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Critiques de Barbara Cassin (58)
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Le Livre d'une langue

La première chose qui m’a frappée lorsque j’ai eu ce livre entre le main, c’est la beauté de l’objet-livre : somptueuse couverture, beau papier, photos et illustrations merveilleusement choisies et reproduites, insérées dans le texte avec inventivité et à propos. Sans oublier la mise en pages, la typographie, les petits détails, comme cette salamandre malicieuse, emblématique de François Ier que l’on retrouve régulièrement au fil des pages. Le genre d’ouvrage que l’on a plaisir à regarder, feuilleter, à avoir dans sa bibliothèque. Mais aussi à parcourir, à lire, à découvrir, tant les noms et fonctions des différents contributeurs éveillent l’intérêt et l’envie.



Le contenu, les textes, ne déçoivent pas les attentes suscitées par le bel écrin. Le livre a été conçu à l’occasion de l'ouverture de la Cité internationale de la langue française au château de Villers-Cotterêts. Et c’est de la langue française que traite Le livre d’une langue, par différentes clés d’entrée, et au-delà des langues en général. Après une présentation du projet de la Cité internationale de la langue française accompagnée de belles phots de la restauration du château de Villers-Cotterêts nous entrons dans le vif du sujet. Nous abordons d’abord quelques étapes clés de la formation et de l’évolution du français, en accordant comme il se doit une grande place à François Ier et à l’ordonnance de Villers-Cotterêts : tous les actes officiels, tous les jugements seront désormais écrits en français et non plus en latin, le français étant censée être compris par tous. Mais d’autres étapes sont évoquées, aussi bien en France que dans les pays francophones, par exemple la lutte avec les langues régionales et les patois, particulièrement vive pendant la Révolution. La conception de la langue française et son évolution passent aussi par des institutions, telles que l’Académie Française et la Bibliothèque Nationale. Mais il y a aussi l’envie de transgresser les règles, de jouer avec la langue, d’en faire un instrument vivant, au service de la création et d’un usage décomplexé par les locuteurs dont on nous donne des exemples, comme l’Oulipo.



Le français a aussi la spécificité d’être une langue « monde » utilisée majoritairement par des locuteurs qui ne sont pas Français : ces derniers n’en représentent plus en effet qu’un peu plus du quart actuellement. La question de la diffusion et de l’utilisation du français est replacée dans un contexte historique, en particulier européen, puis celui de la colonialisation. D’une langue de domination, elle a pu aussi devenir une langue d’émancipation, « un butin de guerre » selon l’expression de Kateb Yacine. Ce qui nous amène à la question de la francophonie, évoquée sous différents aspects.



C’est juste un aperçu de différentes questions abordées dans l’ouvrage, il est impossible de tous les citer. Cela pourrait donner le sentiment d’un « zapping », d’un passage rapide d’une thématique à une autre. Mais ce n’est absolument pas le cas. Car l’ouvrage a visiblement été pensé pour donner un panorama raisonné, ce que l’on réalise après une lecture complète. Il semble surtout s’attacher à questionner, à poser des problématiques fondamentales. Comme celle du lien entre la nation, la nationalité et la langue ou celle du lien entre langue et politique. Et bien évidemment du devenir du français dans un monde globalisé, domine par le « globish », dérivé de l’anglais. Sans oublier les évolutions des langues liés au développements de l’IA.



Le livre d’une langue ne fournit pas de réponses toutes faites mais donne plutôt une pluralité de points de vue et d’approches, pas toujours consensuelles, mais de par cette richesse et diversité permettant un questionnement personnel du lecteur, qui peut se forger son propre point de vue. Et des repères bibliographies et ressources, en particulier en ligne, permettent de continuer la réflexion. Avant peut-être d’aller découvrir la Cité internationale de la langue française in situ.



Un grand merci à Babelio et aux Editions du Patrimoine de m’avoir offert ce bel ouvrage, avant une rencontre avec Barbara Cassin, qui en dirigé la publication.
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Le bonheur, sa dent, douce à la mort

De l'anecdote à l'idée. Voilà ce qu'essaie de cerner dans cette autobiographie philosophique de cette écrivaine et philosophe exceptionnelle qu'est Barbara Cassin qui a longuement travailler sur les Sophistes.



Une autobiographie littéraire et philosophique au fil de laquelle l'auteure déroule la construction du souvenir et de l'identité. Pourquoi ce souvenir agréable ou douloureux ?



Une autiobiographie construite autour de phrases qui l'ont marquée, et dans laquelle les anecdotes les plus banales a priori mènent à la réflexion profonde et philosophique.



"Je me souviens, je ne me souviens pas. Il y a tant de charme, mais aussi tant de ruse dans ce dont on choisit de se souvenir. Ces phrases sont comme des noms propres, elles titrent les souvenirs. Quand j'en parle, quand je parle, je comprends pourquoi et comment elles m'ont fait vivre-et-penser. Si dures soient-elles parfois, elles donnent accès à la tonalité du bonheur."



Un livre qui fait du bien à l'âme et au coeur!
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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La nostalgie : Quand donc est-on chez soi ?

Installée en Corse, île avec laquelle l’auteure n’avait aucun lien, Barbara Cassin en vient à s’interroger sur ce qu’est le chez soi, le sentiment d’appartenir à un lieu. Et cela entraîne la question de déracinement, de manque de ce lieu que l’on considère comme le chez soi, et son corollaire, la nostalgie. Elle rappelle que c’est un terme relativement récent, apparu seulement au XVIIe siècle en Suisse, et qui était ressenti comme une sorte de maladie, celle qu’éprouvaient les fameux gardes suisses, mercenaires dans des pays étrangers.



