Critique Littératures.




Lien : https://loeilnoir.wordpress...
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Camera obscura

Ce roman est une claque immense, une déflagration. Tout ce qui se dit, bien entendu, nous le savions. La violence du régime, la Syrie plongée dans le chaos, le tyran, la torture, les traitres, les victimes, le deuil impossible, l'exil. Rien de bien nouveau sinon une actualité impitoyable et douloureuse qui se rappelle à nous aux quatre coins du monde. Hélas !

Gwenaëlle Lenoir rend hommage à César, un photographe qui a documenté les massacres du régime de Bachar al-Assad. C'est fort, poignant, bouleversant. La révolution d'un peuple est là sous nos yeux, sa répression brutale, un massacre, et nous aimerions que cela ne soit que de la fiction.
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Camera obscura

Comment dire. Mes tripettes n'ayant baigné que dans les eaux douces de la démocratie, sorte d'alvéole ouatée au confort indécemment sécurisant, mes entrailles se sont rétractées à la lecture de Camera Obscura. Ça m'a remué tout partout, un témoignage venant charrier mon émotivité faite de privilèges et d'idéaux petit bourgeois. La lecture prend des allures d'intimidation au couteau, d'un vif ultimatum m'enjoignant à me répéter que ma sérénité est une faveur dont je n'ai même pas conscience.



Au départ les signaux de répression sont faibles. Il y a cette insurrection spontanée portée par une lame de fond d'indignation, le mépris outrageant d'un despote hors sol qui incarcère les libertés. Le peuple en colère investit la rue, s'exalte, la foi naïve, s'électrise aux sons de chants et de danses univoques. La sédition s'organise ainsi, spontanément, ce dictateur, on le déteste, qu'il dégage.



Égratigné dans son autorité, le pouvoir structure sa réplique. Il fomente une répression à la radicalité barbare exercée par une police politique versant dans le macabre.



Contester devient fatal. À vrai dire le moindre petit dérapage devient fatal. Le livre documente cette plongée en enfer. Des vies peuplées d'angoisses, de paranoïas infinies s'entremêlant dans des routines devenues irrespirables. Et le narrateur risque 100 fois, 1000 fois sa vie, mouillé jusqu'au cou.

Dévisager, c'est se condamner. Contrôler ses émotions, ses mots, ne pas ciller, exclure le rire, ne pas contester, jamais. Se méfier. Dissimuler. Dissimuler. Encore et toujours. La survie ou le trépas.



On ne peut se sentir dessaisi d'un tel récit. L'écriture est habile, l'autrice parvient à s'écarter du pathos avec brio, la plume se teinte d'une hauteur digne avec ce quelque chose qui rend la lecture endurable. La dépression profonde creusée par ces vies de suppliciés m'a dûment retournée, ne manquant de me souligner la commodité de ma vie. Ne jamais cesser de s'instruire, s'informer, de rendre visible l'indicible. À lire.



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Camera obscura

Un matin, un photographe voit arriver, à l'hôpital où il travaille, quatre corps torturés. En effet, il est employé à la morgue pour prendre des photos des défunts pour l'administration. Il est aux premières loges pour assister à la dégradation de la vie de ses concitoyens et voir son pays basculer dans l'horreur. Dans ce pays, le régime est totalitaire, la répression totale et radicale. Le photographe ne peut pas assister à ces meurtres et tortures sans rien faire.

C'est un roman mais cela pourrait être un témoignage.

Ce livre fait échos à plusieurs situations existantes actuellement dans différents pays du monde. Aucun pays n'est désigné, ce qui rend le climat de peur d'autant plus présent.

Le photographe aime sa femme et ses enfants. Lui tout ce qu'il veut c'est un travail qui paie suffisamment pour nourrir sa famille. La politique, la guerre tout cela ne l'intéresse pas et c'est totalement par hasard qu'il se retrouve témoins de ces atrocités.

C'est un "monsieur-tout-le-monde" qui va faire quelques d'extrêmement dangereux pour dénoncer au monde entier ce qui se passe dans le secret dans son pays.

On sent tout le long, la souffrance de ce photographe dont la conscience est tiraillée entre ne rien faire et témoigner. On sent la peur pour sa famille, peur pour sa vie.

C'est un texte pas très long mais haletant et pleins d'émotions.

Je vous le recommande.
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Camera obscura





Ce livre est édifiant et d'une force incroyable.



