Patrick Modiano m'épate. Il a une écriture assez fluide qui pourrait laisser penser qu'elle est dépourvue d'extraordinaire et qui pourtant revêt cette option en attachant son lecteur dans la trame dès qu'il en a emprunté l'accès. Quand Gilles Ottolini le contacte, Daragane se réserve le droit d'ignorer cet intru et par conséquent de ne pas répondre au rendez-vous qu'il lui fixe, de façon péremptoire, afin de lui restituer cet agenda dont on ne sait comment, il s'est retrouvé en sa possession. Pourtant, et comme une évidence, il accepte. Ce qui nous interpelle sur les choses que l'on fait soi-même, tout au long de la multitude des croisements qui nous donnent de faire les choix qu'on fait ; il nous montre comment on se laisse aller parfois à une certaine inconséquence ; jusqu'à naviguer au gré de bons vouloirs hasardeux. En effet, pourquoi rencontrer Ottolini puisqu'il lui apparaît d'emblée, autoritaire et désagréable ? Ne prend-t-il pas le risque de réveiller de ces choses endormies qu'il a sciemment classées, enfouies dans sa mémoire ? Un peu comme si les connaissances ou les reconnaissances étaient d'avance préétablies et que la certitude vacillait, quitte à revivre en parfait novice, certains éléments du passé.
Décidément...
… cette fille était pleine de sollicitude, mais Daragane aurait voulu lui expliquer qu'il se débrouillerait tout seul. Il avait croisé dans sa vie d'autres Ottolini. Il connaissait un grand nombre d'immeubles à double issue dans Paris grâce auxquels il semait les gens. Et, pour faire croire à son absence, il lui était souvent arrivé de ne pas allumer la lumière chez lui, à cause des deux fenêtres qui donnaient sur la rue. (p.62)
Extraordinaire, de quoi lui conférer un certain Pedigree.
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Une nouvelle forme de l’enquête mémorielle et identitaire menée par Modiano, où la fiction est envisagée comme un moyen de retenir, voire idéalement d’abolir le temps.
Lire la critique sur le site : NonFiction
Ce roman concis et mélancolique, à l'écriture fluide, élégante, classique, renonce à son intrigue première, jamais dénouée, pour investir la mémoire. Celle d'un ermite, qui finira par s'avouer à lui-même des traumatismes refoulés, en tirant sur le fil des personnages d'une vie qu'il a voulu oublier.
Lire la critique sur le site : LaPresse
Si comme le dit Annie Ernaux dans "Le vrai lieu", publié récemment chez Gallimard, "Ecrire, c'est laisser la trace d'un regard sur le monde", alors on peut sans conteste assurer que le Nobel de littérature excelle dans cette activité, et son dernier roman en est à lui seul un très bel échantillon.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Dans ce roman au titre impressionniste, on s'enfonce plus loin encore dans le labyrinthe des choses révolues. Au risque de se retrouver au moins aussi paumé que le narrateur.
Lire la critique sur le site : LesEchos
L’angoisse enfantine, le chagrin, serrent le cœur une fois refermé Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier. Mais c’est une tonalité qu’on n’entend pas tout de suite. Les romans de Modiano, c’est comme au cinéma. On se poste derrière une fenêtre pour voir s’il n’y a pas quelqu’un en bas, qui guette.
Lire la critique sur le site : Liberation
Ce nouveau livre, bref et intense, surprend aussi par son ambiance funèbre, sa mélancolie déchirante. Comme s'il se trouvait hanté par les échos lointains d'une jeunesse tourmentée, que la fiction viendrait enfin sublimer. Sincère, bouleversant, magnifique.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Roman parfaitement accompli, grave et, par instants, déchirant – qui pourrait bien être, au fond, un pur roman d'amour.
Lire la critique sur le site : Telerama
Là, sur le trottoir, dans la lumière de l'été indien qui donnait aux rues de Paris une douceur intemporelle, il avait de nouveau l'impression de faire la planche. Cette impression, il ne l'éprouvait que depuis l'année précédente, et il se demandait si elle n'était pas liée à l'approche de la vieillesse. Il avait connu, très jeune, ces instants de demi-sommeil où l'on se laisse dériver - souvent après une nuit blanche -, mais aujourd'hui c'était différent : le sentiment de descendre en roue libre une pente, quand le moteur s'est arrêté. Jusqu'à quand ?
Dans les périodes de cataclysme ou de détresse morale, pas d'autre recours que de chercher un point fixe pour garder l'équilibre et ne pas basculer par-dessus bord. Votre regard s'arrête sur un brin d'herbe, un arbre, les pétales d'une fleur, comme si vous vous accrochiez à une bouée. Ce charme - ou ce tremble - derrière la vitre de sa fenêtre le rassurait. Et bien qu'il soit presque onze heures du soir, il était réconforté par sa présence silencieuse.
Il ne pouvait détacher son regard de cette photo et il se demanda pourquoi il l'avait oubliée parmi les feuilles du "dossier". Était-ce quelque chose qui le gênait, une pièce à conviction selon le langage juridique, et que lui, Daragane, aurait voulu écarter de sa mémoire? Il éprouva une sorte de vertige, un picotement la racine des cheveux. Cet enfant, que des dizaines d'années tenaient à une si grande distance au point d'en faire un étranger, il était bien obligé de reconnaître que c'était lui.
Il n'avait pas le courage d'entrer dans la maison. Il préférait qu'elle reste pour lui l'un de ces lieux qui vous ont été familiers et qu'il vous arrive parfois de visiter en rêve : ils sont en apparence les mêmes, et pourtant imprégnés de quelque chose d'insolite. Un voile ou une lumière trop crue ? Et vous croisez dans ces rêves des personnes que vous aimiez et dont vous savez qu'elles sont mortes. Si vous leur adressez la parole elles n'entendent pas votre voix.
Il s'était enfin décidé à profiter du silence de la nuit pour relire une dernière fois toutes les feuilles du "dossier". Mais à peine avait-il commencé sa lecture qu'il éprouva une sensation désagréable : les phrases s'enchevêtraient et d'autres phrases apparaissaient brusquement qui recouvraient les précédentes, et disparaissaient sans lui laisser le temps de les déchiffrer. Il était en présence d'un palimpseste dont toutes les écritures successives se mêlaient en surimpression et s'agitaient comme des bacilles vus au microscope.
Il mit cela sur le compte de la fatigue et ferma les yeux.
Avec son dernier roman "La Danseuse", Patrick Modiano parvient-il à nous emporter ? Et que penser de "L'Hôtel des oiseaux" de Joyce Maynard, autrice abonnée aux best-sellers du New York Times, et dont le roman se retrouve au coeur de polémiques sur l'appropriation culturelle aux Etats-Unis ?
Géraldine Mosna-Savpye et Nicolas Herbeaux en parlent avec nos critiques, Elise Lépine, journaliste littéraire au Point, et Virginie Bloch-Lainé, productrice à France Culture.
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Vignette : Maryna Terletska/Getty Images
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