Tout s’étale là, sous les lampes vertes de la salle de lecture. Une feuille pour chaque joie et douze pour chaque malheur. Les certificats de naissance et de décès, les contrats de mariage, les adresses successives. Voilà ce qui reste de soi, après. La paperasse, on a beau l’éviter toute sa vie, c’est au bout du compte notre seul vestige sur la Terre.
Si vous deviez vous représenter un Niçois, là, comme ça, qu’est-ce qui vous viendrait à l’esprit ? Mais si, allez-y, n’ayez pas peur. Je ne vais pas me vexer. Après tout, il suffit de me regarder pour se faire une première idée - enfin, si on oublie le thé et les nappes à dentelles.
Bon, vous êtes un peu timide, ou trop poli, ou faux-cul, alors je vais vous aider. Un authentique Nissart a la moustache épaisse, le ventre rond, un verre de Ricard dans une main, une boule de pétanque dans l’autre, et à la bouche des : « Tronche molle, tu le vois pas le cochonnet, il a le diamètre d’un citron de Menton, il te faut quoi, qu’on te l’annonce avec le canon de midi ? »
Parce que, tu vois, je n’ai rien d’une rivière qui a besoin d’un lit : je suis l’océan où se jettent les fleuves. Rien de moi n’est terré dans l’ombre.
Ensuite, n’importe qui ne devient pas fantôme. Ça ne vous arrivera que si cette malpolie de mort vous interrompt en plein discours.
Le souvenir de gens très riches qui se sont éteints très vite et n’ont laissé derrière eux que cet immense bouton d’or fané.
Il y a des gens comme ça, on se demande si on a envie de leur baiser les orteils ou de leur casser la gueule.
Parce que le ciel, lui, personne l’embête jamais. Et c’est lui qui décide sur qui tombent les tempêtes.
On dirait que l’avenir des mondes va se jouer dans les prochains chuchotements de l’eau.
Les entrailles de Carmine abritaient des batailles de chats sauvages.
Au moins, maintenant, vous savez : taisez-vous quand vous mourez.