Le narrateur de cette histoire, vraie, est photographe militaire dans un pays que l'on devine la Syrie. Son faux nom est maintenant César. Car il a fui et se cache. Car il vient d'un pays qui a basculé dans la terreur, où chacun est surveillé ou soupçonné de penser contre le Président, alors Arrêté, torturé.

Il était chargé de prendre les clichés des corps qui arrivent à l'hôpital. Corps de plus en plus nombreux et abîmés.

Il a pris le risque de dérober ces clichés et les exfiltrer pour témoigner de la barbarie de ce régime.

Au prix d'une peur insupportable. Celle de tout perdre. Les siens. La vie.



Quel témoignage de la folie des hommes....cette folie de pouvoir qui s'abreuve de souffrance et de cruauté . Pourquoi....

Témoignage essentiel également du courage de la résistance civile syrienne.



L'écriture est factuelle, puissante et remarquable.



Un grand grand livre.

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Camera obscura

@Camera obscura de @Gwenaëlle Lenoir est un livre d’une puissance phénoménale.

Les hommes sont fous. Notre terre tourne avec des hommes fous, devenus fous, rendus fous ; des bourreaux, des victimes, des victimes, des bourreaux ; des gouvernements tout puissants qui massacrent, torturent, exterminent ; des pays où un soupir peut être interprété comme un acte terroriste. Terroriste ? Oui ? Non ? Selon sa place sur l’échiquier politique. Selon l’époque. Notre monde n’a-t-il pas toujours été fou ? En France, lors de la 2ème guerre mondiale, sous le régime totalitaire de Vichy, nous avions nous-aussi nos terroristes. Il s’agissait alors de Jean Moulin ou d’autres résistants. Un monde où la peur devient compagne. La peur stupéfie, sidère mais elle révèle. Toujours.

Dans un pays du Moyen-Orient, un homme au long cou tétanise la population.

Lire @Camera obscura de @Gwenaëlle Lenoir, c’est comme se prendre un coup de poing dans le ventre. Cette lecture coupe le souffle.

@Camera obscura, c’est l’histoire d’un Syrien dans un contexte de cécité concertée. A l’international, les pays font mine de vouloir aider à trouver une solution politique mais les dictateurs d’ici ou là savent que les intérêts géopolitiques, économiques ou stratégiques des autres pays leur donnent le plus efficace des blancs-seings.

En réponse à la révolution pacifique et tellement pleine d’espoir de 2011, la vie en Syrie devient la quintessence d’un enfer totalitaire. La répression de Bachar el Assad est de plus en plus sanglante. Tortures, enlèvements indiscriminés, exécutions sommaires, procès à qui il ne reste du procès que le nom et le tout dans un climat d’insécurité attisé en permanence. Assad, entouré de ses militaires, miliciens, mouchards et autres affidés, a soigneusement maillé son filet et il surveille également le niveau d’enthousiasme de la population lors des nombreux événements dédiés à sa personne. Le culte de la personnalité, Staline, perpétrant des horreurs, menant de front sa politique totalitaire, avait déjà montré le chemin. Chacun devait admirer et obéir au Grand Homme. Cette méthode du culte de l’homme providentiel sera souvent reproduite dans ces mêmes régimes politiques. Bachar el Assad en fait son miel.

@Camera Obscura commence comme l’histoire d’un jeune couple que l’on pourrait croire ordinaire, une femme, un homme, deux enfants, du travail et la sécurité dans les bras l’un de l’autre, l’intimité comme unique espace de liberté. Unique espace de liberté ? Ça fait tousser. Toujours être sur ses gardes : « Ce n’est pas prudent. ». Combien de fois cette phrase est-elle répétée dans le livre ? Tout le monde se méfie de tout le monde. La vie des Syriens, c’est comme un perpétuel travail d’équilibriste et ils ne sont pas si mauvais dans leurs nombreux et obligés numéros. Les filles du jeune couple fredonnent la dernière chanson apprise à l’école sur la grandeur du dictateur. Des gages ostentatoires d’adhésion, il faut en donner à ce régime autoritaire, bouche sèche et poings serrés. Sinon, « Ce n’est pas prudent. ». Pour le reste, tout se joue dans la sphère intime. Dans le silence, il exècre cette situation, César. Oui, César, c’est le pseudo de ce Syrien extraordinaire. Cinq lettres gravées dans la peur, la sueur et le sang. César est un photographe de cadavres déposés dans une morgue militaire. Photographe légiste, c’est son métier. Pour ne rien oublier, César, dans ce contexte où chaque Syrien est une cible potentielle, a pris l’habitude de garder en lui ses mots et ses pensées interdites qui ne cessent de virevolter, de se cogner et de dire la révolte dans sa tête. On ne peut quand même pas oublier qui l’on est, non ? Sa femme et lui regardent les infos interdites mais pour leurs filles, il ne faut même pas qu’elles puissent entendre le moindre souffle de la première syllabe d’un mot de critique ou d’opposition au régime. Voilà la réalité. Voilà la fatalité.

