Citations de Agnès Martin-Lugand (1238)
On doit tous mourir un jour. Je pensais simplement avoir plus de temps. Quarante-trois ans, c'est assez peu au bout du compte. J'allais devoir m'en contenter. Qu'y pouvais-je ? Rien. Plus personne n'y pouvait rien.
- Maman, à quoi penses-tu ?
Elle s'enroula au-dessus de moi. Elle me couvrait de sa tendre douceur;
- A rien, mentis-je. Je regarde la mer.
Joshua m'avait toujours extraite de la réalité et il le faisait encore.
Je lui devais une qualité ; elle m'avait rendu insupportable. D'une certaine manière, j'avais la paix. Toutes les personnes dont je m'étais encombré au fil des années avaient fini par s'éloigner. Avais-je voulu d'elles, d'ailleurs ? Pas certain. Je les avais juste tolérées. Elles étaient entrées dans mon existence lors de mes rares moments de faiblesse.
Ce temps-là était révolu.
Plus de femme. Plus d'argent. Plus de concerts. Plus de tournées. Plus de récitals.
La paix.
Le vide.
Ses lèvres s'étaient arquées dans un sourire qui aurait pu paraître arrogant, j'y avais lu l'invitation à bouleverser ma vie.
Je lui souris à m'en déchirer les joues. Je ne croyais pas qu'il me soit permis de revivre un état pareil où la joie implose de l'intérieur et occulte les malheurs.
L'amour est proche de la haine.
- Pardon, pardon, ma Lisa...
- Ce n'est pas ta faute, maman... je sais que tu t'es battue... Ce n'est pas à toi que j'en veux. C'est à la Terre entière.
L'hymne de Jo était "La belle vie"... il fredonnait encore la chanson de Sacha Distel au crépuscule de sa vie, se remémorant les grandes années de La Datcha. Même si, aujourd'hui, elles étaient revolues, malgré les chagrins, les drames, il avait réussi, il était quelqu'un, lui, le garçon du port, il avait fait briller sa femme que les hommes lui enviaient encore, elle était à lui et ils vivaient dans leur paradis, leur maison. Leur Datcha.
J’avais subi mon amour pour lui et le sien pour moi. Le seul cadeau qu’il m’avait fait était mes enfants qui me nourrissaient du plus beau des amours.
Il luttait tellement pour garder le contrôle de ses émotions. Il s'interdisait de vivre depuis si longtemps, terrifié par la douleur d'amour et écrasé par les responsabilités qu'il s'imposait.
(page 113)
Mais nous avions besoin de crever l'abcès, pour passer à autre chose. Nous devions rompre une relation qui n'avait pas eu la possibilité de commencer et qui ne commencerait jamais.
(page 81)
- Tu vas t'en prendre plein la gueule, tu le sais, ça ?
- Toi aussi, tu m'as manqué, Judith !
(page 74)
Edward m'avait mise sur le chemin pour me libérer d'un devoir de loyauté envers Colin. je me sentais aujourd'hui libérée de lui aussi. J'étais prête à m'ouvrir aux autres.
(page 11)
- Ca ne collera jamais entre nous.
- Pourquoi ? Je pue de la gueule ? J'ai un truc entre les dents ?
- Non, tu n'as juste rien entre les jambes.
(page 68)
Mon premier baiser avec Colin avait le goût de la bière.
Et si je partais en Irlande ?
Colin avait toujours en envie d'y aller, mais moi à l'époque je n'avais pas du tout envie de passer des vacances avec un coupe-vent et une polaire.
(page 18)
Cette première journée fut une catastrophe. Il me fallut la matinée pour comnprendre le fonctionnement de ma machine à coudre, rien à voir avec ma Singer. Toutes mes piqûres boulochaient sur l'envers du tissu. Je cassai un nombre incalculable d'aiguilles, et j'appuyais toujours sur le mauvais bouton. Je n'arrêtais pas de me piquer. Plus d'une fois, je tachai le tissu avec des gouttes de sang qui perlaient à mes doigts. Il y avait aussi la surfileuse, i'apprendrais à la manier un autre jour ; je ne voulais pas davantage me ridiculiser. J'avais le sentiment de ne pas savoir coudre, commne si j'avais été parachutée là par hasard, ou plutôt par erreur.
Tout était en place, la pédale sous mon pied et le tissu entre mes mains. Première opération, l'allumer; la lumière fut. Deuxième opération, vérifier la canette ; en place et remplie. Troisième opération, glisser mon tissu sous l' aiguille et rabattre le pied presseur ; aucune résistance. Plus qu'un geste, et c'était reparti. Mon pied s'abaissa doucement sur la pédale, et le tac-tac si particulier de la machine à coudre résonna dans la pièce. Mes mains tenaient fermement mon ouvrage, le tiraient vers l'extérieur. J'étais fascinée par l'aiguille qui entrait et sortait précisément de l'étoffe, elle for- mait un point parfait, régulier.
Seul avantage, cela me permettait d'étrenner ma dernière robe. J'avais réussi à mettre la touche finale la veille au soir, et j'étais satisfaite du résultat. J'essayais tant bien que mal de ne pas perdre la main et d'entretenir mon doigté de couturière. Et puis, dans ces moments-là, j'oubliais tout: mon travail à la banque d'un ennui mortel, la routine de ma vie, le délitement de mon couple. Je n'avais plus l'impression de m'éteindre. Au contraire, j'étais vivante ; lorsque je faisais équipe avec ma machine à coudre ou que je dessinais des modèles, je palpitais.
-Café?
- Il paraît que ça rend heureux...
-Ça marche avec le thé aussi, tu sais.