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Critiques de Franck Bouysse (3037)
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Grossir le Ciel

Au commencement , il y a eu les formidables critiques unanimes de mes amis Babélio, puis il y a eu cette couverture âpre et boueuse , digne d'un tableau de Morandi, et je ne regrette rien ...

Un roman noir rural et lancinant ,formidablement bien écrit ...

Gus, la cinquantaine taiseuse vit dans une ferme au fin fond des Cevennes , son plus proche voisin , le vieux Abel, est tout aussi solitaire . De menus travaux en soins pour les bêtes , ils partagent des fois leur quotidien s'aidant mutuellement et buvant un coup aussi parfois pour tenir, dans ce morne futur . La vie aurait pu s'écouler tranquillement s'il n'y avait eu tout un tas de signes bizarres : des coups de feu, des visiteurs, le comportement d'Abel , un chien terrorisé ...

Oui, jusqu'au jour où tout bascule , et là il est capital de rappeler que tout a commencé avec la mort de l'Abbé Pierre annoncée au JT du soir ...



Franck Bouysse réussit a créer une ambiance ultra forte , un roman noir et rural au suspens poétique et silencieux . Il y a un petit quelque chose de Pagnol , aussi dans ces lignes ...

Des amis qui ont bon goût , un auteur à suivre et "Grossir" ta PAL ....
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Né d'aucune femme

.



C'est le cœur du pays cévenol que Franck Bouysse a choisi pour donner vie à l'histoire de Rose .

Au XIXème siècle , un pauvre paysan d'Espalion, vendit sa fille de 14 ans à un notable .

Servante au début , elle ne tarda pas à comprendre le ténébreux destin qui l'attendait sous le joug du maître de forge et de la "reine-mère"... sa mère !

Isolé , en pleine nature , le domaine n'est que mystère , drame et folie ...

Atmosphère ...





Mais entre manoir , forge et asile , Rose va se battre . Ses armes sont les mots qu'elle a peu à peu apprivoisés .

Enfant , elle n'a jamais fréquenté l'école ; sa mère lui a enseigné quelques rudiments de lecture et d'écriture avec la bible . Puis , seule , le soir , elle a continué son apprentissage en cachette , déchiffrant les vieux journaux du maître jusqu'à pouvoir consigner dans des carnets les épreuves de sa pauvre vie , car la tendre Rose connaîtra l'horreur absolue ...



Ces carnets font toute l'histoire que nous offre ce roman choral noir .

Une fiction aux allures de conte pour mieux dénoncer l'asservissement des plus déshérités mais aussi la condition des femmes de cette époque et la procréation .

Une peinture sociétale aboutie qui par certains aspects m' a rappelé Maupassant .



Et , comme toujours , l'auteur nous offre de belles parenthèses bucoliques , poétiques , de précieux écrins de verdure pour illustrer la force de la vie .



Admirablement orchestré , ce récit romanesque épouse un rythme adapté à chaque personnage et chaque situation .

Encore une fois , le texte trahit le rapport charnel qu'entretient Franck Bouysse avec l'écriture .





Bien sûr , ce n'est qu'un avis personnel mais il me semble très largement partagé et c'est un bonheur !

Malgré toute ma ferveur et mon application , je ne trouverai pas de plus bel hommage que celui du journal Marianne :



" Un sculpteur hors pair de la langue et un maître sans égal de l'émotion " .



Merci Monsieur Bouysse .



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Plateau

Ici, c'est le Plateau. Le pays des sources inatteignables, des ruisseaux et des rivières aux allures de mues, des rochers se dressant vers le ciel. Un endroit où l'on s'y jette parfois. Où l'on s'y perd surtout. C'est ici qu'ont élu domicile Virgile et sa femme, Judith, un couple vieillissant et ancré dans cette terre, et Georges, leur neveu qui a perdu ses parents bien trop tôt dans un accident de voiture. C'est ici que leur voisin, Karl, un ancien boxeur, est venu se retirer, pour de mystérieuses raisons. Un hameau tranquille, perdu, loin de tout. Une tranquillité bientôt bousculée par l'arrivée de Cory, la nièce de Virgile, victime des mauvais coups de son mari, le bien nommé "Homme-torture" et par ce chasseur qui rôde...



L'on plonge au coeur du Plateau, celui de Millevaches, en compagnie de ces quelques âmes perdues du hameau. Au coeur d'un monde rural taiseux et aux secrets enfouis. Franck Bouysse dépeint avec force tous ces personnages, que ce soit Judith atteinte d'Alzheimer ou Virgile qui perd progressivement la vue, qui, au fil des pages, s'étoffent et se déploient ou se recroquevillent. Des personnages, denses et fouillés, qui se révèleront par la seule présence de Cory. L'auteur n'a pas son pareil pour décrire cette nature sauvage, les sentiments qui habitent chacun ou l'âpreté de la vie. D'une précision et d'une méticulosité ciselées, d'une écriture lyrique, poétique, d'une richesse et d'une finesse incroyables.

Un roman bouleversant, sombre et d'une cruelle beauté...



Merci Cécile...
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Oxymort

Première déception de l'année !

Et oui, il fallait bien que cela arrive...



Je me réjouissais à l'idée de lire un roman noir qui avait pour thème principal la séquestration. Mais c'est avec un avis plutôt mitigé que je referme ce livre.



À première vue, lorsque j'ai feuilleté l'ouvrage, j'étais surprise par la mise en pages. Les caractères ont une taille conséquente et en plus, de larges marges sur les côtés réduisent considérablement le texte (éditions Moissons noires).

