Aki Shimazaki est unique dans la littérature contemporaine. Elle arrive à écrire des magnifiques petites histoires , courtes, très simples comme prose, qui se passent toujours au Japon, et sont composées en séries, pourtant on peut les lire indépendamment. C’est intelligent, profond, pleine de sensibilité, et pour qui s’intéresse au Japon, à chaque livre on apprend quelque chose de nouveau. Et le plus important, c’est un grand plaisir de lecture, du moins pour moi. Voilà , je ne les compte plus, je ne sais plus au combientième je suis, les ayant tous lus, et dire que j’ai acheté mon premier vraiment par hasard dans une librairie sans en avoir aucune idée.
Donc Suzuran est le dernier publié et le premier d’une nouvelle série.
Shimazaki y aborde l’histoire de deux sœurs, dont je ne vais rien vous raconter.
Comme toujours chez elle on y retrouve l’attachement aux symboles, aux signes, à la destinée. Ici Suzuran est une fleure, le muguet, aussi le nom du dernier vase réalisé par la sœur artiste-potière , qui est la narratrice. Les détails de paysage, de la cuisine japonaise, des objets ( Ici les poteries dont les couleurs naturelles sont crées en brûlant du bois ), la signification des mots selon le mode d’écriture ( katakana, hiragana ou kanji, ) qui me donne chaque fois une envie folle d’apprendre ces écritures, bref tout, mais tout m’a plue, comme toujours, j’ai beaucoup aimé.
« Tu m’appelles sans voix, comme une clochette sans battant......»
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Dans le deuxième roman du nouveau cycle d'Aki Shimazaki on retrouve les parents des deux soeurs de Suzuran. La maman ayant la maladie d'Alzheimer, le vieux couple a emménagé dans “ une résidence pour aînés “ et leur maison rachetée par leur fille Anzu qui s'était remariée avec le fiancé de sa soeur décédée. le livre débute avec une scène tragique où la vieille dame un beau matin ne reconnaît plus son mari et paniquée va retrouver le personnel pour leur rapporter qu'un inconnu dort dans sa chambre.......La vieillesse et tout son lot de défaillance mentale et corporelle qui l'accompagne , est déployée ici par l'écrivaine avec beaucoup de finesse et de légèreté avec en prime la révélation de lourds secrets personnels de chacun des conjoints. Étrangement la maladie de la mère semble presque une délivrance pour cette dernière qui a oublié tout un passé pour ne se raccrocher qu'à un seul événement fatidique.
Comme toujours chez Shimazaki nous avons un symbole, cette fois-ci pas de fleur, mais une bête, "Abura-zémi ", une espèce de cigale, pour laquelle la vieille dame dans sa jeunesse avait composé une chanson, qui résume parfaitement son passé et son présent,
" Sémi, sémi, sémi, où te caches-tu ?
Après tant d'années sous terre
Tu n'as que quelques semaines à l'air
As-tu de la nostalgie pour ton long passé
Dans le noir "
C'est simple, beau, triste. Comme toujours lire Shimazaki est un plaisir de lecture pour moi. Et pour finir sur une note un peu plus gaie, la morale de l'histoire :
Mesdames si vous êtes mariée et avez moins de quarante ans, les nuits de pleine lune évitez d'aller seule au concert ou au théâtre 😁!
Vive la prochaine épisode !
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Troisième roman du dernier cycle romanesque d'Aki Shimazaki, où on retrouve Kyôko, la soeur aînée de Suzuran, la fille aînée de Semi, une femme de trente-cinq ans, célibataire, extrêmement belle et croqueuse d'hommes. Elle est secrétaire de gestion dans une grosse boîte américaine. Comme toujours on retrouve ici la signification divers des mots selon le mode d’écriture (katakana, hiragana ou kanji ) qu'utilise Shimazaki pour souligner leur importance comme symboles et signes du destin. le titre No-no-yuri, est à nouveau une fleur, le lys de la vallée, le nom aussi d'un restaurant qui symbolisera deux étapes dans la vie de Kyôko. Une touche de mystique s'y ajoute avec un passage de l'Ancien Testament , « Je suis la rose de Sharon, le lys des vallées. Comme le lys entre les ronces……. Pourquoi vous inquiéter au sujet du vêtement ? Considérez comment croissent les lys des champs… ».
Ces petits détails qui font le sel de ses récits malheureusement dans ce dernier livre restent insuffisants. L'histoire est banale et décousue, mal insérée dans ce cycle, et la prose s'essouffle. A mon avis lu indépendamment des deux autres, elle perdrait encore plus de son intérêt. Une déception pour moi qui a tout lu d'elle et tout aimé , à part un de ses livres.
