Citations de Celeste Ng (285)
Pour un parent, un enfant n’est pas une simple personne : c’est un endroit, une sorte de Narnia, un lieu vaste et éternel où coexistent le présent qu’on vit, le passé dont on se souvient et l’avenir qu’on espère.
On ne brûle pas nos livres, poursuit-elle. On les pilonne. Beaucoup plus civilisé, n'est-ce pas ? On en fait de la pulpe et on les recycle en papier toilette. Ça fait longtemps que ces livres ont servi à torcher les fesses de quelqu'un.
Ah, lâche Bird. Voilà donc ce que sont devenus les livres de sa mère. Tous ces mots écrabouillés en une pâte grisâtre, puis emportés par une chasse d'eau dans un tourbillon de pisse et de merde. Il sent un liquide chaud mouiller ses yeux.
Elle faisait toujours ça, lui raconter des histoires. Ouvrir des brèches par où la magie pouvait s’insinuer, faisant du monde un lieu de tous les possibles.
Les souvenirs d'un être aimé se lissent et se simplifient toujours, et on se débarrasse des complexités comme d'écailles.
PACT : la Loi sur la sauvegarde de la culture et des traditions américaines. La promesse solennelle d'éradiquer tous les éléments antiaméricains menaçant la nation. Des financements pour les milices de quartier afin de briser les manifestations et d'assurer le gardiennage des bureaux et commerces ; pour les projets créateurs d'emplois visant à produire en masse drapeaux, pin's et posters encourageant à la surveillance mutuelle, et à réinvestir dans l'Amérique. Des financements pour de nouvelles initiatives destinées à surveiller la Chine, et pour de nouveaux comités de contrôle afin de repérer ceux dont la loyauté pourrait être duplice. Des récompenses pour la vigilance citoyenne, toute information susceptible de mener à de potentiels fauteurs de troubles. Et, enfin et surtout : empêcher la propagation des idées antiaméricaines en retirant discrètement les enfants des environnements antiaméricains... la définition desquels ne cessant de s'élargir : qui semble avoir de la sympathie pour la Chine ; qui semble insuffisamment antichinois ; qui exprime un doute sur quoi que ce soit d'américain ; qui possède le moindre lien avec la Chine, et ce quel que soit le nombre de générations écoulées ; qui se demande si la Chine est vraiment le problème ; qui se demande si le PACT est appliqué de manière équitable ; et, finalement, qui met en doute le PACT lui-même.
On sait d’où c’est venu, commençaient à dire les gens. Posez-vous la question : qui profite de notre déclin ? Les doigts se tendaient fermement vers l’est. Regardez comme le PIB de la Chine est en hausse, comme leur niveau de vie s’améliore. Là-bas, vous avez des cultivateurs de riz équipés de smartphones, fulmina un député à la Chambre des représentants. Ici, vous avez des Américains qui font leurs besoins dans un seau parce qu’on leur a coupé l’eau pour défaut de paiement. Ne me dites pas que vous trouvez ça normal.
La Crise était l’œuvre des Chinois, se mettaient à affirmer certains ; toutes leurs manipulations, leurs droits de douane et leurs dévaluations. Peut-être même qu’ils avaient reçu de l’aide de l’intérieur pour démanteler le pays. Ils voulaient notre peau. Ils voulaient prendre possession des États-Unis d’Amérique.
Les gens décident comment tu es avant de te connaître.
Marilyn prit le menton de Lydia dans sa main et pensa à toutes les choses que sa mère ne lui avait pas dites, ces choses qu'elle avait tant voulu entendre pendant toute son existence.
Quelques jours auparavant, à quelques centaines de kilomètres de là, un autre couple s'était également marié - un homme blanc et une femme noire qui partageaient un nom des plus appropriés ; Loving. Quatre mois plus tard, ils seraient arrêtés en Virginie, la loi leur rappelant que le Seigneur tout puissant n'avait jamais eu l'intention que les Blancs, les Noirs, les Jaunes et les Rouges se mélangent, qu'il ne devait pas y avoir de "citoyens bâtards, aucun effacement de la fierté raciale". Quatre ans s'écouleraient avant qu'ils ne protestent , et quatre de plus avant que le tribunal ne leur donne raison, mais de nombreuses années passeraient avant que les gens autour d'eux ne fassent de même.