Vous l'aurez compris, les 280 pages ne font pas long feu.



Le style de l'auteur est très agréable, avec des phrases joliment travaillées. On ressent bien sa passion pour l'écriture.

Pourtant, l'histoire ne m'a pas transportée.

Pour un récit qui commence avec un homme enfermé dans une cave sans qu'il sache pourquoi, je m'attendais à plus d'originalité.

Même si je ne me suis pas ennuyée à la lecture de ce roman, j'ai trouvé l'ensemble trop linéaire et sans surprise.

C'est assez regrettable puisque la structure narrative du roman est vraiment plaisante.

J'étais surtout déçue par le pourquoi de la séquestration. La cause est tellement banale qu'elle m'a déconcertée.

Globalement, l'ambiance est sombre mais je reste avec la désagréable impression que tout est resté en surface sans que rien ne soit creusé.

Pourtant, le récit est agrémenté de petites digressions faites subtilement certes, mais toujours avec cette sensation de combler des vides : raconter la vie d'un serveur qu'on ne connaît pas, décrire un trajet banal dans les transports ou les courses dans un supermarché... où est l'intérêt pour servir l'intrigue ?

J'aurais préféré que l'auteur s'attarde davantage sur l'enquête de Farque et sur la psychologie des personnages.

La petite histoire parallèle entre Suzanne et son voisin méritait, à mon sens, d'être également plus approfondie.



Bref, une lecture en demie teinte qui m'a laissée l'impression de lire l'ébauche d'un roman plutôt qu'une oeuvre définitive.
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Grossir le Ciel

Tu aimes les livres de gladiateur ?

Dommaaaaaage.

Encore que.

Entre ces deux taiseux aussi rudes que les hivers cévenols, la rivalité larvée qui les oppose pourrait bien faire figure de combat épique.



Gus et Abel.

Deux fermes distantes de quelques centaines de mètres.

Pas franchement amis mais pas en mauvais termes non plus.

Des rapports de bon voisinage, voilà ce qui les anime. Fête des voisins, connait pas.

Partager quelques verres, s'entraider à l'occasion. Ils semblent avoir trouvé leur équilibre.

De toute façon, Gus et son chien, Mars, paraissent autosuffisants, dans les bons jours.

Mais ça, c'était avant. Avant que ce dernier, lors d'une balade hivernale, ne perçoive une détonation localisée du côté de chez Abel. Un événement des plus anodins, a priori...



Je découvre Bouysse et je lui claque 5 étoiles direct !

Le gars fait dans le nature writing mâtiné de western rural.

Il vous pose une ambiance aussi plombante et électrique qu'un ciel d'orage, toujours sur la corde raide, jouant avec le lecteur comme avec ses deux protagonistes.

En véritable funambule de la plume, Bouysse vous fait toucher du doigt un abîme de souffrance inéluctable pour se rattraper in extrémis puis remiser régulièrement la chose quelques pages plus tard.

De sous-entendus en non-dits, la tension monte au rythme de votre palpitant au bord de l'implosion.



Grossir le ciel est de ces bouquins marquants impossible à lâcher et ils sont peu nombreux à pouvoir y prétendre.



Magistral !
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Respirer le noir

Voici déjà le quatrième tome de cette collection délicieusement noire, développée autour de nos cinq sens et cette fois dédié à celui de l’odorat. Après « Ecouter le noir », « Regarder le noir » et « Toucher le noir », Yvan Fauth du blog littéraire EmOtionS nous invite donc à « Respirer le noir » en compagnie d’auteurs de renom, le temps de douze nouvelles qui devraient pouvoir réconcilier les plus sceptiques avec le genre.



1. R. J. Ellory – le parfum du laurier-rose

Qui de mieux que le maître du noir et grand fidèle de cette collection pour ouvrir ce bal olfactif ? R.J. Ellory invite à suivre les pas d’Anderson, un ancien policier qui sort de prison après une très longue détention pour un crime dont les souvenirs et les odeurs le poursuivent. Une histoire enveloppée d’un parfum de vengeance où l’odeur du sang se mélange régulièrement à celle du laurier-rose. Un récit parfaitement maîtrisé mêlant justice et crime !



2. Sophie Loubière – Respirer la mort

Déjà présente dans « Ecouter le noir », Sophie Loubière raconte les déboires de Willy, qui a développé un odorat hors norme suite à un accident de jeunesse. Un très bon récit qui débute la tête enfoncée dans une bouse de vache et qui développe des capacités olfactives pour le moins surprenantes au fil des pages…



3. Franck Bouysse – Je suis un poisson

Nouveau venu au sein de cette collection, Franck Bouysse se base sur une pathologie certes rare, mais bel et bien réelle pour nous conter le calvaire d’un homme atteint du Fish-Odor Syndrom. Malgré une chute assez prévisible, j’ai particulièrement apprécié la superbe plume de cet auteur qui invite à partager la solitude de cet individu souffrant d’un manque d’amour, incapable de nouer des relations sociales à cause de l’odeur nauséabonde qu’il dégage…



4. Mo Malø – Cristal qui sent

C’est sans grande surprise que Mo Malø décide de nous emmener au Groenland, région qu’il affectionne particulièrement au cœur de ses romans, pour une expédition visant à retrouver le carnet d’expédition d’un climatologue disparu depuis 90 ans. Un décor qui a le mérite de rafraîchir un peu le lecteur en cette période de canicule et un périple enneigé qui va révéler l’existence d’un cristal diffusant une odeur qui rend vite accro. Un bon récit dont la thématique se rapproche peut-être très/trop fort de la nouvelle de Sophie Loubière…



5. Dominique Maisons – Deux heures et trente minutes

Cet auteur que je découvre à l’occasion de cette nouvelle nous emmène dans les coulisses de l’Elysée, où la découverte d’un corps va mettre les sens de la sécurité nationale en alerte. Une enquête certes classique, mais parfaitement maîtrisée et un auteur dont je note le nom.



