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Martine Kayser (Traducteur)
EAN : 9782859408855
256 pages
Phébus (27/02/2003)
3.7/5   127 notes
Résumé :
Parmi tous les romans historiques « dévoyés » de Leo Perutz (1882-1957) – que Borges portait aux nues –, l’un des plus retors. « Un Kafka picaresque » (DOMINIQUE FERNANDEZ / LE NOUVEL OBSERVATEUR).

Milan, 1498. Léonard de Vinci, invité à la cour de Ludovic le More, travaille à sa célèbre Cène. Il cherche en vain un modèle pour la figure de son « Judas ». Il a beau hanter les bas-fonds de la grande cité lombarde, passer en revue toutes les canailles d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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"La nature a, peut-être, ses raisons de faire des coeurs impitoyables."
(W. Shakespeare)

Mon premier roman de Perutz. D'après un tas d'avis divers, ce n'est peut-être pas le meilleur, mais pour l'instant il m'est impossible de comparer. Et j'ai plutôt apprécié ses prétendues "faiblesses". L'intrigue pleine de quiproquos et de retournements "digne des comédies italiennes" ne m'a pas gênée, bien au contraire - j'ai toujours aimé ces histoires un peu tordues, où rien n'est comme il semble au premier abord. Un peu comme chez Shakespeare... Et les dialogues hauts en couleur (qui m'on fait parfois penser aux "Trois mousquetaires") vont bien avec tout ça.
Perutz a l'humour subtil et le détail riche dans cette histoire apocryphe sur le Judas de Léonard.
Dans un contexte bien précis - Milan de la Renaissance - deux histoires sont imbriquées ensemble avec finesse...

Seul le respect que les Milanais ressentent envers Maître Léonard empêche les prélats de la Santa Maria delle Grazie de montrer ouvertement leur mécontentement. La Cène du réfectoire n'est toujours pas finie, car le Maître ne trouve pas le modèle idéal pour incarner le personnage de Judas. Léonard est un perfectionniste. Il s'interroge sur les motivations de l'apôtre maudit, et il est à la recherche d'un homme qui lui permettra de montrer l'âme même de Judas dans un seul geste, une seule expression figée pour toujours sur le mur de couvent des dominicains. Et puis, il n'a pas que ça à faire... les machines de guerre prodigieuses, les statues équestres géantes... sans oublier les observations des oiseaux pour avancer dans sa quête de toujours - l'appareil volant.
Chez le duc Ludovic Sforza, Léonard fait connaissance de Joachim Behaim, un riche négociant de Bohême. Un homme irréprochable de belle prestance, Behaim vient à Milan pour affaires, mais aussi pour récupérer une vieille dette familiale auprès d'un certain Boccetta. Une chose impossible, selon les Milanais !
Ce Boccetta, usurier pingre et misanthrope, qui a des excuses toutes prêtes pour éviter la moindre hospitalité ou lâcher le moindre obole - ne serait-il par hasard un modèle rêvé pour Judas ?
Perutz devient machiavélique...
Tout en réfléchissant comment récupérer sa dette, Behaim tombe amoureux de Niccola, une belle Milanaise. Un amour sincère et confiant, au point que le marchand commence à songer au mariage. Mais voilà qu'il apprend que sa belle n'est autre que la fille de son débiteur, l'abject Boccetta !
On pourrait s'en douter, mais quelque part on espère encore une fin heureuse... L'amour peut-il être plus fort que l'orgueil et le désir de vengeance ? Ce n'est pas le cas pour Behaim. Alors, il trahit... à cause de l'argent, de l'orgueil blessé, de peur de perdre la face en aimant trop...
Et Léonard peut commencer ses croquis.