La lettre arrive un vendredi. L’enveloppe ouverte et refermée par un autocollant, bien sûr, comme toujours : inspecté pour votre sécurité – PACT. Elle a semé une certaine confusion au bureau de poste, l’employé dépliant la feuille à l’intérieur, l’examinant, la transmettant à son superviseur, puis au chef. Mais finalement, jugée inoffensive, elle a fini par être expédiée à son destinataire. Pas d’adresse de retour au dos, seulement un cachet de la poste de New York, daté de six jours plus tôt. Au recto, son nom – Bird –, et c’est grâce à cela qu’il sait que ça vient de sa mère.
(Incipit)
Enfin un cadeau qui en était un - pas un livre, pas un sous-entendu- , quelque chose qu'elle voulait, pas quelque chose qu'ils voulaient pour elle.
Un énorme merci à mes lecteurs – aussi bien de ce livre que du premier. À ceux qui m’ont adressé des e-mails, écrit des lettres, tendu des mots pendant des lectures, ou qui ont discuté avec moi lors de dédicaces : merci. Je ne peux pas vous dire à quel point je suis reconnaissante. De nombreux mercis à mes amis sur Twitter : vous me rappelez chaque jour combien les gens peuvent être intelligents, drôles et gentils.
Pour un parent, un enfant n'est pas une simple personne : c'est un endroit, une sorte de Narnia, un lieu vaste et éternel où coexistent le présent qu'on vit, le passé dont on se souvient et l'avenir qu'on espère. On le coit en le regardant, superposé à son visage : le bébé qu'il a été, l'enfant puis l'adulte qu'il deviendra, tout ça simultanément, comme une image en trois dimensions. C'est étourdissant. Et chaque fois qu'on le laisse, chaque fois que l'enfant échappe à notre vue, on craint de ne jamais pouvoir retrouver ce lieu.
Toute leur vie, Nath avait compris, mieux que personne, le lexique de leur famille, les choses qu'ils ne pouvaient jamais vraiment expliquer aux gens de l'extérieur : qu'un livre ou une robe n'étaient pas simplement quelque chose à lire ou à porter ; que l'attention était accompagnée d'attentes qui - comme la neige - s'abattaient et s'accumulaient et vous broyaient sous leurs poids.
A Shaker Heights, chaque étudiant avait droit à un cours d'éducation sexuelle non pas une, mais cinq fois : en sixième et en cinquième, ce qui est considéré comme une "intervention anticipée", pendant les "années à risques" de la quatrième et de la troisième, et une dernière fois en seconde, séance au cours de laquelle l'éducation sexuelle était combinée à des bases de nutrition, des discussions sur l'estime de soi et des conseils en recherche d'emploi.
Mais le problème avec les règles, c'était qu'elles supposaient une bonne et une mauvaise manière de faire les choses. Alors qu'en fait, la plupart du temps, il y avit simplement des manières différentes, dont aucune n'était totalement mauvaise ou totalement bonne, et il n'y avait rien pour vous indiquer de quel côté de la ligne de démarcation vous vous trouviez.
- Promets-moi que tu t'entendras avec tout le monde. On n'a jamais trop d'amis.
La couleur de la peau ne dit rien de ce qu'on est.
Peut-être que c'est ça, la vie, après tout : une liste infinie de transgressions qui n'empêchent pas les joies mais simplement les recouvrent , les deux listes se mêlant et se confondant l'une l'autre, tous ces petits moments qui constituent la mosaïque d'une personne, d'une relation, d'une vie.
Pour Moody, ce genre d’existence était quasiment incompréhensible. Regarder les Warren vivre, c’était comme assister à un tour de magie aussi miraculeux que transformer une canette de soda vide en un pichet d’argent, ou que tirer une tourte fumante d’un haut-de-forme en soie. Non, pensait-il, c’était comme regarder Robinson Crusoé subsister à partir de rien. Plus il passait de temps avec Mia et Pearl, plus elles le fascinaient.