Barbara Cassin aborde son sujet sous trois angles. Elle évoque dans un premier temps Ulysse, son voyage vers chez lui : « La nostalgie, c’est ce qui fait préférer rentrer chez soi, quitter à y trouver le temps qui passe, la mort et, pire la vieillesse, plutôt que l’immortalité ». C’est le choix d’Ulysse. Mais Barbara Cassin interroge ce retour, au combien célèbre. Ulysse revenu n’est pas reconnu, sauf par son chien. Il doit retrouver sa place, son identité, la prouver, la reconquérir, non seulement contre les prétendants, mais aussi dans le coeur des êtres qui lui sont chers. Mais l’histoire d’Ulysse ne s’arrête pas à ce retour : il doit repartir, et trouver un endroit qui ne connaît pas la mer, qui ignore ce qu’est une rame, pour pouvoir vraiment vaincre le ressentiment de Poséidon. Dante d’ailleurs, le place dans son Enfer, en rapportant une autre légende : Ulysse serait reparti, il aurait tenté de franchir l’infranchissable, les colonne d’Hercule. Et pour ce goût démesuré de l’ailleurs absolu, il est puni à tout jamais. Le chez soi d’Ulysse est peut-être le voyage, autant que son île d’Ithaque.



Le deuxième exemple est Enée, celui qui a perdu définitivement son chez soi, et qui erre pour en trouver un autre. Barbara Cassin met l’accent sur un détail, mais qui n’en est pas un, celui de la langue. Pour avoir sa place en Italie, le héros doit renoncer à sa langue, et adopter celle des habitants originaire du Latium. C’est à ce prix qu’Héra se résout à le laisser fonder sa lignée. Et qui pose la question de la langue : qu’est-ce qui fait que l’on se sent chez soi, est-ce un lieu, des proches, ou une langue ?



Questionnement développé dans la troisième partie, qui évoque Hannah Arendt. Qui après des décennies d’exil, surtout aux USA, dit que ce qui reste de son existence d’avant, c’est la langue. Elle opère une distinction entre la langue, et une patrie associée à un peuple. L’allemand n’appartient pas qu’aux Allemands. Et la langue allemande, telle que les nazis se l’ont appropriée, est un dévoiement, une non-langue. Barbara Cassin insiste sur la pluralité des langues, sur la complexité et la richesse de ceux qui parlent plusieurs langues, qui ont à leur disposition plusieurs visions du monde et place à l’avant garde, les exilés, comme Hannah Arendt. L’auteure conclut : « Quand donc est-on chez soi ? Quand on est accueilli, soi-même , ses proches et sa, ses langues ».



Petit résumé d’un texte très riche et assez essentiel tout en étant très accessible.

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Le Livre d'une langue



Un chef d’œuvre réalisé sous la direction de Barbara Cassin, un parcours dans toutes les facettes de notre langue nationale et internationale, qui touche des domaines aussi variés que la culture, la politique, la justice, la littérature, une langue à tous les niveaux de la société, écrite et parlée, même dans le livre - oui ! c’est la surprise, vous pourrez y entendre des voix. Un voyage historique de l’Ordonnance de Villers Cotterêts (1539) signée par François 1er au « butin de guerre » ou « butin de paix » tel que le considèrent certains francophones, un voyage culturel allant de Clément Marot à Kerry James, un voyage géographique, le français est une des rares langues (moins de dix dans le monde) à avoir traversé les océans, un voyage sociologique où le français exprime autant la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme que la révolte contre ceux qui s’en réclament sans en appliquer les principes, une aventure linguistique – l’ouvrage fait une démonstration magistrale de l’évolution du français dans le temps et dans l’espace.

Les nombreuses illustrations s’intègrent parfaitement au texte. La lecture d’un QR code permet de découvrir comment François 1er s’exprimait, le timbre de Jeanne d’Arc (cette fois, c’est nous qui entendons sa voix !), d’Alexandre Dumas, ou de retrouver d’autres voix plus contemporaines.

J’y ajouterai l’importance donnée à la traduction, qui donne la possibilité à des lecteurs non francophones de découvrir les écrits français et comme le dit Umberto Eco cité par Beatrice Cassin, « La langue de l’Europe, c’est la traduction ». La traductrice que je suis ne peux qu’être d’accord !

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Le bonheur, sa dent, douce à la mort

Il s’agit d’une autobiographie, dans laquelle l’helléniste, membre de l’Académie Française, nous livre les étapes importantes de son parcours, de manière subjective. C’est une autobiographie de philosophe, c’est à dire les idées, les choix conceptuels sont aussi importants que les événements. En réalité Barbara Cassin montre que les deux sont liés intimement : un certain rapport au monde, un choix préside aux deux. Elle a choisi de s’intéresser aux sophistes, a une défiance vis-à-vis de Platon, mais aussi un rapport à la vérité, au choix de l’unique dans sa vie de femme, d’être humain qui sont en accord. Peut-être qu’une personnalité, des choix viscéraux, une manière d’être au monde déterminent des choix philosophiques, sans que forcément on en soit conscient. Quitte à bâtir ensuite des démonstrations « rationnelles ». Mais on sait que n’importe quel point de vue peut être défendu de manière logique et convaincante du point de vue de la raison, et que cela n’est pas une garantie de véridicité.



L’auteur évoque aussi un certain nombre d’événements, de personnes qui ont comptées pour elle, sans forcément faire le récit de sa vie d’une manière construite et continue : c’est plutôt un choix d’épisodes et de personnes essentielles. La famille, les amis, les proches, une vie en dents de scie, où rien ne semble avoir été construit de manière programmée et volontaire : des coïncidences heureuses, des rencontres. Bien qu’elle ait raté de nombreuses fois l’agrégation de philo, qu’elle a occupé des postes dans l’enseignement secondaires peu prestigieux, à un moment les choses s’enclenchant et elle finit par être reconnue et même entrer à l’Académie Française, sans plan de carrière. Au contraire d’une vie linéaire, tendue vers un seul but, Barbara Cassin décrit une existence tout en volutes, en opportunités, vagabonde et libre.



La dernière partie du livre, qui évoque son mari défunt, est une très belle déclaration d’amour et de tendresse, qui ne tire pas trop sur la corde sensible : finalement le summum d’une existence réussie est de partir au bon moment, sans regrets, dans une sensation de plénitude. Cela apaise aussi ceux qui restent, et qui gardent comme un précieux talisman cette fin somme toute heureuse.

