À l'occasion de la parution de son livre Demain et pour toujours, Ermal Meta se prêté au jeu de la boîte à questions !
Dragot, été 44
- Et Ago, comment va-t-il ?
- Comme toujours. C'est un homme de cœur, du genre à demander pardon après avoir tiré. Avant, c'était un communiste convaincu mais aujourd'hui, je le trouve surtout humaniste. Il se bat, lui aussi, mais un œil vise et l'autre pleure. Heureusement qu'il est habile, sinon il serait mort depuis longtemps!
- Je n'ai jamais pensé qu'il était lâche, répondit le capitaine.
- Je n'ai jamais dit qu'il était lâche. Simplement, il n'est pas fait pour la guerre. Il devrait retourner à ses études de littérature.
- Et toi, tu es faite pour la guerre ?
- Non, moi je suis plutôt faite pour débusquer ceux qui nous trahissent. C'est une autre forme de guerre.
La douleur que l'on porte seule éloigne les personnes, mais celle que l'on partage rapproche.
Voir, essayer de comprendre, même si certaines choses sont difficiles à saisir dans leur essence, dans leur simplicité brutale. Par exemple: à quoi sert le Mur ? A diviser une ville, un pays? A tout unir sous un idéal unique ou à donner à tous la même chose à haïr? Crois-moi, Kajan, haïr ensemble unit plus qu'aimer ensemble. Le Mur nous protège, nous dit-on, mais moi je n'ai jamais compris s'il nous protégeait d'eux ou de nous-mêmes. Dans tous les cas, il ne nous épargne pas le pire mal de tous.
- C'est-à-dire?
- L'espoir.
p113/114
La douleur que l’on porte seul éloigne les personnes, mais celle que l’on partage rapproche.
La guerre prit fin, mais tous ceux qui l'avaient menée ne furent pas traités en héros. La victoire des partisans et la capitulation de l'Allemagne, le 8 mai 1945, marquèrent le début de la dictature communiste qui, aux pays des aigles, allait durer jusqu'à la fin de l'année 1990, avant de s'effondrer en 1991.
Il y eut un nouvel ennemi à combattre, un ennemi qui n'avait pas de visage, qui parlait albanais. L'ennemi devient le peuple lui-même.
p45/46
…à ton âge, c’est ce que j’aurais voulu savoir. Voir, essayer de comprendre, même si certaines choses sont difficiles à saisir dans leur essence, dans leur simplicité brutale. Par exemple : à quoi sert le mur ? A diviser une ville, un pays ? A tout unir sous un idéal unique ou à donner à tous la même chose à haïr ? Crois-moi, Kajan, haïr ensemble unit plus qu’aimer ensemble.
Kajan posa les dents de la pince coupante à côté d’une des deux attaches du pont. Il sectionna le câble et l’attrapa avant qu’il touche terre. Il était tellement tendu qu’il avait envie de vomir. Il le coupa de l’autre côté et jeta la portion de fil ainsi obtenue. Il fit de même avec le câble supérieur. Puis il rangea ses affaires dans son sac et le lança de l’autre côté de la clôture. Il se glissa ensuite dans le trou et se retrouva en Albanie. Ses jambes tremblaient, d’émotion et d’angoisse. Il était parti en héros, il revenait en traître.
On dit que la vie a deux mains : de l’une elle nous lance dans le vide, de l’autre elle nous rattrape.