J'ai bien aimé la fin malicieuse de Perutz. Et aussi les observations de Léonard sur la peinture et la nature, comme sorties tout droit de ses carnets.
Pour l'anecdote - j'ai lu ce livre dans l'avion. Avec cette vue quelconque sur l'aile, je n'ai pas pu m'empêcher de penser à l'obsession de Léonard et à ses nombreuses expériences non-concluantes avec la machine volante. Et je me demandais dans quel état d'esprit il serait, lui, parmi tous ces voyageurs blasés...? Mais c'est une autre histoire.
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JUDAS L'ORGUEILLEUX

Nous sommes en 1498, en plein basculement entre ce que les siècles futurs nommeront, par dédain et une certaine méconnaissance, "le moyen-âge", voire "les âges sombres" (chez les britanniques) et la belle renaissance italienne dont nous allons croiser l'une des figures parmi les plus universelles. C'est un prieur relativement mal embouché qui nous introduit en plein cœur de la cour de l'un des plus manifestes représentants de ces temps nouveaux, le fameux Ludovic Sforza, dit le More. Ce prieur est celui du couvent de dominicains Santa Maria delle Grazie, et il n'a de cesse de se plaindre auprès du célèbre duc de Milan. Il a payé le plus immense de tous les maîtres de son temps à peindre une Cène, or l'oeuvre reste inachevée. Pire : l'artiste semble franchement se désintéresser de sa commande, ne passant guère de temps devant le mur du réfectoire qu'il doit recouvrir de son génie, si ce n'est à bailler aux corneilles et à griffonner quelque mystère qui lui appartient, dans son carnet. L'artiste plaide avec intelligence et non sans un peu de rouerie qu'il ne pourra poursuivre son travail que lorsqu'il aura trouvé un modèle pour le personnage de Judas que ses plongées dans les bas-fonds de la ville ne lui ont pas permis de découvrir la figure du traître idéal. Car le génial Leonardo da Vinci, il ne pouvait s'agir que de lui, ne peut se contenter de découvrir une "gueule", il lui faut aussi peindre une âme, et celle de son futur Judas ne peut QUE ressembler à celle de l'homme le plus honni de toute la chrétienté.

Leo Perutz aimant désorienter son lecteur, Léonard est très vite abandonné à ses infructueuses pérégrinations. Nous voici dès lors sur les traces de Joachim Behaim, un commerçant étranger - il se prétend allemand tandis qu'il vient de Bohème : déjà, sous l'apparence honnête se déguise le mensonge - venu vendre des chevaux d'exception aux écuries du More. Il n'a plus rien à faire de particulier à Milan lorsque, au détour de ses déambulations dans les rues et places pleines de vie de la plus grande ville italienne de l'époque, il croise le regard d'une jeune femme dont il tombe, immédiatement, éperdument amoureux, ce sentiment paraissant, quoi que fort fugacement, partagé. le jeune homme, fier et même franchement orgueilleux, ne parvient à s'avouer qu'il devra demeurer en ville tant qu'il n'aura pas retrouvé cette confondante jeune femme (qui a laissé tomber son châle à ses pieds, avant de se perdre dans la foule). Ainsi, il va se souvenir, à bon compte, qu'un usurier local est encore en dette auprès de feu son père. Il n'aura dès lors de cesse de récupérer l'argent que son géniteur avait prêté à un vieil homme, un certain messire Boccetta. Ce dernier désir provoque l'hilarité ou la compassion : Boccetta, très riche sous son apparence de pauvreté, est le plus grand avare que la Terre ait jamais porté. Jamais on ne l'a vu rendre de l'argent aux naïfs à qui il en a emprunté. le lecteur, de même que Léonard, dans un premier temps, songe que Boccetta constituerait un modèle de Judas idéal, celui-ci ayant vendu le Christ pour trente deniers, somme dérisoire même au temps de cet Israël mythique sous domination romaine.

Leo Perutz est évidemment plus subtil que ce à quoi le lecteur pouvait s'attendre en lisant un tel (titre de) roman. le romancier tchèque aime perdre son lecteur, lui faire prendre des vessies pour mille lanternes. On peut même affirmer que rien ne le satisfait plus que de le promener ailleurs qu'en ces chemins tellement rassurant du roman classique. Il faut ainsi attendre la dernière partie du roman et un de ces basculements dont l'écrivain est friand pour relier les deux trames et comprendre le véritable sens de l'oeuvre. Comprendre que le génial Léonard - à travers l'un de ses disciples, dont il nous reste, entre autre, une reproduction sur toile de cette Cène qui a tant souffert des ravages du temps - est sans cesse présent. Comprendre qu'il scrute chaque parcelle de l'âme humaine, dans ce qu'elle a de plus magnifique, dans ce qu'elle a de plus ignominieux. Ainsi, cet amoureux - glacial - apparaît-il peu à peu comme l'être le plus calculateur qui puisse être. Et pourtant il est indéniable qu'il est amoureux. De même cette théorie de malandrins, d'artistes en devenir, de mathématiciens, de peintres sans le sous, de buveurs fantastiques peuvent-ils revêtir tous les attributs des pêcheurs - luxure, paresse, gourmandise, colère, avarice, envie - sans qu'aucun ne puisse être parfaitement impardonnable, ce qui ne peut-être le cas de ce jeune homme froid, calculateur, et qui finit par faire passer son orgueil bien avant l'amour - certainement sincère - qu'il éprouve pour la fille de son pire ennemi du moment.