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Plus d'une langue

Ce texte est paru dans la collection « Les petites conférences ». Ces conférences sont organisées pour un jeune public, qui peut à l’issue de la conférence poser des questions. L’édition reprend le texte des conférence et un choix de questions-réponses.



Barbara Cassin évoque les langues, en partant de la langue maternelle à la pluralité des langues, à la richesse de posséder plus d’une langue, à l’importance de la traduction. Elle explique que les langues ne sont pas superposables, qu’elles ont chacune leur logique et leur spécificité, et que connaître deux ou plusieurs langues, c’est accéder à des visions du monde différentes. A conditions qu’elles soient des « vraies » langues, non seulement des outils de communication, mais aussi de création, d’invention. Tout le contraire de ce qu’elle appelle le « globish », cet ersatz d’anglais utilisé dans la communication internationale.



C’est simple et abordable, reprend des idées que Barbara Cassin développe de manière plus approfondie par ailleurs. C’est donc en effet destiné surtout à un jeune public, ou à des personnes qui ne connaissent pas vraiment ses écrits, comme une sorte de petite introduction.
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La nostalgie : Quand donc est-on chez soi ?

Barbara Cassin, dans cet essai passionnant consacré à la nostalgie, part d’une constatation personnelle. Pourquoi se sent-elle tellement chez elle en Corse, alors qu’elle est parisienne pure souche ? Pourquoi ce sentiment si fort ? Fort au point d’avoir fait enterrer son mari près de la maison qu’elle possède sur l’île ?



C’est à cette question émouvante qu’elle tente de répondre. Sa conclusion est que : « Quand donc est-on chez soi ? Quand on est accueilli, soi-même, ses proches et sa, ses langues. »



Ailleurs, elle dit « hospité », soit reconnu comme hôte.



Auparavant Barbara Cassin nous aura entraînés sur les traces d’Ulysse, le héros du retour par excellence ; sur celles d’Enée, l’exilé et sur celles d’Hannah Arendt pour qui la patrie est sa langue allemande.



Elle montre que l’enracinement et le déracinement vont de pair. Nous apprenons aussi que le mot « nostalgie » n’est pas grec contrairement aux apparences. C’est un mot suisse allemand inventé en 1678 par un médecin, Jean-Jacques Harder pour dire le mal du pays dont souffraient les mercenaires de Louis XIV.



L’essai de Barbara Cassin, philosophe spécialiste de l’Antiquité, est érudit, mais parfaitement abordable. De larges citations d’Homère, de Virgile et d’Hannah Arendt permettent de se replonger dans ces textes magnifiques et de démêler ce sentiment complexe de la nostalgie qui oscille entre « Heimweh », mal du pays, désir du retour, et « Fernweh », mal du lointain.

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Le bonheur, sa dent, douce à la mort

Je tiens d'abord à remercier les éditions Fayard et la Masse critique de Babelio qui m'ont permis la découverte du livre de Barbara Cassin, " Le bonheur, sa dent douce à la mort "



Dans cette Autobiographie philosophique, l'auteur va nous permettre de mieux comprendre ce qu'est finalement la philosophie et surtout nous faire connaître quel est son chemin personnel en lien avec elle. B. Cassin a eu une enfance heureuse entre deux parents peintres. Elle écrit qu'une des grandes différences entre la peinture et la philosophie est l'endurance. Elle peut s'arrêter quand quelque chose d'inattendu apparaît sur la toile alors qu'en philosophie, elle continue, elle cherche et persiste encore...

Elle a appris de ses parents qu'aimer, c'est ouvrir le champ des possibles. Elle relate le souvenir suivant: petite, elle se réveille la nuit, descend seule de son lit puis se rend à la cuisine d'où lui parviennent des voix. Quelqu'un la prend sur ses genoux et la câline. Elle retourne dans son lit et se rendort. Le bruit des voix la réveille à nouveau un peu plus tard. Elle retourne dans la cuisine où elle est ré-accueillie et rassurée. Elle se rendort "d'une grande goulée de sommeil". Une troisième fois, elle se réveille, se dit que ce n'est pas raisonnable, que c'est trop puis se décide et rejoint ses parents dans la cuisine. Ils l'ont prise avec tendresse dans leur bras puis l'ont recouchée en douceur. De ce moment fondateur, elle retient qu'elle est aimée inconditionnellement par ses deux parents et qu'aimer et être aimée ouvre la porte de tous les possibles.



Dans ce livre, nous apprenons que l'auteure partageait avec son amant, compagnon et mari, Etienne Legendre , la passion du cheval . La première chose qu'il lui a apprise, c'est de regarder et voir avec les yeux du cheval.

Cela peut non seulement permettre de sauter un obstacle mais aussi de porter un regard différent et prendre de la hauteur dans sa vie. Son livre rend un hommage à Etienne Legendre, son mari, mort d'une tumeur au cerveau.

Le titre de son ouvrage, "Le bonheur, sa dent douce à la mort" met en évidence sa connivence avec l'amour, la gaieté et la mort qui se côtoient avec grande intensité dans un seul et même moment.



Barbara Cassin a un nombre d'engagements un nombre de responsabilités nombreux et variés.

Sa spontanéité et sa liberté de pensée vont la conduire à explorer la philosophie en lien avec la psychanalyse et sortir des sentiers battus dans ses explorations et publications.



L'écriture de l'auteure et surtout l'organisation de son livre peut perturber le lecteur mais nous apprenons à la connaître et à mieux comprendre sa vision de la philosophie. Barbara Cassin va intervenir en Afrique du Sud dans le cadre d'une mission pour le CNRS . Lors de celle-ci, elle va être tout particulièrement confrontée au sens du Pardon et à la Vérité . L'Apartheid a effectivement marqué durablement les âmes et les hommes.

