Emma est morte le 7 février 2022. Son coeur a cessé de battre pendant trente minutes. Un coup au coeur raconte la bataille qu'elle a dû mener pour revenir à la vie, de la réanimation à la rééducation. Pour se remémorer aussi où elle est partie quand tout le monde la pensait disparue.
"Un coup au coeur" est une plongée dans l'au-delà, qu'Emmanuelle de Boysson partage avec allégresse et une sincérité bouleversante.
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Venise, cité des amoureux... Certains s'étonnent parfois que cette ancienne capitale des plaisirs et du commerce, symbole de la courtisanerie triomphante et des plaisirs faciles, soit devenue la ville de ceux qui s'aiment. Sans doute parce que tout y parait rêvé, le calme de la lagune assaillie par l'Adriatique, la splendeur baroque des palais, les façades mystérieuses, les jeux d'ombres sur la piazzetta qui, naguère fut un verger donnant sur la mer...
Les hommes, c'est comme les souliers, au début, ils ne sont pas souples, mais, après quelques semaines, il se font...
Médecin de campagne et médecin humanitaire, ce n'est pas le même métier, la même vocation. D'un côté des habitués, des cas faciles, de l'autre des inconnus, des cas désespérés. Ce n'est pas la même psychologie, l'urgence suppose une tension permanente et un certain détachement, sans quoi, tout ce malheur vous broie.
Seule évidence: des scènes de ma vie surgissent, plutôt dans le désordre, flash-back en accéléré. Tout va si vite que j'en ai le tournis. Parmi ces instantanés, je me souviens de ceux où je frise le danger: mes premiers pas lorsque je lâche la main de mon père, le jour où je me lance sur un vélo, ceux où je pédale à toute berzingue dans notre vélodrome de Mohammadia, où je cours sur les dalles brûlantes de la piscine vers le plongeon et dévisse sur la plaque de glace d’une piste noire. p. 162
En amour, il n'y a pas de garantie, rien que des promesses. Chacun fait tout ce qu'il peut pour les tenir mais, parfois, on manque de patience, de courage... Aimer, c'est un peu comme attendre qu'une plante fleurisse, il faut y croire, tout faire pour que les conditions soient les meilleures...
Donner de l'amour ne suffit pas, on ne le fait que dans la vérité, faute de quoi le don lui-même est vicié, l'amour ne se construit pas sur un mensonge.
La passion ne naît chez une femme que dans l'interdit. C'est pourquoi le mariage, parce qu'il est un contrat social, tue l'amour aussi sûrement que la cage tue l'oiseau. L'exemple de Judith Stein est révélateur. Voilà une femme mariée, prête à commettre un meurtre, à se jeter d'un pont pour l'homme qu'elle aime. Vous vous douterez bien, mes chers amis, que de telles divagations n'effleureraient pas une femme rangée, si amoureuse soit-elle de son mari.
Des fumées montent de fermes tapies dans la nuit. Watteau vaut bien plus que ces gens bien nés, prêts à exploser comme le crapaud de la Fontaine, s'amuse Marquise. Dans la nuit où toutes les vaches sont noires, elle se tracasse : ai-je bien fait d'accepter l'invitation du Roi? Watteau a sans doute raison : autant voir ce vieillard avant qu'il ne s'éteigne.
- Ne vous leurrez pas. Vous ne faites pas partie de ce petit nombre. Elles se suffisent à elles-mêmes, se flattent, s’encensent, s’enivrent de leurs trouvailles, se séduisent, se trahissent et n’ont que faire ni des petites parvenues ni des hommes. Comme dit ma servante : « Les hommes, il faut les faire courir pour tout ce qu’ils nous font marcher ».
Moi aussi, j’envisageais d’écrire un roman. Il m’a fallu attendre longtemps avant de me l’autoriser. À trente ans, lorsque j’ai voulu m’inspirer de mes journaux intimes, ma mère s’est offusquée, m’a mise en garde : on ne parle ni de soi ni de sa famille, c’est indécent. Elle ignorait qu’un écrivain est un menteur, un voleur qui butine dans les jardins des autres. Mais aussi un cuisinier qui fait de son histoire une drôle de soupe. Curieusement, l’année de mes seize ans, j’avais écrit peu de choses sur ma vie de lycéenne. Sans doute parce que je me perdais dans de longues méditations que le philtre maternel agissait, m’anesthésiait.