Pourquoi lire George Sand aujourd’hui ?
Aurore Dupin, plus connue sous le nom de
George Sand, est romancière, auteur dramatique et journaliste française. Porte-parole de la génération romantique, ses écrits sont autant d’hymnes aux passions qui ont jalonné sa vie, une vie de lutte pour l’indépendance et la liberté de penser. Comptant parmi les écrivains les plus prolifiques avec plus de soixante-dix romans et quelques cinquante œuvres diverses, George Sand fait encore l’objet de multiples rééditions tant l’actualité des questions qu’elle soulève frappe les lecteurs.
Née en 1804 à Paris, Aurore Dupin bénéficie d’une ascendance populaire et aristocratique, qui façonnera grandement sa personnalité d’écrivain. L’importance que l’auteur accorde à ses racines est telle qu’elle lui consacrera une bonne part dans son ouvrage autobiographique
L'histoire de ma vie. Qualifier l’enfance d’Aurore de malheureuse serait un euphémisme tant les difficultés qu’elle rencontre sont nombreuses. Élevée dans une famille reportant ses différents sur elle, la jeune fille perd son père ainsi que son cadet, alors qu’elle est à peine âgée de quatre ans. Epuisée par ces difficultés familiales, elle entre au couvent en 1818 où elle demeure heureuse et apaisée. Toutefois, elle manque de succomber à une crise de mysticisme et forme le projet de prendre le voile, suite à une vision qu’elle aurait eue devant un portrait de Saint Augustin. Cette subite vocation surprend tellement son entourage qu’elle est immédiatement ramenée par sa grand-mère au château de Nohant dans le Berry, où elle passe toute son adolescence. Très attachée aux échappées bucoliques que cette campagne lui permet, elle s’en inspirera adulte pour écrire ses romans dits « champêtres ».
Quelques années plus tard, Aurore épouse le baron Casimir Dudevant et met au monde deux enfants. Mais très vite, ce dernier s’adonnant à la boisson et aux amours faciles, le couple se dispute et finit par se séparer. Faisant la demande d’une séparation de corps avec son mari, elle dévoile au monde son esprit rebelle et provoque le premier d’une longue liste de scandales. Assoiffée d’indépendance après ce fâcheux épisode marital, Aurore décide de s’installer à Paris dans le but de rejoindre une société de jeunes férus de littérature romantique. Dans ce Paris en pleine effervescence littéraire et au coeur de la révolution des Trois Glorieuses, Aurore mène une vie de bohème, entre théâtres, musées et bibliothèques. Très vite remarquée par ses congénères écrivains, elle intègre peu à peu les salons privilégiées du monde littéraire. Cette époque est d’ailleurs celle où, après avoir obtenu une permission de travestissement, elle adopte le costume masculin qu’on lui connaît bien. Mais, contrairement aux idées reçues, c’est d’abord pour des raisons financières et par confort qu’elle adopte la redingote-guérite, la cravate en laine et le chapeau en feutre. Au bras de
Jules Sandeau, écrivain qu’elle côtoie, elle intègre la rédaction du Figaro et se lance avec lui dans la rédaction d’un roman,
Rose et Blanche, sous le pseudonyme commun de J. Sand. Bien qu’ayant été rédigé à deux, cet ouvrage évoque déjà les grands thèmes qui vont jalonner l’oeuvre de l’auteur : une héroïne à fort caractère, des hommes soumis à leurs pulsions et des personnages d’artistes pittoresques.
Face au succès rencontré par l’ouvrage, un éditeur commande un deuxième roman au couple qui propose alors
Indiana qu’Aurore vient tout juste de terminer, ouvrage dans lequel elle raconte un mariage malheureux, peut-être à rapprocher du sien... Par modestie, Jules Sandeau en refuse la paternité et c’est ainsi que naît le pseudonyme de George Sand, conservant le nom utilisé pour l’ouvrage précédant et y apposant le prénom « George » qu’elle assimile au Berry de son enfance. Détractrice des préjugés d’une société qu’elle juge conservatrice et défavorable à la passion, George Sand contribue activement à faire vivre la communauté intellectuelle de son époque, accueillant régulièrement au château de Nohant des personnalités en tous genres. C’est par l’entremise de ces rencontres qu’elle croise la route d’
Alfred de Musset en 1833 avec qui elle entretient des échanges intellectuels et amoureux enflammés pendant plusieurs mois. Malheureusement, un voyage en Italie sonne le glas de cette relation passionnée mais non exclusive.
Vers 1845, George Sand veut en finir avec les ambitions stériles et meurtrières de la mondanité et de la ville, et décide de se lancer dans l’écriture de romans champêtres. Le succès est immédiat, critiques et public accueillent avec sympathie ces récits où elle témoigne de son amour pour la terre natale décrite comme une société idéale ayant échappé à la perversion. On retrouve notamment ce revendications dans des ouvrages comme
Mauprat ou
Le Meunier d’Angibault, dans lesquels elle se fait porte parole des ouvriers et des pauvres. Romantique dans l’âme, elle croit en l’action régénératrice du peuple sur la société et prône un retour à la culture populaire. Cette période est celle de sa rencontre avec Alexandre Manceau, son dernier amant. Alors que tout semble les opposer, la présence de cet auteur dramatique lui est plus que positif. D’ailleurs, cette relation adoucit fortement les revendications de la baronne qui dès lors prêche pour le mariage et la répression des désirs, choses qu’elle a toujours cherché à évincer. Dès lors, une véritable fièvre théâtrale s’empare de l’écrivain qui s’adonne aux plaisirs de la dramaturgie avec l’aide de
Alexandre Dumas fils. Persuadée que l’éducation populaire passe par le divertissement, elle dévoue ses pièces à son public, cherchant toujours à lui apporter un éclairage sur sa condition.
