Tout est passé si vite : c'est vrai, le temps d'une vie, celle d'Élizabeth, qui est écrivaine, éditrice et qui mourant voit en désordre des moments remonter à sa mémoire, des moments de jeune femme et de femme plus âgée, rapportés par un narrateur qui fut ami, écrivain et comme elle délicat, sensible, pudique, secret.
Ils ne furent pas tous grandioses ces moments, comme si elle ne s'y engageait jamais tout à fait, comme si quelque chose toujours au bord la retenait, la peur d'être elle-même ? de déranger ? une trop grande sensibilité ?, surtout avec les hommes (l'amour, cette grande affaire) qu'elle désira et dont certains la désirèrent peut-être : elle ne le sut jamais, et auxquels elle se donna avide, à vide, sans retour (il y a à Cannes, un été de fournaise, avec un dénommé Mous des pages déchirantes, nouées).
On imagine, sans les connaître, qu'elle mît dans ses écrits et les conseils qu'elle donnait aux écrivains qu'elle chaperonnait tout ce qui lui échappait "dans la vraie vie" : on les retrouve ici, dans ceux de Pancrazi, tremblants, magnifiques et serrés. Un très beau texte porté par une langue merveilleuse, d'une infinie pudeur.