Par où commencer ? Ce thriller est un énorme coup de coeur, l'un des romans les plus brillants que j'aie lus ces dernières années. J'ai absolument tout aimé : les personnages terriblement humains à la psychologie complexe, l'intrigue resserrée autour d'enjeux diplomatiques glaçants, les dialogues savoureux aux répliques incisives, les incursions dans l'intimité d'une épouse de dictateur, le contraste entre le cadre feutré de l'ambassade et la vie grouillante de New Delhi, la plume ciselée et évocatrice de l'autrice…
Les personnages sont travaillés avec une grande finesse et beaucoup de justesse. Les deux personnages principaux, bien sûr : Pavel, l'ambassadeur, avec son mélange d'idéalisme et de fougue, tellement imparfait qu'il en devient terriblement touchant ; Jul, tiraillée entre des convictions qui lui ont été inculquées depuis son enfance et les doutes nés de ses propres sentiments à l'égard de ceux qu'elle a aimés, sa soeur en particulier. Mais aussi tous les personnages secondaires. Colin, le chargé d'affaires, un homme mesuré et conciliant qui tente sans grand succès de juguler l'impétuosité de Pavel, dont il se montre le parfait contrepoint. Park, le bras droit des dictateurs de la dynastie Moon, absolument sinistre et terriblement crédible. Moon Jel-Un, pathétique à souhait et pourtant effrayant dans ce rôle trop grand pour lui. Laura, la secrétaire de l'ambassade, terrifiée par Pavel et malgré tout suffisamment fidèle à ses principes pour oser lui tenir tête quand elle le juge nécessaire. Judith Early, l'attachée de presse agaçante au point que, comme Pavel, on en vient à se demander quelles intentions l'animent.
L'intrigue nous emmène dans les coulisses de la diplomatie internationale, où chaque mot et chaque non-dit pèsent et peuvent faire basculer les fragiles équilibres géopolitiques mondiaux. Les enjeux sont clairement établis et la tension savamment maîtrisée. Les flashbacks, juste bien dosés, permettent quant à eux de dévoiler des informations importantes sur les passés respectifs de Jul et de Pavel, sans nuire au rythme du récit ; en outre, les flashbacks sur Jul présentent l'intérêt de montrer de manière très crédible, à nos yeux occidentaux, à quoi peut ressembler l'existence dans une dictature telle que la Corée du Nord et le conditionnement permanent auquel sont soumis ses habitants : ils aident à mieux appréhender pourquoi ces régimes peuvent perdurer et leurs dirigeants être adulés.
Je termine avec les dialogues. Les dialogues… Les dialogues sont jubilatoires.
Amélie Serberg joue avec les répliques mordantes, les sous-entendus, les silences et les non-dits dans une partition magistrale, qui contribue à mon avis à faire de ce roman, au pitch si ambitieux, une telle réussite. C'est brillant. Vraiment.
Bref, lisez-le.
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