6. François-Xavier Dillard – Happy World

Ah, la voilà, la nouvelle qui va vous faire tourner les pages un peu plus vite et augmenter votre rythme cardiaque. « Happy World » est un parc d’attraction où une famille de quatre s’apprête à passer une journée de rêve…sauf qu’un étrange commando s’apprête à y perpétrer un attentat terroriste. Le bon père de famille que je suis a retenu son souffle en suivant les efforts de ce papa essayant de sauver sa famille… Une montagne russe d’émotions ! Bravo François-Xavier Dillard (« Prendre un enfant par la main ») !



7. Adeline Dieudonné – Glandy

L’autrice de l’excellent « La Vraie Vie » partage toute la misère d’Alexandre Glandy, un homme amoureux qui noie sa misère dans l’alcool. Si cette nouvelle parvient à restituer les odeurs fétides liées à la condition de cette homme désagréable buvant le peu d’argent que sa femme tente de mettre de côté, je n’ai malheureusement pas accroché à cette histoire. Probablement que l’incapacité de pouvoir m’attacher à un tel personnage n’y est pas étranger…



8. Hervé Commère – le monde d’après

Hervé Commère dresse le portrait d’une petite bourgade sur le déclin depuis que l’unique entreprise du coin a été contrainte de fermer ses portes. Si L’auteur de « Sauf » décrit avec grand brio l’amertume et les difficultés des habitants de ce bled croulant sous le chômage, le lien olfactif de cette nouvelle m’a par contre semblé bien léger. Bien aimé !



9. Vincent Hauuy – Miracle

Vincent Hauuy (lisez le « Le tricycle rouge » !) propose une nouvelle plus futuriste qui invite à plonger dans le cerveau d’un meurtrier comateux afin d’élucider un meurtre. Un récit d’anticipation qui invite le lecteur à découvrir la mémoire des odeurs afin de résoudre une enquête. Pas mal.



10. Jérôme Loubry – Les doux parfums du cimetière

Cette nouvelle de Jérôme Loubry (lisez « Les refuges » !) se déroule dans un cimetière en compagnie d’un gamin venant régulièrement se recueillir sur la tombe de sa mère. Si l’environnement sied donc parfaitement à l’ambiance noire de cette collection, le récit s’avère cependant le plus lumineux de tous. Outre ce petit garçon particulièrement attachant qui associe les autres visiteurs endeuillés à une odeur spécifique, j’ai beaucoup apprécié l’humanité qui accompagne ce petit conte tendre et poétique.



11. Chrystel Duchamp – L’amour à mort

En trois chapitres très courts, l’autrice de « Le sang des Belasko » et « Délivre-nous du mal » invite à suivre les déboires d’un homme victime d’une rupture amoureuse, qui passera du paradis à l’enfer via un passage par le purgatoire, poursuivi par l’odeur d’un bien étrange hôpital. Surprenant !



12. Barbara Abel & Karine Giebel – Petit nouveau

S’il y a un duo que l’on prend grand plaisir à retrouver au sein de cette collection qui m’aura incité à lire des nouvelles, c’est bien celui-ci ! Un récit à quatre mains inspiré d’un fait réel, qui réunit une nouvelle fois deux reines du polar, l’une française, l’autre bruxelloise. La cerise sur le gâteau, la touche finale de noirceur qui vous invite à refermer cet ouvrage la peur au ventre, presque avec l’envie de remettre cet horrible masque et à vous désinfecter les mains toutes les deux minutes, juste au cas où quelque chose de pire que le COVID viendrait menacer notre société… Brillant !



Ancré dans les problématiques de notre société actuelle grâce à plusieurs nouvelles très proches de la réalité, « Respirer le noir » propose des nouvelles certes inégales, ce qui est inhérent au genre, mais dans lesquelles je vous invite néanmoins à plonger le nez, surtout dans celles de François-Xavier Dillard et de Barbara Abel et Karine Giebel. Personnellement, je me prépare à goûter à nouveau du noir avec le cinquième et dernier volet de cette collection.



Et si vous n’avez pas encore eu votre dose de nouvelles, je vous invite vivement à lire « Chambres noires » de Karine Giebel… du très haut de gamme !
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
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Glaise

Glaise est le genre de roman dans lequel on se heurte à ses aspérités. On se frotte à des angles féroces, à des personnages austères et un peu verticaux, certainement parce qu'ils vivent au cœur de montagnes rarement franchies ; des fermiers vivants sur une terre du Cantal où des générations se sont succédé avec une permanence jamais altérée.

On ne peut pas réellement parler d'intrigue mais de passions humaines sculptées par les forces de la nature qui s'exercent sur ce territoire. Tout se passe au cœur d'un terroir qui a façonné des gens rudes à la tâche, des paysans courbés aux champs et droits face à l'adversité. Le paysage se peint avec le sang, la sueur, les peines et et les rancœurs de ses habitants. Ici peut-être plus qu'ailleurs, la terre colle aux semelles des gens, les histoires de famille sédimentent pour y laisser une empreinte silencieuse, il n'y a pas de place pour la tendresse ou l'insolence chaleureuse.