Au-delà de la réflexion sur l'art, de l'impossibilité de créer sans attache avec la réalité, au-delà du cadre historique que traversent des peintres célèbres ou obscurs mais aussi la figure de François Villon (qu'on croise sans cesse et dont Perutz nous avoue en manière de postface qu'il fut le modèle d'un des personnages essentiels de cet ouvrage), c'est à une réflexion sur l'homme et sur le mal que nous convie une fois encore Leo Perutz. Le diable n'est jamais tout à fait là où on le cherche. Un malandrin peut se comporter comme un homme d'honneur. Et de la même manière, un supposé honnête homme peut avoir l'âme la plus noire. Le lecteur attentif notera également, vers la fin, ce passage où celui qui, pourtant devrait être le pire des hommes, poète à ses heures, meurt " réconcilié avec le Grand Tout, échappant à l'imperfection terrestre". Leo Perutz succombera peu de temps après avoir tracé les derniers mots de ce roman posthume.

Quant à nous, il est possible que nous n'en retiendrons pas l'oeuvre la plus sublime qui soit, ni même la plus convaincante parmi les créations de son auteur - que l'on songe à Le Cavalier suédois, à La troisième balle où encore à La nuit sous le pont de pierre, époustouflant , mais, comme à son habitude, et pour l'ultime fois, Leo Perutz aura su embarquer son lecteur au-delà des plates apparences, des certitudes faciles, des linéarités trop attendues, jouant un cache-cache incessant avec ses personnages tout autant qu'avec son lecteur. Rien que pour cela, sans oublier cette virtualité stylistique permanente, incroyable, dont il fit toujours preuve, Leo Perutz est inimitable !
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Léonard de Vinci tarde à peindre sa fameuse Cène au monastère de Notre-Dame des Grâces. Il peint ses personnages d'après nature : son Christ, ses apôtres, ne sont pas que de simples apparences en deux dimensions sur un mur, ce sont des êtres humains dont le corps et le visage portent les marques de l'histoire personnelle et de l'intériorité. Il lui manque un Judas : non seulement un modèle qui ait l'air de Judas, mais un homme qui, dans ses actes et dans sa vie, incarne Judas. Il sera bien temps ensuite de le croquer et de le peindre sur le mur de la Cène. La route route du peintre finit donc par croiser celle du négociant bohémien Joachim Behaim, homme juste et droit, exact à payer et à se faire payer, dont l'histoire à Milan (peu intéressante à vrai dire) occupe la plus grande partie de ce roman. Judas, c'est lui, son visage, sa prestance, ses moeurs et opinions, bref tout dans sa personne est Judas, l'homme juste et le traître à l'amour. C'est sa vie, non sa figure seulement, qui fait de lui le parfait modèle du personnage.

Ce court roman est une réflexion intéressante sur la peinture et sur la personne de l'apôtre qui trahit le Christ. Judas est un personnage délicat à manier : on a vite fait de tomber dans l'antisémitisme, et il faut de l'habileté à l'auteur pour éviter ce piège. Mais faire de Leo Perutz un "Kafka picaresque" est certainement très exagéré. La lecture de l'ouvrage est agréable, grâce à un certain humour qui désennuie.
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Je ne connaissais pas Leo Perutz, sinon à travers "Le Cavalier Suédois" présenté par Francis Berthelot dans sa Bibliothèque de l'Entre-Mondes comme une "histoire picaresque où l'action et l'humour sont emprunts d'une subtil mélancolie" et où "se déploie une réflexion sur le juste et l'injuste, la vanité des apparences, la souveraine valeur du terroir, les révélations et les pièges du monde spirituel". Je ne connaissais pas non plus les éditions Libretto, sinon de nom et parce qu'elles ont publié "Moby Dick" de Melville dans sa traduction la plus alléchante. Après ce "Judas de Léonard", je me suis promis de lire plus de Perutz et plus de Libretto (à commencer par ce "Moby Dick" qui me fait de l'oeil depuis tant d'années).