Elle retient de son expérience comme philosophe et éditrice, une prise de distance, une paix dans le jugement:



" C'est pourquoi politique et esthétique sont liées à mes yeux. La culture ça s'apprend. La beauté du monde, ça s'apprend aussi. S'il existe un devoir politique, c'est de les enseigner, c'est-à-dire d'ouvrir des possibles. "



En fait tout au long de son autobiographie philosophique, elle examine les évènements les plus marquants de sa vie à la lumière de sa passion du langage, des mots et de la philosophie.

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Le bonheur, sa dent douce à la mort

Je tiens d'abord à remercier les éditions Fayard et la Masse critique de Babelio qui m'ont permis la découverte du livre de Barbara Cassin, " Le bonheur, sa dent douce à la mort "



Dans cette Autobiographie philosophique, l'auteur va nous permettre de mieux comprendre ce qu'est finalement la philosophie et surtout nous faire connaître quel est son chemin personnel en lien avec elle. B. Cassin a eu une enfance heureuse entre deux parents peintres. Elle écrit qu'une des grandes différences entre la peinture et la philosophie est l'endurance. Elle peut s'arrêter quand quelque chose d'inattendu apparaît sur la toile alors qu'en philosophie, elle continue, elle cherche et persiste encore...



Elle a appris de ses parents qu'aimer, c'est ouvrir le champ des possibles. Elle relate le souvenir suivant: petite, elle se réveille la nuit, descend seule de son lit puis se rend à la cuisine d'où lui parviennent des voix. Quelqu'un la prend sur ses genoux et la câline. Elle retourne dans son lit et se rendort. Le bruit des voix la réveille à nouveau un peu plus tard. Elle retourne dans la cuisine où elle est ré-accueillie et rassurée. Elle se rendort "d'une grande goulée de sommeil". Une troisième fois, elle se réveille, se dit que ce n'est pas raisonnable, que c'est trop puis se décide et rejoint ses parents dans la cuisine. Ils l'ont prise avec tendresse dans leur bras puis l'ont recouchée en douceur. De ce moment fondateur, elle retient qu'elle est aimée inconditionnellement par ses deux parents et qu'aimer et être aimée ouvre la porte de tous les possibles.



Dans ce livre, nous apprenons que l'auteure partageait avec son amant, compagnon et mari, Etienne Legendre , la passion du cheval . La première chose qu'il lui a apprise, c'est de regarder et voir avec les yeux du cheval.

Cela peut non seulement permettre de sauter un obstacle mais aussi de porter un regard différent et prendre de la hauteur dans sa vie. Son livre rend un hommage à Etienne Legendre, son mari, mort d'une tumeur au cerveau.

Le titre de son ouvrage, "Le bonheur, sa dent douce à la mort" met en évidence sa connivence avec l'amour, la gaieté et la mort qui se côtoient avec grande intensité dans un même moment.



Barbara Cassin a un nombre d'engagements, un nombre de responsabilités nombreuses et variées.

Sa spontanéité et sa liberté de pensée vont la conduire à explorer la philosophie en lien avec la psychanalyse et sortir des sentiers battus dans ses explorations et publications.



L'écriture de l'auteure et surtout l'organisation de son livre peut perturber le lecteur mais nous apprenons à la connaître et à mieux comprendre sa vision de la philosophie. Barbara Cassin va intervenir en Afrique du Sud dans le cadre d'une mission pour le CNRS . Lors de celle-ci, elle va être tout particulièrement confrontée au sens du Pardon et à la Vérité . L'Apartheid a effectivement marqué durablement les âmes et les hommes.

Elle retient de son expérience comme philosophe et éditrice, une prise de distance, une paix dans le jugement:



" C'est pourquoi politique et esthétique sont liées à mes yeux. La culture ça s'apprend. La beauté du monde, ça s'apprend aussi. S'il existe un devoir politique, c'est de les enseigner, c'est-à-dire d'ouvrir des possibles. "



En conclusion, dans son autobiographie philosophique, elle examine les évènements les plus marquants de sa vie à la lumière de sa passion du langage, des mots et de la philosophie.



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Le bonheur, sa dent, douce à la mort

Madame Cassin n’était sans doute pas assez sage pour n’aimer que la sagesse, ce qu’elle s’est démontré en échouant plusieurs fois, avec obstination, à l’agrégation de philosophie. Le génie mais pas le talent, lui a dit un examinateur. Autre handicap pour une apprentie philosophe : la vérité ne l'intéressait guère, elle s'en explique. Mais elle aimait les mots en toutes langues, qui l’ont sauvée. Son « dictionnaire des intraduisibles », sous-titre du « Vocabulaire européen des philosophies » dont elle a été pendant quinze ans la sage-femme obstinément – encore - penchée sur sa brèche accouchante, restera comme sa grande déclaration d’amour à la parole, aux idiomes, à l’humanité.

Son « autobiographie philosophique » prend un titre rimbaldien : « Le bonheur, sa dent douce à la mort ». On sait ce que les philosophes doivent aux poètes : l’audace et la force des collisions qui explosent la langue et autorisent de nouveaux assemblages qu’ils nomment « concepts ». Le parcours de vie de madame Barbara Cassin est étourdissant, comme une suite d’explosions. Rien n’y semble prémédité, sinon d’avoir toujours su saisir le kairos, le moment qui donne et à qui on se donne entièrement, en choisissant de préférence les « entrées interdites » du Temps.

Des mille expériences vécues par l’académicienne, si peu académique qu'elle ose conjuguer le verbe "beurker", on retiendra sa contribution à la Commission Vérité et Réconciliation conduite par Nelson Mandela et Desmond Tutu. Elle y a reconnu une nouvelle fois « le pouvoir du langage ». La première fois, ç’avait été en intervenant comme professeur de français auprès d’adolescents psychotiques, sous l’égide de Françoise Dolto. C’est à coup de mots grecs qu’elle leur avait fait entrevoir leur langue maternelle.