Franck Bouysse a ainsi composé le cadre idéal pour mêler drames et histoires d'amour aux variations des saisons qui rythment la vie quotidienne et aux coups de théâtre de la nature, s'illustrant dans l'art d'inscrire son récit dans une singulière dramaturgie aux accents panthéistes.



Mais la force de ce roman est l'écriture, subtile alliance de phrases incandescentes et de dialogues abruptes. J'ai découvert un auteur capable d'envoûter avec des métaphores magnétiques. Il excelle dans une poésie rustique qui atténue la violence qui contamine tout (les relations entre les individus, les liens au sein de la famille) et adoucit la proximité poissarde et organique avec les animaux.

Même si dans sa construction le roman semble guidé par une impulsion puissante, une idée directrice inflexible, je suis tombée sous le charme de l'authenticité profonde qui parcourt chaque page.
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Né d'aucune femme

N'ayant lu et entendu que des éloges dithyrambiques sur cet ouvrage, je me devais de découvrir Né d'aucune femme.

Franck Bouysse nous conte le destin tragique et incroyable de Rose, nous en faisant un portrait magnifique et c'est un roman qui ne peut laisser insensible. Je l'ai avant tout aimé pour la beauté, la force et la préciosité de son écriture souvent empreinte de poésie.

Tout commence lorsque Gabriel, jeune curé, est sollicité par une femme pour aller bénir le corps d'une défunte, dans un asile. Elle lui signale, dans l'intimité du confessionnal, qu'il trouvera, sous la jupe de celle-ci, deux cahiers qu'il devra lire. Ce sont les cahiers de Rose.

C'est donc cette jeune paysanne, issue d'une famille très pauvre, vendue par son père à l'âge de quatorze ans au Maître des forges, qui va raconter son histoire, cherchant à briser le secret dont on voudrait couvrir son destin. Chaque chapitre porte le nom des protagonistes, certains du moins, comme Edmond, le garçon d'écurie et demi-frère du Maître des forges, Onésime, le père de rose, ou Elle, la mère de Rose, viendront entrecouper son récit, nous permettant de reprendre un peu notre souffle. À la lecture de cette vie de labeur, d'horreur, de cruauté sans nom, nous en avons en effet bien besoin.

Ce qui est magnifique, c'est la force de Rose qui, seule, sans aucune aide, parviendra à transformer sa révolte en résistance.

Ce roman que l'on peut situer au XIXe siècle, pourrait facilement être transposé dans le monde contemporain car c'est un livre qui traduit bien à la fois l'extrême noirceur et la grande cruauté de l'âme humaine.

Ce que je lui reprocherais c'est d'être peut-être trop noir et trop cruel et à la limite du possible. Il est difficilement imaginable que de tels faits aient pu se produire, même dans un temps ancien et en des contrées reculées, notamment la scène de meurtre du père, à la forge.

Franck Bouysse a brossé le bouleversant portrait d'une femme, véritable héroïne, dans un roman très sombre où parfois percent des éclairs de lumière et de beauté.

Je n'ai pas pu m'empêcher, en lisant ce roman, de penser à celui de Gabriel Tallent, My absolute Darling.


Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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Né d'aucune femme

Captation confirmée.  Me voilà subjuguée par l'écriture de Franck Bouysse. Dès les premières lignes,  j'ai été ferrée. Elles sont mystérieuses, énigmatiques, elles ne s'éclairent qu'à la toute fin. Alors on en suit l'apostrophe  comme une lumière dans la nuit. Un peu comme on chercherait la morale d'une fable, l'apologue d'un conte.



Moins concentré et violemment tragique que Grossir le ciel,  nettement plus romanesque,  Né d'aucune femme a, c'est vrai,  le charme vénéneux d'un conte noir pour enfants pas sages.



Nous sommes en Corrèze, près d'un village appelé Espalion -ne pas confondre avec celui d'Aveyron! Merci cardabelle! - et la Vézère n'est pas loin....



Mais l'époque est indéterminée. On se déplace en boghei, à cheval, en carriole. Le temps rural marque le pas.



Villages isolés, fermes en friche, château ceint de grilles, monastère devenu asile d'aliénés,  forge désaffectée,  cimetière délabré...  Les traces humaines dans le paysage disent la misère et la désaffection. Mais la forêt , elle, est toute pleine de vies et de forces,  la rivière , de fraîcheur accueillante, et quelques animaux, des chevaux, un vieux chien de ferme, disent encore le compagnonnage avec l'homme. 



Pauvres hommes...pauvres femmes surtout: une mère sans enfant, une autre sans fille aînée,  une autre encore  sans espoir et qui compte inlassablement les heures de son supplice.



Et du côté des hommes, un père sans honneur, un garçon sans voix,  un jardinier sans Roses...



C'est le manque, le creux, le vide, l'arrachement qui corrode les corps , qui  érode les coeurs, et qui creuse les âmes.



Un monde hors du temps, un monde de souffrance et de fureur.



Car il y aussi les monstres,  dans ce conte pour adultes. Un noeud de vipères, où grouillent des monstres sans foi ni loi.



Alors vient le récit, les mots qui font le récit,  les mots qui cernent les creux, délimitent les vides, réparent les arrachements et restaurent les âmes,  les mots qui mettent un nom sur les souffrances. Les mots qui vivent après la mort, après la folie, après l'injustice. Les mots -résurgence,  les mots-source, les mots-vie.



