"Si on restait trop longtemps en Irlande, elle finissait par nous attraper."
Ma mère me racontait des histoires quand j'étais tout petit, mais je ne me souvenais que de fragments de chansons, d'échos et de chuchotements. Elle mourut quand j'avais huit ans et, avec le temps, ses histoires se perdirent dans mon cerveau enfantin.
Tout ce folklore, ces croyances et cette culture s'étaient éteints avec ma mère. C'est devenu mon obsession de préserver les histoires des gens, surtout de ceux dont les cultures sont en train de disparaitre. Les traditions orales meurent avec ceux qui les racontent. C'est ma vocation de me souvenir de ces personnes et de conserver leur sagesse en la mettant par écrit.
Mon grand-père m'avait envoyé un beau livre tout neuf de Dublin. Il s'appelait La Petite Princesse de Frances Hodgson Burnett. Il nous offrait tout le temps des cadeaux, et surtout des livres. Mon père levait les yeux au ciel quand il voyait les paquets arriver, car la seule chose qu'il avait apprise des livres, c'était qu'ils faisaient perdre du temps et ralentissaient le travail en attente. Si jamais il surprenait un des garçons en train de lire un livre à table, il lui demandait s'il avait nettoyé l'étable ou ramassé la tourbe, ou n'importe quelle autre tâche en cachette : Paddy derrière l'étable, Billy et Tommy en haut des collines, et Milly et moi en haut du vieux chêne.
Il y avait eu tellement de faux départs, de moments où elle avait cru prendre un tournant ou passer enfin à l'étape suivante du deuil. Les gens aimaient avoir des directions précises à suivre sur une carte, même quant il était question de condition humaine. Longtemps, elle avait plaisanté avec sa sœur, expliquant qu'elle quittait le boulevard du Déni, et rejoignait le carrefour de la Colère. Mais en réalité, elle n'avait aucune idée de là où elle se trouvait. Tout ce qu'elle faisait lui paraissait être une erreur. (p 330)
-Ceux qui ne croient pas en la magie ne la trouveront jamais.
Il croyait en la poésie de la charrue et de la terre, du soleil et de la pluie. Ma mère, elle, soutenait que perdre son intellect revenait à laisser les graines faner et mourir dans le sol infertile, et, régulièrement, elle obtenait gain de cause. (p 110)
Elle détestait cette sensation, le matin de Noël, lorsque les cadeaux étaient déballés et qu'il ne restait plus que le papier déchiré : les cadeaux perdaient alors leur magie. (p 47)
- Honnêtement, j'ai cru que ça allait me tuer. Le chagrin. Mais tu sais ce qui est le pire ? Ca ne te tue pas. tu continues, tu vis... Tu survis, que tu le veuilles ou non. (p 334)
Mais la réalité n'était pas aussi simple. La vie était comme un grand tableau ; si on ne se concentrait que sur un détail, on passait à côté de l'image entière. (p 376)