Ce récit autobiographique se lit comme le roman époustouflant d’une femme qui détestait l’Un et lui a toujours préféré l’Autre, les autres, infidèlement fidèle dans sa tour de Babel multilangues. Chaque page rebondit sur la précédente pour mieux sauter sur la suivante, dans un apparent désordre qui est celui de la Vie quand on s’y tient, sans chercher rien d’autre qui vaille mieux que ce parcours d’obstacles - voire d’arrêts - arrêts dont elle fait aussi l’éloge paradoxal.

Le dernier chapitre consacré à Étienne, le compagnon de son existence, le père de ses deux enfants, n’est pas le moins beau. La barrière est plus haute. Il y est question de chevaux et de morts, cette mort que, paraît-il, nous envieraient les dieux grecs du haut de leur éternité lassée. Pour l’écrire, Madame Cassin, cavalière d’elle-même, a sans doute pris le mors aux dents et, une nouvelle fois, ne se dérobe devant rien.
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L'effet sophistique

Les mots sophisme ou sophistiqué puisent dans le grec « sophia », la sagesse. Et ça suffit à mettre la philosophie hors d'elle. Voilà donc Sophia faisant figure d'infidèle ; avant Hélène, la belle infidèle, et avant Barbara Cassin, notre guide ici, philosophe et helléniste.



L'enquête tente de caractériser son objet, c'est le jeu. Il y aura une première sophistique présocratique et une seconde gréco-latine, etc… Or, c'est un paradigme de la sophistique de contester l'identité, y compris celle qu'on tenterait de lui assigner ici ;-)



Mais on peut faire directement l'expérience de cet effet sophistique. 700 pages à lire, ça laisse du temps ! Et on n'aura pas à chercher les références, car les textes anciens sont livrés pour l'occasion à la fin des chapitres.



Commençons par le coup de coeur et le premier choc philosophique de Barbara Cassin : l'Eloge d'Hélène et le Traité du non-être de Gorgias, l'orateur, le sophiste ou le rhéteur, comme vous voudrez.



Ça fait tellement de bien de sous-déterminer l'importance de Platon et d'Aristote ; d'inclure ce qu'ils ont tenté de forclore et écouter les sophistes que le Socrate de Xenophon comparait à des « putains ».

En un mot, entendre que « ce n'est pas le discours qui commémore le dehors, c'est le dehors qui devient révélateur du discours »



L'être est être, le non-être n'est pas. etc… Non, sérieusement, même Platon ne pouvait plus supporter ce genre de proposition parmideenne.

Mais c'est notre Gorgias qui démontre que l'être n'est qu'une décision, un effet de dire, une création du langage. Et sa logologie est savoureuse.



Gorgias (résumé) : “Rien n'est,

Si c'est, c'est inconnaissable

Si c'est et que c'est connaissable, c'est incommunicable.”



Catastrophique diront certain.e.s. Je dirai que c'est une question de goût. Celles et ceux qui veulent crier au loup, trouveront du solide avec Aristote.



« Ceux qui ne parlent pas sont des plantes ». Mais Aristote se fiche pas mal des plantes ou de la nature de l'homme. Son jugement devait seulement servir à exclure ceux qui, selon lui, parlent pour ne rien dire. Exclure au nom d'une différence de nature entre les hommes : là c'est moi qui éprouve le plus profond dégoût.



La réponse d'Aristote à Gorgias est-elle le dernier mot de l'histoire ?

Parler c'est dire quelque chose

C'est-à-dire signifier quelque chose

C'est-à-dire signifier une seule chose pour soi-même et pour autrui.



Barbara Cassin ne laissera pas ce mot d'ordre sans critique, et j'aurais pu la suivre jusqu'au bout, sans son insoutenable relativisme vis-à-vis du “banalement génial constat” d'Aristote qui décide que le discours est le propre de l'homme.



Que sait Barbara Cassin des animaux ?



Je réalise maintenant que tout ce que j'ai lu jusqu'à ce jour sur la soi-disant exceptionnalite humaine a d'abord servi à décider des différences de nature entre les hommes.



Ce qui nous ramène au choc Heiddeger : ou comment la logologie sophistique contredit l'ontologie. Barbara Cassin doit en tirer les conséquences : l'ontologie, comme logique identitaire de l'enracinement et de l'exclusion, passe par Parmenide, Platon, Aristote et Heidegger… le philosophe qui adhéra à l'idéologie nazie.



Elle le savait, comme presque tout le monde. Mais d'où vient la fascination pour son ontologie ? Dans un podcast de Radiofrance, l'auteure raconte comment, un jour dans un bureau de poste après la guerre, un homme juif lui a craché au visage, apparemment pour lui reprocher violemment cette proximité avec Heidegger.



On revient toujours à Hélène. Dans l'Eloge, elle n'est ni plus ni moins que le non-être. Elle est ce qu'on en dit. Coupable ou innocente.

Ou plus facilement, on peut aussi verser tout cela “au compte de la féminité, de la sexualité, de l'altérité, de la marge, et des autres avatars de la différence.”



Antiphon est encore un autre “paradigme de la contestation sophistique de l'identité”. Orateur ou sophiste, oligarque ou démocrate, comme on veut ; certains l'ont même dédoublé en deux personnages pour trouver de force un brin de cohérence.



Mais si l'effet sophistique est précisément de faire la différence, alors Antiphon est très cohérent : « Tous, en tout, de la même manière, nous nous trouvons naturellement faits pour être barbares et grecs ».



D'ailleurs, y a t'il une nature ? C'est ce qui n'est pas qui est à même de pousser.

Voilà encore le genre de réponse que nous devons à Gorgias dans son fameux traité, dont il faut souligner maintenant le titre complet : “Sur le non-étant ou sur la nature”.

Pas de Nature, pas de différence de nature.



Barbara Cassin : “le physique que la parole découvre fait place au politique que le discours crée.”



C'est la logique sophistiquée des “Tétralogies” d'Antiphon : “il n'est rien - fait, loi, témoignage - qui ne puisse servir à des fins contraires, parce qu'il n'est rien qui subsiste non contradictoirement, rien qui possède une identité en soi, hors discours”.



Ou selon Protagoras rapporté par Platon : “celui qui ne feint pas d'être juste est fou”.



