L'auteur, le livre (456 pages, 2024) :
Franck Thilliez est l'un des auteurs français de polars "mainstream" les plus en vue. La série des
Sharko c'est lui.
Des polars qui flirtent souvent avec le fantastique ou l'ésotérique mais dont la violence est hélas bien ancrée dans le réel.
Cette fois avec
Norferville, il délaisse son
Sharko fétiche et cède aux sirènes du grand nord après d'autres auteurs de polars français :
Ian Manook en Islande,
Olivier Norek à Saint-Pierre-et-Miquelon, ... qui ont suivi sur la neige les traces laissées par
Olivier Truc ou
Mo Malo.
Le contexte :
Norferville a beau être un lieu imaginaire, on s'y croirait !
Comme de coutume,
Franck Thilliez soigne le décor de son polar d'une plume très suggestive : nous voici tout au nord du Québec, à 700 kilomètres de Montréal, dans l'une des gigantesques mines ouvertes sur les terres des indiens Innus (le Nitassinan).
Les colons blancs y sur-exploitent la Fosse du Labrador qui contient un minerai de fer de grande pureté.
Dans ce lieu glacé difficilement accessible (et pas du tout en cas de tempête de neige : un endroit idéal pour un huis-clos à ciel grand ouvert !) cohabitent bien difficilement les communautés de blancs et d'indiens.
Au milieu, les "Pommes" : rouges dehors, blancs dedans, les métis rejetés par les uns comme par les autres.
Il sera beaucoup question de violences faites aux indiens et surtout aux femmes indiennes : quelques blancs, tendance suprémacistes, sont adeptes de la "cure géographique" (starlight tour au Canada anglophone), une pratique que les femmes autochtones ne dénoncent pas toujours, par honte ou par peur.
Le pitch :
Dans la "ville" minière de
Norferville, au fin fond des plaines glacées du Québec, une jeune française est retrouvée dans la neige, sauvagement assassinée et mutilée.
Son père Teddy Schaffran (un criminologue privé, tendance profiler, à qui il manque un oeil) débarque de France avec son passé tourmenté.
Sur place, Noémie Rock, une fliquette métisse est chargée de l'enquête dans ce coin perdu où elle n'a pas de très bons souvenirs.
La rencontre de ce duo d'enquêteurs est prometteuse.
♥ ♥ On aime beaucoup :
•
Franck Thilliez arrive ici à nous faire ressentir le froid : "Je suis fasciné par le froid, par la manière de le décrire, parce que c'est vraiment une sensation particulière, d'autant plus quand il est omniprésent. C'est une façon d'emprisonner les personnages, et mes lecteurs. [...] J'ai toujours eu le fantasme d'écrire une scène de blizzard." En ce lieu idéal, l'auteur souffle le froid dans une nature déchaînée aussi violente que les hommes qui l'habitent et le lecteur frissonne (c'est un thriller !) en pestant contre ses moufles, pas très pratiques pour tourner les pages du bouquin.
• Comme à son habitude,
Franck Thilliez lorgne du côté du fantastique en convoquant ici la légende du Windigo (qu'on connait depuis
Joseph Boyden et d'autres), ce croquemitaine indien inventé peut-être pour faire peur aux enfants mais plus sûrement pour lutter contre le cannibalisme qui a pu sévir jadis en cas de famine.
• La violence de la nature et du froid fait écho à celle des hommes. Des hommes qui n'aiment pas les femmes. Un polar très dur et sans concession - c'est du
Franck Thilliez !
Livre lu grâce aux éditions Fleuve.
Lien :
https://bmr-mam.blogspot.com..