Et pour les écouter, les collecter, les rendre à qui de droit,  un curé qui est un oeil , une oreille, une conscience . Le garant de l'histoire.



  Voilà.Je m'en vais sur la pointe des pieds... il faut l'écouter aussi, cette histoire-là,  même si elle se donne des airs de conte noir,  de nouvelle effrayante: tout ce qu'elle raconte sonne vrai.



Né d'aucune femme est une fable sur la souffrance immémoriale des femmes, et sur l'impérieuse nécessité de leur donner la parole et d'enfin l'écouter.



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Plateau

Ayant adoré, bonjour l'euphémisme, Grossir le Ciel assimilé à un somptueux dessert gastro, je récidive, empli d'une confiance inébranlable, avec ce Plateau de fromages et sa farandole de pâtes molles à croute fleurie.

Je reprendrai plutôt du dessert...



Pouf pouf je recommence.

Lieu paumé, à mille lieues de toute urbanisation échevelée, ok.

Personnages taiseux au passé empli de secrets inavouables, j'ai.

Grain de sable venant perturbé tout ce petit monde et le précipitant vers un chaos annoncé, yes it is because i do.



Tout est là et pourtant je n'y ai pas retrouvé le plaisir éprouvé à la lecture de son précédent livre.

Les personnages possèdent une densité rare, c'est un fait.

Le contexte géographique, dénué de toute urbanisation parasitaire, renforce paradoxalement le sentiment d'humanité éprouvé à l'égard de ces naufragés volontaires.

La trame est retorse, l'intrigue parfaitement dosée et le final particulièrment éprouvant, pourtant j'en ressors un brin déçu, effet de comparaison oblige.

Peut-être me plains-je que la mariée est trop belle, allez savoir.



Une chose est avérée, c'est cette énorme qualité d'écriture propre à vous immerger pleinement en un espace donné.

J'avoue, cependant, avoir parfois lâché le fil pour cause de vocable ne rentrant pas dans les 1257 mots fièrement épinglés à mon tableau de chasse. La faute m'en incombant, certes, mais quand même, ça casse un chouïa la dynamique.



Parallèlement, j'y ai trouvé de parfaits moments de grâce.

De ces passages où le temps s'arrête, cédant la place à une émotion paroxystique.

Judith m'a ému au plus haut point, mélange de force et de faiblesse, trahie par une conscience vagabonde.



Le fait d'avoir enquillé Plateau juste après Grossir Le Ciel a certainement biaisé mon jugement.

Si j'aurai su, j'aurai patientu.

Il n'en reste pas moins un très bon moment dont il serait fâcheux de se priver.



Merci Cécile...



3,5/5
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Plateau

Lorsque Cory se résout à fuir la violence de son compagnon, elle se réfugie sur le Plateau de Millevaches en Corrèze, chez sa tante Judith. La vieille femme malade y vit avec son époux Virgile dans la dernière ferme d’un hameau perdu, avec pour seuls voisins leur neveu Georges qui campe dans une caravane, et Karl, un homme au passé mystérieux venu chercher la solitude. Leur besogneuse tranquillité va pourtant être mise à mal par un chasseur qui rôde discrètement aux alentours et par la résurgence de vieux secrets.





Publié après Grossir le ciel, Plateau reprend les mêmes ingrédients - l’univers sombre et âpre d’une nature grandiose mais intransigeante, l’isolement de personnages fêlés et cabossés désespérément accrochés à leur coin de campagne, un huis-clos inquiétant et oppressant où pourrissent de vieux secrets -, avec toutefois un je ne sais quoi de moins convaincant : sont-ce la folie de Karl et l’étrangeté du chasseur qui désarçonnent le lecteur, un peu dubitatif face à ces deux assez improbables protagonistes, en complet décalage avec le si parfait réalisme des autres caractères du roman ?





L’on y retrouve aussi avec plaisir l’inimitable style de Franck Bouysse. L’écriture précise et travaillée séduit et impressionne par le juste et original choix des mots et des expressions. Les dialogues claquent avec une authenticité saisissante. Les évocations lyriques de la nature en font un personnage à part entière, sublime, écrasant et maléfique. Pourtant, là aussi, j’ai été moins ensorcelée que dans les autres romans de l’auteur, car souvent déconcertée par trop de phrases suggestives et sans verbe, et par une poésie qui finit parfois par friser l’ésotérisme.





Après mes trois coups de coeur absolus pour Né d’aucune femme, Grossir le ciel et Glaise, c’est donc une toute relative déception qui m’a accompagnée dans Plateau : voici encore un excellent livre, reconnaissable entre tous pour l’incomparable patte de l’écrivain, mais néanmoins selon moi, pas le meilleur roman de Franck Bouysse.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Buveurs de vent

Ils sont quatre : Matthieu, le lecteur qui ne peut assouvir sa passion qu’en cachette, Marc, l’amoureux des arbres, Luc, le petit dernier, simple d’esprit, et Jean, que personne n’appelle ainsi, même avec l’accent anglais, et Mabel lui convient beaucoup mieux. Ces quatre-là sont unis par leur nom de famille et par les frissons qu’ils se donnent en se suspendant du haut d’un pont, au-dessus de la retenue d’eau du Gour noir, fuyant ainsi l’ambiance délétère de la maison familiale entre une mère bigote (indice quelques lignes plus haut) et un père muré dans un silence post traumatique et enclin à dégainer le ceinturon pour dresser sa progéniture.