Sous quels traits représenter Judas ? Voilà la question qui taraude Léonard de Vinci au début de ce roman. Et le peintre d'écumer les bas-fonds de la société milanaise à la recherche d'un modèle… Mais la chose n'est pas si facile car, pour Léonard de Vinci, Judas n'est pas un vulgaire galopin mais celui qui, par orgueil, a trahi l'amour qu'il éprouvait, celui, en somme, qui a refusé de trop aimer. C'est ainsi que s'ouvre ce roman savamment construit. Dès le second chapitre, Léonard de Vinci disparait au profit de Joachim Benhaim, un marchant imbu de lui-même dont nous allons suivre les péripéties à Milan, notamment le recouvrement d'une dette auprès d'un usurier malhonnête, Bernardo Boccetta, et parallèlement sa rencontre amoureuse avec Niccola, une jeune milanaise dont il tombe éperdument amoureux.


"Le Judas de Leonard" peut se lire rapidement d'autant que le livre n'est pas épais mais ce serait un erreur et le meilleur moyen de passer au travers de la musicalité du texte et de son orchestration minutieuse – qu'on pense, par exemple, aux trois passages qui concernent la bourse de Joachim Benhaim. Ce roman "historique" (nous sommes en pleine renaissance italienne) s'apparente en vérité au conte universel, en ce qu'il illustre une idée (celle énoncée par Leonard de Vinci au premier chapitre sur l'orgueil comme origine du Mal) et propose une morale. Ce livre comblera les lecteurs curieux qui aiment découvrir des formes de narration différentes, éloignées des traditions françaises en la matière, des oeuvres plus singulières et par là étonnantes.
Lien : http://lecoutecoeur.wordpres..
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J' avais lu ce livre il y a longtemps et en avais gardé un excellent souvenir, comme j'avais également apprécié le Cavalier Suédois du même auteur, et j'ai eu envie de le relire...
Léonard de Vinci a accepté de représenter La Céne pour un couvent de Milan, nous sommes en 1498 et Léonard se présente à la cour de Ludovic le More, l'oeuvre n'avance pas, le Maître dont l'esprit est occupé par l'invention de ses machines, cherche en vain le modéle de Judas .
Pendant son entrevue avec le duc, nous faisons la connaissance de Joachim Benhaim, maquignon allemand qui est à Milan pour vendre des chevaux, récupérer une dette et retrouver une jeune fille qu'il a croisé et dont il est tombé amoureux.
L'histoire laisse assez rapidement Léonard à ses interrogations quant à la nature de son Judas et nous suivons Joachim dans ses recherches , ses rencontres avec de nombreux personnages dont le mystérieux Mancino, sorte de poète maudit, représentant en fait François Villon .
Le personnage de Joachim est attachant, honnête et sérieux .
Tout l'art subtil de Perutz se révèle au moment du dénouement , à l'instant où reparaît Léonard de Vinci et où la figure de Judas devient évidente ...
Une lecture très agréable dans une langue musicale, une réflexion profonde suggérée astucieusement , dommage que cet écrivain ne soit pas plus connu !
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Citations et extraits (22) Voir plus Ajouter une citation
Mais, d'un naturel ombrageux, il eût répugné à s'avouer qu'il était subjugué et que le désir de revoir cette jeune fille et de faire sa connaissance le retenait seul à Milan. Les femmes et les jeunes filles qu'il avait rencontrées chez lui et dans le pays étrangers ne lui étaient alors apparues que comme des dispensatrices de joies éphémères, comme des créatures faites pour l'agrément d'un instant. Or il était bel et bien épris cette fois, mais il ne voulait certes pas le reconnaître. Aussi cherchait-il à se persuader qu'il ne restait pas à Milan pour cette jeune fille : non vraiment, quel ridicule, c'eût été mal le connaître, les filles au demeurant n'était pas ce qui manquait... non, il envisageait depuis longtemps de recouvrer dans cette ville une ancienne dette ; après tant d'années de sommation et de vaine attente il n'allait tout de même pas laisser passer l'occasion de percevoir son argent ; personne ne pouvait exiger de lui qu'il renonçât à une revendication plus que légitime, il n'était pas homme à s'avouer vaincu, et puis le droit devait rester le droit... Et il se répéta tant et si bien ce discours qu'il fut convaincu à la fin que c'était cette affaire et nulle autre qui le retenait en ces lieux.
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- Je me suis trompé sur cet homme qui exerce ici l'office d'usurier sous le nom de Bernardo Boccetta, déclara messire Léonard d'une voix où perçait le regret. Il n'est rien d'autre qu'un misérable avare qui, dans sa maison, court derrière les souris avec un bâton pour s'épargner l'entretien d'un chat. Il aurait empoché les trente deniers et n'aurait pas trahi le Christ. Non, le péché de Judas n'est pas l'avarice, et ce n'est pas par cupidité qu'il a donné ce baiser au Seigneur dans les jardins de Gethsémani.
- C'est l'envie et la perfidie qui lui dictèrent ce geste, proclama Bellincioli. Deux sentiments qui dépassent la mesure humaine.
- Non, rétorqua messire Léonard. Car le Messie lui aurait pardonné et l'envie et la perfidie, qui sont innées chez l'homme. S'est-il jamais trouvé un grand qui n'ait connu l'envie et la perfidie des petits ? C'est ainsi que je veux représenter le Sauveur sur cette Cène : brûlant du désir d'expier, par le sacrifice de sa vie, tous les péchés du monde, y compris l'envie et la perfidie. Or le péché de Judas, il ne l'a pas pardonné.
- Parce que Judas, connaissant le Bien, a néanmoins suivi le Mal, proposa le More.
- Non, dit messire Léonard. Car qui peut vivre en ce monde et servir l'oeuvre de Dieu sans être amené à trahir et à commettre le Mal ?
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Parvenu place de la Cathédrale, il croisa le sculpteur Simoni, lequel se promenait avec à sa gauche un petit garçon et à sa droite Niccola. Mais Joachim Benhaim, encore tout empli de pensées courroucées, marchait les poings serrés, la tête basse, et il passa devant tous trois sans leur accorder un regard, tout en jurant dans sa langue de Bohême.
Le sculpteur s'arrêta et lâcha la main de l'enfant.
- C'était lui, dit-il le cœur battant, et il se sentit inondé d'une sueur froide. Tu l'as vu ?
- Oui, répondit Niccola. Je l'ai vu.
- Et tu... tu l'aimes encore ? demanda le sculpteur d'une voix inquiète.
- Quelle question stupide ! fit Niccola, qui mit son bras autour de ses épaules. Crois-moi, je ne l'aurais jamais aimé si j'avais su qu'il avait le visage de Judas.

