Je pense que
Corine Pelluchon est une "fille bien" (attention, pas d'irrespect là-dedans, je dis ça comme je dirais "un mec bien" si c'était un homme) : écologiste, animaliste, féministe, progressiste, elle a une cohérence de pensée qui manque à nos gouvernants (à moins que ce ne soit le courage, qui leur manque...)
Je suis, de façon générale, d'accord avec les idées qu'elle développe, mais la question est : y avait-il de quoi en faire un livre ? Nous y reviendrons.
La présentation de cet ouvrage était tentante : on nous disait qu'il existait une voie entre l'optimisme béat (donc le déni) et le désespoir. Moi qui trouve toujours que le monde manque de nuances et de compromis, je ne pouvais qu'être attiré. En plus, on nous disait que c'était "un texte accessible, comme une transmission aux jeunes générations", message pour ceux que la philosophie effraie peut-être parce qu'on leur a infligé trop tôt, comme à moi, la logorrhée de Heidegger.
Là, je pense que son éditeur a présumé de ses forces, ou plutôt de celles des "jeunes générations" – et peut-être même des anciennes car il ne faut pas insulter les jeunes : si ce n'est certes pas du Heidegger, ce livre n'en contient pas moins des passages que j'ai renoncé à comprendre après 5 ou 6 relectures.
À lire lentement, donc. Et avec des pauses.
Là où je la rejoins le plus, c'est sur la nécessaire reconnexion à la Nature. Oui, c'est une évidence, on se sent mieux, plus positif (puisqu'il ne faut pas dire "optimiste") après avoir passé une journée en pleine brousse au milieu de la faune. La ville a d'ailleurs quelque chose de déshumanisant et l'ère industrielle, consumériste et destructrice que Pelluchon dénonce se superpose avec l'ère de l'urbanisation et l'exode rural, je m'étonne donc qu'elle n'y ait pas consacré un seul paragraphe. Ça aurait sans doute été plus convaincant que son long exposé sur le féminisme et sa métaphore douteuse entre la ménopause et le changement climatique.
Est-ce que je nie le patriarcat ? Non. Est-ce que je nie que le patriarcat n'est pas une bonne chose pour l'écologie ? Même pas. C'est juste une question de proportions, et la facture dévolue au patriarcat selon Pelluchon me semble salée.
J'ai relevé ceci, entre autres : "Quand elles atteignent la cinquantaine, les femmes [peuvent se sentir] diminuées aux yeux des autres, c'est-à-dire des hommes (ah bon ?), et minables en comparaison des plus jeunes qui font carrière et qui convoitent leurs anciens compagnons et leurs collègues"...
Outre que je ne vois plus très bien le rapport avec l'écoanxiété, j'ai bientôt 50 ans et personnellement, je ne me sens pas attiré par les femmes de 20 ans mes cadettes, et je n'ai pas envie de mettre la mienne au rebut. Je sais que la réponse de certain(e)s à cette remarque sera : "pourquoi tu te sens insulté, ça ne s'adresse pas à toi." Et la mienne, qui est aussi la leur sur d'autres sujets : "si je me sens insulté par ce ton généraliste, j'ai mes raisons pour ça et elles n'ont pas à être discutées." C'est la philosophie que j'emploie à chaque fois que quelqu'un se sent offensé par moi, quelle qu'en soit la raison. J'ajoute que les "jeunes femmes qui font carrière" – elles sont nombreuses et je m'en félicite – pourraient aussi légitimement se sentir insultées par ce genre de généralité.
Au total, sur l'ensemble des chapitres – pas seulement sur le dernier qui m'a un peu énervé –, est-ce que je me sens davantage empli d'espérance à l'issue de cette lecture, ou davantage armé pour espérer ? Non.
Pour moi, ce livre tient davantage de la méthode Coué ou de l'invocation magique (d'ailleurs, Pelluchon nous dit en gros que l'espérance vient toute seule, généralement après une grosse déprime) que de la démonstration d'idées, même s'il a au moins le mérite de ne pas sombrer dans le développement personnel et de ne pas nous faire prendre des vessies pour des lanternes.
Merci à Babelio et aux éditions Rivages pour cet ouvrage reçu dans le cadre de la Masse critique Non fiction.