Dans la vallée, tout tourne autour de la centrale, conçue et administrée par un fou de pouvoir qui règne en tyran sur la petite communauté rurale, distribuant à son envie le travail et les rôles, en s’accordant les privilèges qu’il estime mériter, y compris le droit de cuissage.



Toute la question est de savoir comment déboulonner cet édifice puissant, comment introduire le grain de sable qui va enrayer le processus…



On s’attache bien sûr rapidement aux personnages, ces quatre gamins déterminés, chacun à sa façon, et prêts à tout pour pouvoir vivre sans se trahir, sans perdre leur âme pour un pouvoir de pacotille.



L’histoire ne manque pas d’accroche, de moments d’angoisse savamment distillée, et l’on accompagne avec frissons et délices le chemin semé d’embuches des gamins.



L’écriture est d’emblée envoutante, avec cette ambiance qui aimante le lecteur, et incite à poursuivre la découverte, sans lâcher le récit.



C’est puissant, c’est fascinant et addictif.
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Grossir le Ciel

Je ne remercierai jamais assez les ami(e)s de Babelio de m'avoir fait découvrir ce livre .

Je comprends pourquoi j'ai attendu si longtemps le prêt de ma médiathèque.

Me voici tétanisée , scotchée , étourdie par la force de cet ouvrage .



Au coeur des Cévennes , terre protestante , pays de huguenots qui avaient combattu autrefois pour leur liberté , loin de tout, vit Gus, un fermier qui n'a plus vraiment de famille , à part Abel, son voisin et son chien Mars auquel il est très attaché ....



Et commence un huit- clos, sombre, poignant, envoûtant , servi par une écriture magistrale, à la fois simple et brute, véritable hymne à la nature et aux hommes dans ce pays de taiseux, aux journées linéaires et monotones rythmées par les Bêtes et le Temps , cette nature majestueuse , froide, âpre , silencieuse , sournoise , rude, en sourdine, mais à l'affût...





Roman terrien, rural, noir, fulgurant, suspense, solitude, mystères, colères et silences lourds, coups de gnole et coups de fourche , secrets de famille enfouis , secret de naissance , non- dits, et sous entendus, neige, traces et froid dehors et dans les coeurs , rafales glacées et « suceur de Bible », odeur de sang, tension extrême, Abbé Pierre , je n'aurai pas de mots assez forts pour qualifier cette oeuvre : véritable bombe à retardement ...



Magistral, Unique , quel talent !

Un western rural si j'ose dire , même si c'est un peu exagéré !!







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Vagabond

Un guitariste de blues presque clochard, sale et imbibé d’alcool, erre de bar en bar au gré de maigres cachets. Seule la musique le tient encore debout, lui qui a perdu l’envie depuis qu’Alicia, sa compagne à la ville comme à la scène pendant quinze ans, l’a quitté en lui brisant le coeur. Mais voilà qu’une affiche annonce un prochain concert : de cette femme justement, désormais riche et célèbre…





La désespérance la plus noire emplit cette histoire de dérive vagabonde, où la musique constitue la dernière et fragile amarre qui retient un homme à la lisière de la folie. Anéanti par la fin d’un amour qui résonne douloureusement en écho à ce qui semble une carence parentale, mais aussi peut-être comme une fuite sur la route du succès musical, cet homme écorché et sans nom, qui ne semble plus se nourrir que de bière et de la fumée de ses cigarettes, met tout ce qui subsiste de ses rêves et de son âme dans les notes qu’il extirpe de ses tripes et de sa guitare. Dans l’indifférence générale, il ne lui restera bientôt plus qu’un acte insensé et suicidaire pour attirer l’attention, faute de mieux.





La plume que j’ai tant admirée dans les romans ultérieurs de Franck Bouysse est bien là : magnifique, poétique, travaillée… Peut-être un peu trop, comme encombrée d’une recherche excessive, forcée dans des effets qui manquent parfois de naturel et finissent par se perdre dans un certain hermétisme. Tantôt éblouie, tantôt désarçonnée, je me suis sentie davantage impressionnée que charmée par ce texte, qui parvient en si peu de pages à vous noyer dans un puits noir et sans fond : celui du désespoir d’un homme trahi au plus profond de lui-même, par on ne sait plus si c’est une femme devenue musique ou une musique devenue femme.





C’est donc plus admirative que totalement séduite que je referme ce bref roman d’une étrange et poétique beauté, qui m’a laissé la sensation d’une nage en eau noire, à la surface d’abysses absorbant toute lumière.


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Oxymort

Deux jours qu'il est enfermé là, menotté. Dans le noir complet et un silence oppressant. Un seau pour faire ses besoins. Des murs qui l'enserrent. Et, lorsqu'il se réveille, un plateau avec de quoi manger. Pourquoi lui ? Qu'a-t-il pu bien faire de mal pour que quelqu'un s'en prenne à lui ? Tant de choses lui échappent encore... Que s'est-il passé avant ? C'est ce que va tenter de comprendre Louis, détissant peu à peu le fil des jours...