[Dernières lignes du roman. Le héros malgré lui de l'oeuvre, Joachim Benhaim, vient seulement de découvrir que c'est lui que Léonard de Vinci a peint sous les traits du Judas de sa célèbre Cène. Et il croise, sans la voir, celle qu'il a aimée puis rejetée par orgueil quelques années auparavant.]
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Elle se dit tout bas en elle-même : «Peut-être est-il vrai qu'il m'aime car il n'a rien d'un beau parleur. oui, je crois qu'il m'est dévoué. Mais il doit avoir connu beaucoup de femmes. Ô Dieu, assiste-moi ! Fais que ce qui s'amorce entre nous ait une issue heureuse pour moi. Car, comment Te le cacher, Tu le sais aussi bien que moi, je serai sienne dès qu'il le voudra.»
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- Si nous devons avoir des peuples étrangers entre nos murs, disaient-ils, alors nous préférons les Français aux Espagnols. Car les Espagnols sont gens maussades et ombrageux qui usent leurs genoux dans les églises tandis que les Français apportent où qu'ils aillent l'entrain et la bon humeur. Quant à leur sens chrétien, il se résume à ceci : «Servir Dieu ? Pourquoi pas ? Mais nous ne voulons pas oublier qu'il est également bon parfois d'aller par les sentiers de ce monde.»
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