C'est l'histoire d'un goût devenu mythique : celui du couturier
Jacques Doucet (1853- 1929) qui tout en sublimant les élégantes de son temps réunit entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle l'une des plus prestigieuses collections françaises. Fruit d'une collaboration entre le musée des Arts décoratifs et l'INHA, cet ouvrage collectif redonne vie à cet ensemble enrichi inlassablement à partir des années 1875-1880. Doucet faisait alors la part belle à un XVIIIe siècle désormais en vogue, mêlant Watteau à Chardin, Clodion à Houdon, Fragonard à Hubert Robert. Il décide pourtant en 1912 de se séparer de cette première collection pour en inaugurer une autre, résolument moderne. On le voit dès lors se passionner pour les impressionnistes et rechercher les avant-gardes, composant un ensemble fabuleux où Les Demoiselles d'Avignon côtoient La Charmeuse de serpents, où Degas,
Van Gogh et Monet conversent avec Matisse, Duchamp et Miró, installés dans un extraordinaire mobilier signé Iribe, Eileen Gray ou Legrain. À travers l'histoire de ses collections aujourd'hui dispersées qui font l'orgueil des grands musées et de quelques particuliers, c'est bien le portrait de l'homme que dresse cet ouvrage, amateur discret au goût éclairé et visionnaire. Malgré une mise en page discutable, c'est un bel hommage que rendent ici deux institutions qui lui doivent tant, l'une présentant l'exceptionnel mobilier Art déco avant l'heure de la rue Saint-James, l'autre lui devant sa bibliothèque, une bibliothèque qui vient de renaître fastueusement dans l'écrin de la salle Labrouste nouvellement restaurée.
Par
Olivier Paze-Mazzi, critique parue dans L'Objet d'Art 533, avril 2017