Voilà comment César devait protéger sa famille. Mais cette vie-là, il a fini par ne plus pouvoir s’en accommoder. Il n’en voulait plus, pour lui et encore moins pour ses enfants. Il n’en pouvait plus.

« Je devinais ses globes oculaires sous ses paupières gonflées. Je ne voulais pas savoir ce qu’ils avaient vu. J’ai regardé l’étiquette à son poignet droit, elle disait qu’il s’appelait Azzam Azzaz et qu’il avait seize ans. J’ai senti les larmes monter de ma gorge et je me suis réfugié derrière mon appareil. J’ai photographié Azzam. De haut en bas, centimètre par centimètre. Et puis encore de bas en haut. J’ai tout photographié. Chaque trace. Chaque coup. Chaque traînée de sang. Chaque os. J’ai fait pareil pour les autres. J’ai coincé mes larmes dans ma gorge et j’ai photographié. » (Trois)

César n’était pas né pour être un héros, il ne l’aurait même pas voulu. César tremblait pour sa famille. A certains moments, l’angoisse devenait si forte que s’il avait pu, il se serait barré en courant… Mais non, il ne pouvait laisser ce monde-là, son pays abîmé « dans des flots de sang » ; il ne pouvait laisser le pays de ses ancêtres devenir ce théâtre de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité. Alors, il y est allé, César ; jusqu’au bout. Photos dupliquées sur une clé USB, clés USB exfiltrées et pour finir, lui-aussi exfiltré.

Il a fait passer la frontière à des milliers de photos qui ont permis à tant de Syriens de connaître enfin le sort de leurs proches disparus. Ces cadavres torturés, énucléés, aux organes génitaux coupés, ces hommes, ces femmes torturées et violées jusqu’à de très jeunes êtres, presque encore des enfants, morts en portant leur tee-shirt Mickey préféré, il les a vus, César, de plus près que n’importe qui. Ces visages, ces corps brisés, il les a regardés en face, ces cadavres si nombreux, de plus en plus nombreux, ces cadavres qu’on ne savait plus où mettre et qui par terre, disposés n’importe comment dans la cour de la caserne, déclenchaient des rires salaces. Ce n’est pas humain cette indécence, ce manque de respect, cette barbarie. Cette injustice.

@Gwénaëlle Lenoir nous transmet, avec infiniment de retenue et de délicatesse, l’état de César, de ses perpétuels doutes allant croissant, de ses questions sans autre réponse que celles du fait du prince, le climat autoritaire et arbitraire de son pays, cette permanence de terreur viscérale avec cette sueur qui poisse la peau, cette atmosphère irrespirable dans laquelle César vit de plus en plus mal. Les réseaux de résistance au régime lui évitent de devenir, à son tour, un cadavre parmi d’autres, photographié par un nouveau photographe légiste de la morgue militaire.

@Gwenaëlle Lenoir a bâti son roman en retraçant l’histoire réelle de cet homme intranquille et son talent d’auteure est immense pour nous faire réaliser à quel point César est notre frère en humanité. Nous descendons avec lui au plus profond de son âme et de ses tripes. Avec des phrases concises, précises, directes et comme écrites au rythme des battements irréguliers de son cœur, nous le voyons, César. Notre vue n’a plus rien de flou et nous avons envie de lui tendre la main. « Je ne pouvais rien pour eux, seulement les photographier. Seulement refuser de participer à la danse macabre orchestré […] de ce pays […] » (Seize). Comme dans toutes les situations de résistance à l’oppression où les décisions se prennent très rapidement, in situ, @Gwénaëlle Lenoir va à l’essentiel. Elle ne s’encombre pas de l’inutile. Et elle réussit à nous projeter physiquement dans les sensations de César. Notre respiration se bloque, nous étouffons avec lui, nous sentons le poids de toutes ses questions et en particulier celles de mari et de père. Cela le taraude et nous taraude. Que va-t-il se passer ensuite ? Et les répercussions après ce séisme ? Quelles seront-elles ?

La prose de @Gwénaëlle Lenoir est humble et pudique. Ses mots sont souvent durs à avaler ; ils ont un goût de limaille mais le texte reste beau. Presque un oxymore avec le thème de l’ouvrage.

