J'ai bien apprécié ce livre. Pourtant le titre et surtout l'aspect proprement dit du bouquin me rebutait. Cliché. Rose, girly comme style... Un peu antinomique, ceci dit. Bref, j'ai mis un peu de temps à m'y mettre, j'ai bien fait !
C'est qui : « le présent ouvrage est une réflexion à deux voies, offertes à ceux qui veulent approfondir, aller plus loin dans leur propre pensée, face aux questions spirituelles soulevées par la mort. La première vient d'une psychologue de terrain qui interroge l'expérience quotidienne du soin donné à ceux qui vont mourir, la seconde est celle d'un prêtre orthodoxe, docteur en psychologie et en philosophie qui interroge les grands textes spirituels de l'humanité et tente d'établir un pont entre eux et la modernité dans un esprit d'ouverture. »
Marie de Hennezel plaide clairement pour sa paroisse des soins palliatifs. Et elle a raison. La mort, l'agonie est un moment ultime, extraordinaire, qu'il convient de vivre pleinement, il est source de résolution, de dissolution de tout. Les suicides assistés ou la fuite de la mort que pronent la société est une erreur, un chemin pauvre. L'accompagnement des mourants montre et démontre, selon les auteurs, de tellement de choses riches, intenses...
Les auteurs incitent clairement à se connaître, à s'accepter, à s'aimer soi pour parvenir à accompagner les mourants :
« La connaissance de soi ouvre ainsi à la tolérance. Cela nous semble être un préalable à toute démarche d'accompagnement. Comment, en effet, peut-on prétendre écouter la souffrance spirituelle d'un mourant si l'on n'a pas commencé par écouter la sienne ? Comment une équipe hospitalière peut-elle assumer cette dimension spirituelle si elle ne se donne pas les moyens de réfléchir à sa propre conception de la mort ? »
La thématique de la spiritualité, de la religion, de tout ce qui touche au mystérieux est suspect voire tabou dans notre société, selon les auteurs :
« ... il faut au préalable lever un tabou tout aussi pesant que celui de la mort : le tabou de la spiritualité.
Dans une société laïque comme la nôtre, le spirituel n'est pas reconnu. Pire, il est suspect, parce que confondu avec le religieux. »
Les auteurs s'expliquent sur le recours aux anciennes traditions dans leur recherche et discours et pratiques actuelles :
« Nous souhaitons interroger les traditions à partir de notre proximité avec la souffrance et la mort. Car nos valeurs ne s'enracinent plus dans les dogmes et les croyances. Elles s'enracinent dans l'expérience, et notamment dans celle de la solidarité, de la présence, de l'attention à l'autre, dans la découverte de l'enrichissement réciproque de toute rencontre. C'est là que le sens de nos existences et de nos actes trouve sa source. »
Pour eux, même si les dogmes, les Eglises, les structures peuvent être criticables :
« Il n'en demeure pas moins que les réponses élaborées par les traditions émanent d'intuitions profondes qui continuent à faire leur chemin dans l'homme. C'est pourquoi nous avons voulu rappeler la pensée et les croyances de ceux qui nous ont précédés. Non pour nous couler dans leur moule, mais pour trouver ce qu'il y a de vivant en elles. »
Donner de la valeur à la personne, donner de la valeur à cette expérience ultime, donner de la vie à ce moment de mort, d'agonie est un leitmotiv des auteurs. Et toute la plus-value des soins palliatifs. Pour autant qu'on conserve toujours l'idée et le sentiment que l'être devant nous, la personne est plus qu'un corps, et même plus qu'un humain, que l'humain est, au fond, divin et que l'expérience de la mort peut-doit-va lui ouvrir cette porte.
Si tout est rite, si le rite est important, il ne doit pas non plus être dogmatique, objectif, il doit au contraire être idiosyncratique, unique, propre à chacun :
« Pour inciter à inventer, à créer du nouveau. c'est à cette création de sens, à cette créativité spirituelle, dans le quotidien du soin, que nous avons souhait inviter les lecteurs, et plus précisément ceux que la vie ou la profession mettent en contact avec la souffrance et la mort. Sortir de la sclérose répétitive des réponses toutes faites et des rites vidés de leurs contenu. Mais oser puiser dans la richesse et la profondeur de notre nature humaine pour devenir pleinement humain et redonner à notre humanité sa véritable dimension. »
Bon, a priori les soins palliatifs très peu pour moi, toutefois, les arguments très intéressants, très évocateurs, très parlants, les références, la profondeur de la réflexion de ces deux auteurs-personnes font réfléchir, ils pointent ce qu'il faut comme il faut. C'est une gageure. Elle est assez réussie.
Je recommande donc !
(Mais, allez pourquoi donc cet emballage repoussant dans la version poche chez Pocket?)
(Détail un brin énervant aussi : la naïveté dans le ton et dans certaines questions de la « personne » qui est censée « interviewer » les deux auteurs... Moindre mal.)