Même si le thème de l'enfermement n'est pas nouveau, Franck Bouysse nous tient en haleine tout le long de ce roman noir. A travers Louis, enseignant en SVT qui ne semble se connaître aucun ennemi, l'auteur dépeint petitement une intrigue oppressante, faisant apparaître les personnages secondaires, aussi bien Lily, sa petite amie, son tortionnaire ou encore l'une de ses collègues. C'est par ses phrases courtes et un style direct que l'auteur réussit à nous plonger dans une ambiance malsaine, presque étouffante. Un roman profondément noir d'où émerge, avec grand peine, une simple lueur...
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Né d'aucune femme

Est - il superflu d’ajouter une critique ?

Je l’ignore, en tout cas ——vais- Je trouver les MOTS ——-pour exprimer le trop plein d’émotions qui m’ont prises aux tripes à cette lecture ? En vérité pourquoi écrire d’ailleurs ?



Cette œuvre captivante addictive, tragique , à l’écriture finement ciselée magnifie la nature, grâce à des descriptions d’une précision d'orfèvre. Pas une phrase pas un mot à retrancher ....



Le lecteur comme aimanté , bousculé , malmené , le souffle coupé, bascule du côté le plus sombre, le plus noir de la nature humaine ..

Je ne suis pas prête d’oublier le personnage de Rose, vivante, intelligente, lumineuse sacrifiée sur l’autel des failles humaines ——-..comme magnifiée où sa détresse , sa douleur, sa souffrance , sa terreur , sa lumière ——sont évoquées à l’aide d’une écriture majestueuse , fabuleuse .

Cet auteur sculpte les mots avec brio, explore l’ombre, le secret, le destin , la noirceur avec un talent sans pareil.

Il plonge le lecteur dans un tourbillon de sentiments forts rarement égalés ! De la première à la dernière ligne !

Un ouvrage poignant et sensible , énorme coup de cœur qui me laisse sans voix , lu une partie de la nuit sans que je puisse m’en détacher!!

Je ne connais pas l’auteur .

«  Les mots, ils me font me sentir autrement , même enfermée dans cette chambre. Ils représentent la seule liberté à laquelle j’ai droit, une liberté qu’on ne peut pas me retirer , puisque personne à part Génie, sait qu’ils existent . Je me sens pas mal d'être ici. J’ai plus besoin de travailler. J’ai aussi quelqu’un à qui parler de temps en temps, et des mots à jeter sur du papier . »



«  Ces cris , ils ne m’ont plus jamais quittée., même dans le silence de ma bouche, ils continueront à être criés vers l’intérieur jusqu’a ma mort.

J’ai plus jamais revu mon bébé .... »

Une très belle première de couverture !

INOUBLIABLE .....





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L'homme peuplé

C'était ma troisième lecture de Franck Bouysse et probablement la dernière, ce que je n'affirme pas avec certitude car il m'est arrivé de succomber à la tentation incompréhensible de revenir vers des auteurs me laissant espérer autre chose qu'une lecture déplaisante, telle que celle-ci.



Donc, je vais une nouvelle fois dénoter par rapport aux si nombreux avis qui encensent Franck Bouysse et ce roman parmi d'autres. Je lui reconnais un talent d'écriture incontestable, un art dans les descriptions de la nature, malgré des abus de clichés dont le temps d'exposition s'est un peu trop prolongé.



Le thème m'a paru vraiment absent d'originalité, les situations placées dans différentes époques sont confuses, l'auteur ajoute quantité de longueurs et de digressions qui n'apportent rien à l'histoire principale.



D'ailleurs, ce roman porte-t-il une histoire principale? Le héros est-il Harry, écrivain en mal d'inspiration, qui de manière invraisemblable achète une maison dans une campagne perdue, sans l'avoir vue auparavant, en plein hiver, où il va vivre les tranches de vie des autres, bien plus que les siennes? Ou bien Caleb, l'homme invisible, en proie aux malédictions, aux poids d'une existence écrasée par une mère qui semble elle-même victime, mais cela le lecteur ne le saura parfaitement jamais? Ou encore Sofia dont on comprend vite qu'elle est aussi Emma, une belle plante, écrasée par les semelles des méchants?



Ces trois-là se démêlent avec leurs démons, leurs interrogations, sans qu'un voile opaque soit vraiment levé à la fin du texte, encore plus chaotique que l'ensemble de ce roman taiseux qui n'emporte pas l'empathie du lecteur pour ses protagonistes.



Je ne peux parvenir, comme les plus nombreux, à être habité par cette lecture, encore moins "peuplé" si ce n'est par quelques images de la nature qui ne suffisent pas pour compenser toutes les élucubrations et invraisemblances mises scène confusément par Franck Bouysse.
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Fenêtre sur terre

Poèmes, micro-récits et photographies en noir et blanc prises par l’auteur ou par son ami écrivain, éditeur et traducteur Pierre Demarty, composent ce très bref recueil, condensé de ce qui nourrit l’âme, le coeur et les tripes de Franck Bouysse au point d’infuser toute son œuvre. L’écrivain s’y dévoile viscéralement attaché à sa Corrèze natale et à ses racines paysannes. Homme de terre et de nature, il trouve, en cette poignée choisie de mots et d’images poétiques, un vecteur immédiat et fulgurant pour exprimer l’atmosphère et les émotions qu’il se plaît à laisser gouverner son quotidien et son inspiration.





L’on retrouve, à travers ces mots et ces instantanés, l’âpre munificence d’un monde minéral et organique qui façonne ses habitants au moins autant qu’eux tentent de le besogner. De vieilles mains noueuses et une silhouette ployée, quelques pierres scellées en une volée de marches usées, une trouée de lumière rasant l’eau d’une rivière, une jonchée de bois et de curieux troncs cagneux… tout cela à portée d’yeux et de pas, en contrebas d’une fenêtre où l’on perçoit longuement posté, occupé à coucher ses mots sur les pages de ses futurs romans, un homme qui jamais ne se lassera de sa vigie sur cette terre qui l’a forgé jusqu’au plus intime de son être.