Avec @Camera obscura, @Gwénaëlle Lenoir rend un bouleversant hommage à cet homme remarquable qu’est César, à ce héros qui n’aurait peut-être jamais parié sur lui-même.

Cet ouvrage est poignant et le lire à cet instant, alors que tant de pays sont dévastés par la guerre et que sont commis impunément des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre et des exactions tout le temps, nous fait réfléchir à nouveau sur la fraternité humaine et alors seulement une possible justice.

Aucun être humain exilé de son pays ne l’a quitté dans la joie et la bonne humeur. S’en aller pour x ou x raison, le choisir ou y être contraint, c’est toujours une douleur.

@Camera obscura est un roman magnifique qui contient l’humanité entière en peu de pages. Votre livre nous permet de nous décentrer. L’Europe n’est pas le monde. Merci, @Gwenaëlle Lenoir. Infiniment.

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Camera obscura

Un photographe militaire qui reçoit chaque jour à la morgue des cadavres de gens torturés se doit d'obéir aux ordres sans exprimer aucun sentiment. Montrer ne serait-ce qu'une once de dégoût serait suspect. Et « ce ne serait pas prudent » se dit-il à chaque pensée qui dérive. Les opposants au Régime sont classés « terroristes». Comme les morts arrivent chaque jour plus nombreux, le photographe, qui doit seulement archiver 5 images par victime, cherche à se détacher l'esprit, en vain. Il rentre le soir mutique et désemparé. Quand son épouse et les deux enfants partent en vacances en famille, le supérieur lui conseille de dormir à l'Hôpital militaire, pour un rendement meilleur dans sa tâche macabre. Ah, ce n'est pas prudent, mais en soulageant sa conscience, il décide de transmettre sur clé-USB les photos des opposants exécutés. Ses « complices terroristes » pourront-ils le protéger dans un tel chaos ? Ce roman se passe dans le pays du dictateur « au grand cou », en période de guerre, avec le soutien armé d'un autre dictateur du grand pays voisin, au mental et aux méthodes aussi pervers.

G. Lenoir, journaliste et reporter de guerre, nous dresse un récit glaçant de la Syrie, ces dernières années, d'où sont partis plus d'un quart de la population, faute d'espoir en l'avenir. En faisant parler le photographe à la 1ère personne, l'autrice donne une touche encore plus poignante. Un livre choc !
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Camera obscura

Une vraie claque !

Quand, même le respect ultime aux morts est bafoué…



L’autrice précise : « Ce livre est un roman dans le personnage principal est réel. Ce photographe existe et vit caché quelque part en Europe. Son nom de code est César. Les atrocités décrites sont avérées, les faits sont documentés, mais sa voix est la mienne. »



C’est un homme prudent, César. Un mari aimant, un père attentif. Il travaille à la morgue de l’hôpital militaire. Prendre les photos des morts, associer les noms. S’en tenir là.

Pourtant, il fait attention aux corps qu’il photographie et il a toujours une pensée pour les familles,

Il a l’habitude : des accidentés, des suicidés. Puis les morts se succèdent, se multiplient. Ceux-là viennent des prisons, ils sont mutilés, torturés. Ils arrivent par fourgons entiers, des hommes, des femmes et des enfants. Ils sont appelés « les terroristes ». Ceux qui travaillent avec lui, ne savent plus où les ranger et cela les ferait plutôt rire.

Il en sait trop désormais, il faut continuer, faire comme d’habitude, ne rien manifester, ne pas relever la tête….

Car il sait qu’il ne faut pas faire de vagues dans un pays où le moindre regard appuyé, la moindre remarque vous envoient en prison…

On comprend qu’il s’agit de la Syrie de Assad en 2011, mais ce n’est jamais indiqué par l’autrice. Sans doute, car ces exactions font partie, hélas, des régimes totalitaires.

Sans doute aussi, car le mépris des morts est une constante de tous les régimes fascistes, qu’ils s’appellent, Hitler, Assad, Pinochet ou Poutine….



Il faut tenir. Tenir pour sa vie, pour celle de sa famille, tenir pour témoigner. Tenir même si le cauchemar éveillé est permanent : « Mon monde était fait de fantômes torturés et d’orbites sans yeux. »

Garder sur une clef USB, les photos et les noms des morts, au péril de sa vie. Ajouter les noms des bourreaux en fouillant dans le bureau de son supérieur.