George Sand a écrit continûment quarante-six ans durant, cherchant sans cesse le moyen de toucher le peuple au plus près, persuadée de son évolution constante vers le progrès moral. Son œuvre romanesque, déjà considérable, ne doit pas masquer l’ampleur et la diversité de ses écrits. George Sand avait un métier : écrire. Mais aussi curieuse qu’active, elle a su proposer des réflexions porteuses d’une étonnante modernité, hier comme aujourd’hui.
Le saviez-vous ?
• George Sand est la première femme à vivre de sa plume
• Elle a laissé un roman inachevé,
Albine, dont l’héroïne est une enfant trouvée
• La relation entre George Sand et Alfred de Musset est à l’origine du roman
Confession d’un enfant du siècle
• George Sand surnommait son ami
Gustave Flaubert « mon troubadour »
• Seules trois de ses pièces furent jouées à la Comédie Française, car bien que sollicitée régulièrement par le comité, les comédiens, eux, n’apprécient pas son théâtre
• George Sand avait coutume de dire qu’elle prenait la plume quotidiennement et principalement la nuit
• Elle a commencé à vouloir gagner sa vie en peignant des fleurs et des oiseaux sur des tabatières et des étuis à cigares
• George Sand s’est vu proposer le prix de l'Académie en 1857, mais seuls
Prosper Mérimée,
Alfred de Vigny et
Charles-Augustin Sainte-Beuve votèrent pour elle.
Chronologie
1/07/1804 : Naissance d’Aurore Dupin à Paris
1808 : Décès du père et du jeune frère d’Aurore, à une semaine d’intervalle
1818 : Aurore intègre une pension à Paris ; elle hésite à prendre le voile
1822 : Premier mariage avec Casimir Dudevant
1831 : Partie à Paris rejoindre son amant Jules Sandeau, Aurore commence à écrire pour Le Figaro
1832 : Année de parution de son premier roman
Indiana, qu’elle signe du nom de George Sand
1833 : Première idylle avec Alfred de Musset et parution de
Lélia
1838 : Romance avec le musicien Frédéric Chopin
1844 : Publication de
Jeanne, son premier roman champêtre
1848 : George Sand fonde l’hebdomadaire,
La Cause du peuple
1849 : Publication de la
Petite Fadette
1852 : George Sand rencontre Napoléon III et obtient la grâce de plusieurs républicains
1863 : Début de son amitié avec Gustave Flaubert
1870 : Face à la guerre contre la Prusse, George Sand s’affirme républicaine et pacifiste
8/06/1876 : George Sand décède au château de Nohant
Inspirateurs et héritiers
Auteur romantique, George Sand prend la plume lorsque ce courant connaît son apogée. Influencée par cette littérature exaltée, les expériences et rencontres de son quotidien constituent le premier vivier de son inspiration. En effet, l’écrivain n’hésite pas à transposer directement dans ses ouvrages des personnes de son entourage, comme sa fille dans
Mademoiselle Marquem. Sa littérature est également marquée par ses amours et ses voyages, qui lui inspirent par ailleurs de prolifiques correspondances.
Vers 1848, le romantisme tend cependant à se renouveler pour affirmer sa vocation dite « civilisatrice », alors que le roman-feuilleton réaliste connaît un développement exponentiel. Le poète est alors redéfini par
Victor Hugo comme porteur d’une triple mission : nationale, sociale et humaine. Impliquée dans ce renouveau, George Sand trouve son nouveau modèle en la figure de Pierre Leroux, philosophe, homme politique et son ami pendant quinze ans. Farouchement en lutte contre la littérature frivole héritée de l’Ancien Régime, elle y oppose dès lors la mission sociale de l’écriture romanesque en élargissant le spectre de ses thématiques. A partir de cette période, les romans de Sand deviennent par conséquent l’étendard de ses convictions politiques et sociales, que l’on retrouve par exemple dans
Horace ou
Jeanne. Devancière du roman social parmi d’autres comme
Emile Zola,
Victor Hugo ou
Honoré de Balzac, George Sand a par ce biais autorisé l’élargissement des possibilités romanesques en en dilatant les contours, encore bien stricts à l’époque.
Ils ont dit de George Sand
Victor Hugo, après sa mort : « Je pleure une morte, je salue une immortelle ! »
Alexandre Dumas : « ce génie hermaphrodite, qui réunit la vigueur de l'homme à la grâce de la femme (…) s'accroupit aux extrêmes limites de l'art avec un visage de femme, des griffes de lion, des ailes d'aigle. »
Bertrand Tillier: « Ses contes ont deux niveaux de lecture : celui du merveilleux poétique attaché au monde de l’enfance et celui des interrogations existentielles que sont la vie, la mort, Dieu et le moi. »
Ernest Renan « Madame Sand traversa tous les rêves ; elle sourit à tous, crut un moment à tous ; son jugement pratique put parfois s'égarer, mais comme artiste, elle ne s'est jamais trompée. Ses œuvres sont vraiment l'écho de notre siècle. »
Fiodor Dostoïevski : « elle fut une femme d’une force d’esprit et d’un talent presque inouïs. Son nom, dès à présent, devient historique, et c’est un nom que l’on n’a pas le droit d’oublier, qui ne disparaîtra jamais. »
George Le Rider « Le fait même qu’on porte sur elle, aujourd’hui encore, des jugements contradictoires témoigne de la richesse de sa personnalité et du caractère toujours actuel des problèmes qu’elle a posés.