On les sent depuis le début: “Les sophistes, penseurs du politique : de ses conditions logiques de possibilité, et de son irréductibilité au physique, à l'ontologique, à l'éthique.”



Question suivante: “Peut-on prétendre être sérieusement pour le consensus et pour le changement?”



Au passage, je glisse vers la sophistique latine avec l'orateur Aelius Aristide. Dans son Éloge de Rome aux romains, on doit tenter de repérer “le passage de la communion à l'invention, de la liturgie au « happening »”



L'auteure résume la liturgie : “Rome, c'est l'être. Avec Rome, la sphère de Parmenide se physicalise en terre entière “



Mais, pour Aelius Aristide, qu'on prétend pourtant flatteur, ce monde n'est jamais qu'un « enclos bien nettoyé », et toute la terre est comme un jardin d'agrément. Ou encore un choeur (terrifiant) où tout s'exécute au doigt et à l'oeil.



La liturgie est toujours en train de fuir. On trouverait des traces d'anti-Platon chez Platon, d'anti-Aristote chez Aristote, et sûrement d'anti-Heidegger chez Heiddeger. Et ça commence peut-être par vouloir mélanger les choses comme lors d'un pique-nique entre amis.



On vient de voir que la métaphore est un moyen de passer au “happening”. Or, maintenant on reproche à la métaphore de fabriquer ces mots qui ne cessent de manquer, parce que c'est la logique d'Aristote, sa Métaphysique, sa Poétique. Mais je me fiche de sa logique. Car si on laisse vraiment filer la métaphore, je crois qu'on ne maîtrise plus rien, et là ça devient franchement drôle.



"L'efflorescence des genres nouveaux” peut bien être l'effet d'une seconde sophistique. Malgré tout, Philostrate, comme Quintilien, Galien ou Lucien ne m'ont pas fait beaucoup d'effet. Et je ne parviens pas à croire que l'aristotélisme soit une détermination si puissante que l'épanouissement de la littérature n'en serait qu'un effet secondaire.



Les expressions « Nous, modernes » ou « Nous tous, aristotéliciens » de Barbara Cassin sont du côté de la liturgie, de la crise identitaire.



J'avoue avoir été distrait en tapant sophisme sur internet. “Sophistry is ChatGPT's greatest skill”…”sophismes hallucinants”…”quintessence du sophisme.”

ChatGPT est un genre de “sophiste” que l'auteure (en 1995) ne pouvait pas prévoir.



En revanche, ce livre devait tôt ou tard déboucher sur la psychanalyse. En effet, comme les sophistes, les psychanalystes ne vendent-ils pas, et toujours trop cher, leur savoir-faire discursif ?



“Freud pousse à tel point l'aristotélisme qu'il en devient sophiste”. D'un côté, “le domaine du sens est étendu à l'infini de sorte qu'y puisse rentrer ce qui fut toujours, plus ou moins lourdement, considéré comme insensé.”

Et en même temps le sophisme dit “la vérité du désir”.



Terminons par ce curieux « sophisme de la jouissance ». Ou comment Barbara Cassin aborde Lacan, abordant la jouissance féminine, à partir des trois thèses du fameux traité du non-être de notre grand Gorgias ?



-Rien n'est, ou : elle ne jouit pas…

-Si c'est, c'est inconnaissable, ou : « il y a une jouissance à elle, à cet elle qui n'existe pas et ne signifie rien. Il y a une jouissance à elle, dont peut-être elle-même ne sait rien, sinon qu'elle l'éprouve - ça, elle le sait »

-Si c'est et si c'est connaissable, c'est incommunicable ou : si elle jouit, et si elle le sait, elle ne peut pas le dire.
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Le bonheur, sa dent, douce à la mort

Une philosophe bien dans sa peau, qui veut partager son bonheur (malgré des deuils douloureux) Sa vie est riche tant sur le plan familial que professionnel. Un plaisir de la rencontrer, de l'écouter puis de la lire; il me semble que c'est mieux si on a un peu de culture philosophique et de grec ancien. Facile à lire dans l'ensemble et donne envie de creuser. Elle a fait des expériences pédagogiques avec des enfants de maternelle, des psychotiques et des lacaniens!! Elle a de l'humour. J'ai beaucoup aimé cette lecture qui m'a fait regretter d'avoir abandonné la philo. Elle est à peine plus jeune que moi et nous avions des profs en commun; elle peint aussi comme son père, sa mère et son mari.
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Le Livre d'une langue

Le livre d’une langue est le catalogue de la Cité internationale de la langue française inaugurée fin octobre 2023. Sous la direction de l’académicienne, Barbara Cassin, l’ouvrage détaille en trois parties les aspects historiques, linguistiques et géographiques de la langue française propos soutenus par beaucoup d’illustrations. Le livre d’une langue est aisé d’approche et très agréable à découvrir.



Sixième langue parlée dans le monde, le français a régressé dans le monde depuis le début du XXè siècle. Car, l’anglais est depuis déclaré langue internationale. En 1970, l’OIF est une organisation, regroupant des pays francophones, qui vise à promouvoir la coopération culturelle et linguistique entre les nations francophones.



La création de la Cité internationale de la langue française s’inscrit dans l’optique de cette préservation du patrimoine. Aussi le choix du lieu ne fut pas anodin. Le château de Villers-Cotterêts fut le lieu, en 1539, de la signature par François 1er d’une ordonnance rendant la langue française et son usage obligatoire dans l’administration et les tribunaux.



Le livre d’une langue reprend tout cet historique en présentant l’intervention d’éminents collaborateurs pour conter l’évolution historique (Bernard Blistène, Dany Laferrière, Xavier North, etc.). La seconde partie explique la spécificité linguistique et l’organisation de sa préservation. Il est à noter que Hélène Carrière d’Encausse y a contribué. La dernière partie situe à la fois la langue française dans le monde mais aussi les apports étrangers à sa constitution.