Conserver les habitudes, ne rien manifester devant les collègues de travail, soutiens du régime et soucieux de s’en faire bien voir, soucieux aussi de profiter des morts pour s’en mettre plein les poches. Les familles interrogent et paient généreusement à qui veut bien donner une information…



Pourtant, le régime politique ne l’a jamais intéressé, il s’en fiche. Il est essentiellement attentif à sa famille, à avoir un travail fixe, même s’il ne l’a pas choisi. C’est tellement exceptionnel d’avoir un salaire régulier.

Un prudent, voire un lâche, mais pas un homme sans cœur, ni sans humanité. Et devant les corps martyrisés qu’il reçoit chaque jour par camions entiers, il est impossible de demeurer insensible et de ne rien faire.

« Ils arrivent une étiquette au poignet droit. Ils ont des traînées de sang frais et des croûtes sombres, des bleus larges ou étroits violets, jaunes, verts. Ils ont les doigts retournés et les ongles arrachés. Ils ont les os déboîtés et les tendons apparents. Ils ont les côtes enfoncées et les tétons brûlés. Certains ont le pénis coupé et d'autres les orbites vides. »

Quand son silence doit recouvrir une violence absolue et mortifère.



Pas de voyeurisme, pas de pathos dans ce récit magistralement écrit.

Pas de cris, pas de vociférations. C’est l’intensité de la souffrance, de la barbarie jusque dans les corps sans vie, qu’on rentre au fond de soi, sans pouvoir refuser, crier, sangloter.

« Il faut que les morts parlent parce que nous, les vivants, nous ne pouvons pas parler. Ils ont cousu nos lèvres et arraché nos langues, il y a des décennies. Ils ont commencé par faire taire nos parents, nos parents nous ont fait taire et nous faisons taire nos enfants. Je fais taire Najma et Jamil, je les rends muets et sourds, je ne leur apprends pas les mots que le président n'aime pas. Ces mots-là, je les garde pour moi, je les ai enfermés dans ma tête, je leur ai interdit ma langue, ils se cognent contre les parois de mon cerveau, ils n'ont pas le droit de sortir, ils crient à l'intérieur. Pourtant, ces mots-là sont chantés sur les places des villes et des villages. »

La prise de conscience et l’héroïsme silencieux.

C’est le devoir à accomplir pour dénoncer la barbarie, pour laisser témoigner les morts, leur rendre respect et hommage.





Qu’en est-il de la Syrie, du régime de Bachar Al Assad, qui poursuit son emprise de fer sur la population ?

A la fin du livre, la question est posée : « On m’a écouté, les journaux ont parlé de moi, et puis rien. Le monde est passé à autre chose. »





Un roman dense que le lecteur suit et supporte d’une traite, avec la boule au ventre et la sidération devant la déshumanisation banalisée.

Vous l’avez compris, méga coup de cœur pour ce roman.



Merci à la Fondation Orange et aux éditions Julliard de m’avoir permis de découvrir cette pépite.




Lien : https://commelaplume.blogspo..
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Camera obscura

Aujourd'hui nouvelle chronique sur un livre poignant avec &#xNaN Caméra Obscura par Gwenaëlle Lenoir chez Julliard



Quand face à l'insoutenable de son pays, un photographe légiste décide de se dresser contre cette barbarie !



Depuis peu les corps torturés arrive par camion, photographe militaire au service funéraire d’un hôpital, César est chargé de prendre des clichés réglementaires. Mais plus rien n'est comme avant, lui qui ne sort jamais des cases, qui ne remet jamais en cause le système de son pays. Se sent tourmenter par tant de questions, mais ne pas faire ou penser comme avant n'est pas prudent. Ou le doute s'immisce. Pourtant, César bravera les règles munies de ces petites cartes mémoire recelant les atrocités faites par son pays avec lequel il osera enfin tourner le dos à ce régime massacrant son peuple.



Une lecture pour laquelle il m'est difficile de trouver les mots juste. Un roman percutant, poignant de vérité, parfois si difficile à lire.



Un roman D'autant plus touchant, inspiré de la véritable histoire du photographe Syrien César illustrant

Par ses photographies les massacres perpétue en Syrie.

Gwenaëlle Lenoir donne le courage et la force, une écriture intime, des questionnements, de conscience, un roman vibrant de vérité.



On voit l'acheminement de cet homme formater, son éducation qui n'a jamais remis en question l'ordre établi de son pays. Qui pas à pas va devenir résistant au péril de sa vie pour continuer à collecter le plus d'information et démontrer les atrocités, et revendiqué cette vérité.



Une lecture saisissante, qui réveille les consciences face aux immondices de l'homme. Une lecture de douleur, d'espoir, de vérité.

















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