Colloque de rentrée 2008 : Aux origines du dialogue humain : Parole et musique
Conférence du vendredi 17 octobre 2008 : L'émotion dans le langage musical
Intervenant(s) : Emmanuel Bigand, CNRS, Université de Bourgogne
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La musique et le langage sont des traits humains universels. Toutes les cultures produisent de la musique et y sont sensibles.
La musique change de statut. Si elle reste un moyen sans égal d'éprouver des émotions intenses, elle est de plus en plus étudiée comme un remède potentiel pour diverses maladies.
Des effets positifs d’interventions musicales sur le développement des enfants peuvent être obtenus à un moindre coût, si les programmes d’interventions sont élaborés en partant des besoins psychologiques des enfants, en fonction de leur âge et de ce que nous savons aujourd’hui sur la musicalité communicative.
L’hypothèse que la musique contribue à la constitution des grandes fonctions psychologiques, cognitives, sociales ou affectives, permet de faire des prédictions précises que l’on doit pouvoir vérifier scientifiquement. La première d’entre elles est évidente : s’il est impossible de parcourir à rebours l’histoire de l’humanité pour connaître quand et comment la musique a été inventée (phylogenèse), il est tout à faire possible de suivre le développement de cette aptitude à chaque fois qu’un enfant vient au monde (ontogenèse). Si la musique est un loisir, une « drogue récréative » ou un dérivé tardif d’autres compétences psychologiques, la sensibilité des nourrissons envers la musique devrait être faible, et sa stimulation durant l’enfance ne devrait pas avoir d’impact marquant pour d’autres fonctions. Si, en revanche, il existe une prédisposition pour la musique et que cette prédisposition est stimulée durant l’enfance, alors la musique devrait faciliter le développement d’autres compétences psychologiques. D’autres hypothèses peuvent être formulées dans le même esprit. S’il existe une prédisposition pour la musique, tout un chacun doit pouvoir développer cette prédisposition dans la vie quotidienne sans avoir à suivre un long et fastidieux apprentissage explicite. La compétence musicale devrait être aussi répandue chez l’Homo sapiens moderne que la compétence linguistique. Enfin, si la musique est une aptitude ancienne qui contribue au développement de nombreuses autres, elle doit reposer sur un vaste réseau neuronal qui se déploie bien au-delà du cortex auditif, et l’on doit pouvoir l’utiliser lorsque certaines de ces fonctions sont détériorées par des lésions cérébrales. C’est l’ensemble de ces prédictions que nous allons explorer, en commençant par le commencement : la musique à l’embryon de la vie.
La musique réalise tout naturellement une double stimulation des nourrissons : socio-affective d’une part, en renforçant l’attachement affectif réciproque, et cognitive d’autre part, en sollicitant des ressources neuronales d’intégration de l’information. Elle ouvre un cercle vertueux entre l’affect et la cognition.
Toutes ces données soulignent l’importance des activités musicales dans les conduites d’attachement aux parents proches dans un premier temps, puis pour l’interaction sociale avec l’environnement extérieur. Elles sont compatibles avec l’hypothèse que la musique a pu faire l’objet d’une sélection adaptative parce qu’elle présente des avantages pour la prise en charge de nourrissons, leur survie et leur bon épanouissement psychologique. Elle crée un lien social sécurisant qui permet de réguler les états émotionnels des nourrissons, ce qui a un effet positif sur leur développement cérébral. Sa structure permet ensuite des jeux musicaux qui sont cognitivement stimulants pour le cerveau car ils renforcent les processus d’intégration syntaxique de l’information et la formation des attentes perceptives. Enfin, le développement de ces capacités cognitives enrichit les interactions avec l’adulte, ce qui permet de faire évoluer la nature des jeux musicaux et renforce la complicité mutuelle. Un cercle vertueux s’établit ainsi entre cognition et émotion.
La musique est une forme de mathématique sonore qui est entièrement au service du sensible et de la relation à l'autre.