Pour chaque chapitre, l’auteur est présenté brièvement, resituant rapidement la contribution apportée. Les illustrations sont nombreuses et de grande qualité, en rapport étroit avec ceux exposés dans le musée. Néanmoins, Le livre d’une langue est facile pour permettre une vulgarisation du contenu. Il est très attrayant et agréable à lire.



Le livre d’une langue est un beau livre facile à découvrir qu’on aimera rouvrir de nouveau pour s’y replonger avec plaisir. Les contributeurs sont divers ce qui rend la lecture de ce catalogue très aisée. Un souci pédagogique indéniable est remarqué, et c’est à saluer ! À découvrir !



À noter que la lecture de QR-Code permet d’entendre parler le français à travers différentes époques et par différentes personnes connues.
Lien : https://vagabondageautourdes..
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Le bonheur, sa dent, douce à la mort

Barbara Cassin, de la famille du célèbre homme politique René Cassin (dont il ne sera que brièvement question), est directrice de recherche émérite au CNRS, et surtout philosophe… Je ne sais plus pourquoi j'ai eu envie au départ de lire cette autobiographie dont je vais vous parler aujourd'hui, le mot bonheur peut-être, en couverture, qui reprend un extrait d'un vers de Rimbaud… Et puis, il y a eu le passage de l'auteure à La Grande librairie, et l'admiration évidente des autres participants sur le plateau. de mon côté, et même si j'ai trouvé les derniers chapitres d'une grande tendresse, tournés vers sa famille, racontant les derniers jours de son mari, atteint d'un cancer, je suis totalement passée à côté de ce récit. Barbara Cassin raconte sa vie, son enfance près de parents peintres, ses études de philosophie, ses choix, ses enfants, sa vie auprès de l'homme qu'elle aimait. L'écriture de Barbara Cassin est rapide, comme si il y avait urgence à raconter, pleine de références philosophiques, bien sûr, mais pas seulement. Il y est aussi question de ses origines juives, de l'Odyssée d'Homère, et de René Char. Cependant, il m'a semblé que cette autobiographie était teintée au départ d'une étrange modestie, en regard de son statut actuel et des rencontres qu'elle fait tout au long de son parcours. Son écriture ne m'a pas permis d'être à l'aise non plus dans cette lecture, dans laquelle je n'ai pu m'appuyer malheureusement ni sur l'empathie, ni non plus sur des références qui, pour la plupart, m'échappaient. J'ai pourtant fait des études de Lettres, et Barbara Cassin fait indéniablement preuve d'une grande sensibilité et intelligence dans ses écrits. J'ai eu malheureusement le sentiment que ce livre n'était pas pour moi, que je n'en étais pas la cible, une bien étrange sensation.
Lien : https://leslecturesdantigone..
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La nostalgie : Quand donc est-on chez soi ?

"Quand donc est-on chez soi ?" demande Barbara Cassin, à partir de son sentiment d'exil loin de Corse, où elle n'est pourtant pas née, ni ses ascendants. Avec Ulysse, Enée, puis Hannah Arendt, elle invite à repenser ce que sont la patrie, l'étranger, l'hospitalité. Une pensée vivifiante et bouleversante.
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Plus d'une langue

Dans la lignée de Walter Benjamin, qui se fit l’interlocuteur des enfants par le biais radiophonique entre les années 1929 et 1932, Gilberte Tsaï reprend le flambeau des conférences destinées aux plus jeunes d’entre nous. Lumières pour enfants –voici le nom, en apparence prétentieux, derrière lequel elle désigne ces entretiens. Force est toutefois de constater que Gilberte Tsaï ne prend pas les enfants pour des idiots, et que contrairement à ce que pourrait laisser penser le nom de ces conférences, elle ne vise pas, en tant qu’adulte, à assener un savoir péremptoire et univoque. Les Lumières proviennent à la fois des adultes et des enfants, produisant le meilleur de leur éclat dans leur mise en commun.





Le livre se sépare en deux parties distinctes. La première permet à l’intervenant –ici Barbara Cassin- d’exposer son thème en une courte conférence. La deuxième s’ouvre sur un dialogue qui donne la possibilité aux enfants d’intervenir en questionnant l’intervenant. L’intégralité des questions posées a-t-elle été retranscrite dans ce livre ? Sans doute les plus pertinentes d’entre elles ont seulement été retenues, mais celles-ci révèlent bien l’esprit qui anime ces entretiens. Ouverture d’esprit, interrogation, étonnement : la réflexion cherche à éliminer toute impression d’austérité pour prendre la forme plus plaisante de l’échange social stimulateur de curiosité.





Ces quelques mots auraient suffi à me faire grincer des dents si je les avais lus avant d’ouvrir Plus d’une langue. Encore un ouvrage démago qui propose de la réflexion à petit prix ? Encore un ouvrage dévastateur qui, en prétendant porter la bonne parole des sciences et de la philosophie, finit de détruire le peu d’intérêt et de crédit qu’on veut bien attribuer à ces domaines ? Non. Sur le thème de la pluralité des langues, Barbara Cassin ne propose pas de théorie ni de système savants à l’emporte-pièce. Elle ne cherche pas à réduire son sujet : au contraire, elle pose des questions et les accompagne d’exemples qui permettront à chaque auditeur d’élaborer sa propre réflexion. Dans quelle langue rêvons-nous ? Que veut dire « apprendre une langue » ? En quoi distingue-t-on une langue maternelle d’une langue apprise plus tardivement ? Qu’est-ce qu’une langue nous apprend sur la civilisation et la culture de ceux qui l’utilisent ? On découvrira ainsi que cet acte de communication le plus basique qui consiste à saluer son prochain ne signifie pas la même chose selon si l’on est grec –« jouis ! », latin –« sois en bonne santé ! », arabe –« que la paix soit avec toi ! », ou français – « passe une bonne journée ! ». En usant d’autres exemples, Barbara Cassin nous montre que la langue fourmille d’indications étymologiques, historiques et politiques qui constituent autant de galeries secrètes qu’il ne reste qu’à nous d’explorer. Sa conférence nous en apprend suffisamment assez pour exacerber notre curiosité, mais pas assez pour nous repaitre –ce qui est mieux que de croire avoir tout compris, et ce qui peut donner envie d’en apprendre davantage par soi-même.