Pas de surprise en ces lignes pour qui est familier des écrits de Franck Bouysse, mais la confirmation d’une parfaite cohérence entre l’homme, ses choix de vie et son œuvre. Y dansent en filigrane l’ombre de ses personnages solitaires et taiseux, fondus dans l’argile-même de leur coin de pays ; y vibrent les décors, terribles et splendides, de ses histoires en obsédant clair obscur ; y chante la poésie d’une langue travaillée comme une musique de l’émotion à l’état pur.





On n’aime pas seulement les écrits de Franck Bouysse. On les ressent, on s’en imprègne, et on s’en émerveille.


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Orphelines

Le policier Bélony vient de perdre son épouse, restée vingt ans dans le comas après un accident qui avait aussi tué leur jeune enfant. Meurtri, l’homme n’a pour autant guère le loisir de s’appesantir sur son malheur : un tueur en série s’en prend à des jeunes femmes de la ville, dont on retrouve les cadavres mutilés étrangement mis en scène. Il devient bientôt évident que le meurtrier observe et manipule Bélony et sa jeune collègue Dalençon, désormais conscients de faire partie d’un plan minutieusement programmé, dont ils ignorent les tenants et les aboutissants…





Changeant de registre après plusieurs romans qui nous avaient habitués à l’âpre noirceur de ses drames ruraux, l’auteur fait une incursion dans l’univers du polar. Il nous livre une histoire encore une fois bien sombre, centrée sur un être qu’une enfance douloureuse, bâtie sur une tragédie, a brisé au point d’en faire un dangereux psychopathe. Assez simple, l’intrigue n’en ménage pas moins un gros effet de surprise totalement imparable. Et, emporté par la tension croissante du récit, l’on se laisse prendre avec plaisir à cette lecture indéniablement addictive.





Seulement voilà, malgré la mise en perspective des meurtres avec un passé tragique habilement suggéré, qui creuse d’insondables abîmes de souffrance sous la surface des pages, l’ensemble peine à se démarquer de la multitude d’histoires du même genre, qui se bousculent sous formats papier et télévisuel. Combien de duos d’enquêteurs, meurtris par la vie et liés par des sentiments mutuels plus ou moins inavoués, se sont-ils lancés sur les traces, semées de scènes gore, de tueurs en série acharnés à tourmenter de jeunes et jolies femmes sans défense ? Si Franck Bouysse réussit haut la main à accommoder la recette en une lecture fort agréable et distrayante, il ne parvient pas à la transformer en moment d’exception, comme il en avait pris l’habitude avec chacun de ses livres depuis Grossir le ciel. La faute à un thème rebattu et à un trop-plein de clichés, mais aussi à une crédibilité moyenne et à une plus grande discrétion de la beauté stylistique si remarquable de cet écrivain.





Quoi qu’il en soit, même si, selon moi, un cran en dessous des autres romans plus mémorables de l'auteur, ce polar, aussi bien écrit que construit, se lit avec plaisir. Il offre un agréable moment de détente, tout en révélant une nouvelle facette de l'écrivain.


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H

Qui est H. ? Quand s’ouvre en 1907 le premier épisode de cette trilogie, il apparaît comme le grand et brillant ami du narrateur britannique John W., qui se réjouit de le retrouver après une longue séparation et de se voir inviter à nouveau à l’accompagner dans une expédition à travers le monde. Un voyage bien mystérieux, dont John ne connaît ni la destination, ni l’objectif, mais pour lequel il est chargé d’armer un voilier et de recruter un équipage…





H. et W. comme Holmes et Watson : impossible de ne pas penser au célèbre duo lorsque l’histoire commence dans un Londres brumeux où John W. se prépare à accompagner H., cet homme apparemment admirable qui l’impressionne tant, dans une énigmatique mission. Celle-ci ne tarde pas à prendre les allures d’une chasse au trésor, transformant la narration en un récit d’aventure aux multiples périls, qui nous emmène, au travers d’une mer capricieuse et dangereuse, sur une mystérieuse île qui n’a pas toujours été déserte, puis en remontant les eaux boueuses d’un fleuve aux vapeurs mortifères, au coeur de l’étouffante forêt amazonienne. Devenu fantastique, le roman se met à naviguer entre mystères et mythes célèbres pour évoquer civilisations disparues, croyances religieuses et finalité de l’humanité, dans une apothéose où menace l’apocalypse. C’est ni plus ni moins à une ardente plaidoirie en faveur de l’espèce humaine, avec tous ses travers, ses dualités et son orgueil, mais aussi avec son émouvante capacité d’amour et d'émotion, ainsi que sa fascinante force créative et artistique, qu’aboutit cet étonnant mélange des genres.





Hommage à la littérature populaire du 19e siècle, sorte de pastiche des romans-feuilletons de l’époque où l’auteur entremêle roman policier, récit d’aventure et histoire fantastique, H. s’avère un ouvrage profondément original. Figurant parmi les premières publications de l’auteur, il révèle un talent protéiforme et une écriture déjà hypnotique. On y voit s’affirmer au fil des trois tomes la beauté d’un style qui fait, de la lecture de chaque roman de Franck Bouysse, une incomparable délectation.


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