Proposée aux enfants mais destinée à tous, la conférence Plus d’une langue ne pâtit pas d’un langage volontairement réduit ou simplifié dans le mythe de la rendre plus accessible aux enfants. Les questions de ces derniers le montrent : ils constituent un public aussi compétent que les adultes à évaluer l’enjeu des questionnements qu’on leur adresse. Ne craignons pas de nous glisser parmi eux : l’émerveillement pour la richesse des langages peut survenir à tout âge.
Lien : http://colimasson.over-blog...
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Le Livre d'une langue

J'ai reçu ce livre de Babelio en vue de la rencontre avec Barbara Cassin.



Quel magnifique ouvrage !

Passionnée par les langues, je n'ai pas été déçue. Ce livre est un hommage à la langue française, mais aussi et surtout un ouvrage très documenté sur l'histoire, la politique, la grammaire, le rayonnement... du français, et j'ose dire que ce livre se lit comme un roman tant la somme et la qualité des informations qui s'y trouvent donnent envie d'en apprendre toujours plus. En effet, l'ouvrage est très instructif, et les illustrations sont très bien choisies, de qualité, et apportent toujours un petit supplément d'information sans pour autant se substituer au texte.

Petit "plus" amusant : les QR codes qui permettent d'écouter les voix de François Ier, Colette, Alexandre Dumas...

L'historique du bâtiment de la Cité internationale de la langue française est également très intéressante.



Voici un livre que je ne prêterai pas, "trop beau" pour cela !
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Plus d'une langue

Dans une collection qui propose de passionnantes "petites conférences", pour enfants mais adultes aussi, Barbara Cassin parle de sa passion pour les langues, expliquant que "passer d'une langue à l'autre, en apprenant, en traduisant, c'est s'aventurer dans une autre manière de faire passer le sens." Que cela enrichit notre façon de voir, et plus encore : qu'avoir plus d'une langue est la condition pour vraiment parler, penser, et être au monde tout simplement. (Et nous avons tous plus d'une langue si on n'oublie pas les dialectes et les langues régionales.)
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Comment vivre ensemble quand on ne vit pas ..

Cet opuscule, rédigé par un collectif d'anthropologues français et paru en 2016, résulte d'un projet éducatif dans un lycée d'Aubervilliers, en banlieue parisienne. Il recense vingt questions délicates auxquelles les auteurs apportent des réponses claires. On démarre par la définition du rôle des anthropologues, puis on continue avec les mythes et religions, avec l'intégration individuelle dans une culture différente, et on finit sur les valeurs portées par notre République.

Evidemment, les auteurs prennent des positions qui sont nettement en opposition à la xénophobie et en faveur de l'accueil des cultures différentes dans notre pays. Ils se présentent comme des scientifiques, qui savent de quoi ils parlent. Mais ils se veulent, aussi, des acteurs qui cherchent à promouvoir le vivre-ensemble dans une France qui parait de plus en plus divisée. Peut-on croire que ce type d'action saura apaiser les réactions de rejet (réciproque) et les peurs qui se répandent en France ?

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Le bonheur, sa dent, douce à la mort

En d'autres lieux (Jacques le Sophiste : Lacan, logos et psychanalyse) ), Barbara Cassin s'est présentée comme « femme-philosophe ».

Dans son dernier livre au titre inspiré par Rimbaud, elle nous propose une « autobiographie philosophique », « un chant d'amour ».

Elle le dédie à ses deux fils comme « une manière de leur donner de la liberté ».



On le sait, Barbara Cassin est une spécialiste des présocratiques et de la sophistique grecque. Mais ici, même si elle revisite les étapes de ses recherches et de sa vie, elle affirme encore et encore que philosopher, c'est mettre des mots sur les actes, les choses, les êtres pour les faire vivre.

En résumé : comment passe-t-on de la vie à la pensée ? de l'anecdote à l'idée ?

Rien de dogmatique. Rien d'ennuyeux.



Les mots pour elle sont essentiels. Elle y a consacré son existence. Aux mots rares. Aux mots intraduisibles. Aux mots qui « éveillent » et « réveillent », comme elle le raconte dans une anecdote.



Si on la lit, si on la connaît, on retrouvera ici de nombreux épisodes de sa vie évoqués ailleurs. Ses amours avec René Char, sa rencontre ratée avec Lacan, ses activités auprès d'enfants handicapés, son amour de la Corse, ses entreprises universitaires ou pluridisciplinaires.



Mais c'est l'épilogue de ce livre qui donne une tonalité émouvante à ces 244 p. qui se parcourent en apnée, avec admiration et parfois agacement, car Barbara Cassin réussit tout, même à être une cavalière d'exception et une artiste peintre de talent. Elle a pourtant échoué à l'agrégation plusieurs fois, mais elle avoue que les échecs peuvent être féconds, et même souhaitables. Il vaut mieux ne pas aboutir et continuer à chercher.

Il vaut mieux préférer l'altérité à l'Un.

Il faut connaître « plus d'une langue », comme elle l'a fait graver sur son épée d'académicienne. Plus d'une langue pour savoir celle que l'on parle.

Et mentir souvent, mais en laissant des « traces de son mensonge pour que la personne à qui je mens puisse savoir que je mens, et donc que je ne lui mens pas. »



Et enfin Barbara Cassin dit que des épreuves peut naître le bonheur.

Dans son cas, c'est la maladie et la mort de son mari aimé qui lui ont permis paradoxalement de répondre à la question : « Qu'est-ce qui donne de la joie ? ».

« Nous étions incroyablement heureux, alors qu'il était mourant. C'est fou. Mais ce n'est pas fou du tout : cela tient à la perception de ce qu'est, un autre ».



D'où le titre rimbaldien choisi pour ce livre « le bonheur, sa dent douce à la mort ».





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