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Mariko arrive au bout du long chemin de sa vie et va bientôt mourir. Elle emportera avec elle tous ses secrets. Des histoires d'un autre âge, d'un autre temps. A quoi bon les dévoiler ? Mieux vaut qu'ils disparaissent avec elle.
Mariko et sa petite-fille Tsubaki sont très proches l'une de l'autre. Tsubaki ouvre souvent son à coeur à sa grand-mère. « Il y a des choses qu'on ne peut pas dire aux autres », et pourtant Mariko décide de raconter son histoire, son histoire secrète, sa vraie histoire à Tsubaki quand elle lui raconte les avances pressantes que lui fait un de ses professeurs, des avances qui la troublent et dont elle ne se sent pas la force de résister. C'est l'histoire d'une innocence abusée par un homme plus âgé, sûr de sa force et de son emprise sur elle ; celle d'une femme de « mauvaise vie » que se met à aimer éperdument le bon Kenjie ; celle d'un amour sage et fou ; celle d'une trahison et des remords qui l'assailliront toute une vie ; celle d'une luciole (hotaru) tombée dans l'eau sucrée. Une histoire qui prendra fin dans le grand embrasement de Nagasaki.
Tsubaki retiendra-t-elle la leçon ou bien répétera-t-elle la même erreur avec ce professeur si (trop) sûr de lui ?
Hotaru clôt la pentalogie du « Poids des secrets ». Des secrets parfois dérisoires, parfois terribles, des non-dits, des hontes dissimulées qui, malgré l'amour, les sacrifices, l'opiniâtreté des personnages, bouleversent des existences entières, les tiennent en otage sur plusieurs générations.
Une expérience unique que la lecture de ces cinq petits livres ! Des drames humains au milieu des déflagrations de l'histoire, des amours naissants, des nouvelles espérances et des vieillards qui se retirent du jeu sans même se retourner, racontés dans une écriture douce, aimante, poétique qui toujours nous enveloppe…
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Voici tout juste 70 ans, le 9 août 1945, une bombe au plutonium baptisée par les américains “Fat Man” réduisait en cendres la région de Nagasaki et précipitait la capitulation du Japon.
Quelques heures avant l’apocalypse atomique, un homme dans la force de l’âge absorba sa potion matinale loin de se douter qu’elle contenait du cyanure de potassium. Par une incroyable coïncidence de l’Histoire, la meurtrière au nombre des rares survivants accomplissait le crime parfait.
Yukiko est aujourd’hui âgée. Demain elle ne sera plus de ce monde et sa fille Namiko connaîtra dans le détail le drame familial si longtemps enfoui dans son cœur. Le terrible secret est maintenant entre les mains de son notaire. Il est des cruautés que l’on ne peut pas emporter avec soi dans la tombe...
Premier volet de la pentalogie “Le poids des secrets”, “Tsubaki” est un petit bijou d’écriture à savourer l’espace d’une bonne heure. Ce roman sans fioriture marque, plus que sûrement, le début d’un long bail en compagnie de l’auteure Aki Shimazaki qu’il me tardait de découvrir.
En cette période de l’année les fleurs de camélia ne jonchent plus, intactes, le jardin d’agrément : dommage ! J’en aurais bien ramassé une avec corolle, étamines et pistil comme aimait tant le faire Yukiko.
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Une histoire pas si simple.
Tarô est un bon fils et un petit-fils affectueux. Tarô est sourd-muet et half, half parce que Japonais et Espagnol, du moins c'est ce que sa mère, Mitsuko, lui a dit. Mitsuko qui meurt jeune, dont le passé secret se révèle lourd de conséquences sur le projet de mariage de Tarô avec son amie d'enfance et fille de diplomate, Hanako.
Aki Shimazaki, que je découvre, n'a pas son pareil pour souligner avec concision et poésie le poids de la société japonaise traditionnelle sur les destins individuels. Ainsi de révélation en révélation Tarô, baignant dans une apparente légèreté et bienveillance, voit son avenir amoureux dangereusement s'assombrir... Comme sa mère avant lui, il est condamné à porter fardeau et chagrin.
« maïmaï, maïmaï [escargot],
Où vas-tu si lourdement ?
Que portes-tu dans ta maison si grande ?
Un chagrin ou un fardeau, ou bien les deux ?
Ah, tu ne peux qu'avancer, comme la vie !
Bon courage, maïmaï ! Adieu ! »
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Mitsuko est propriétaire d'une boutique de livres d'occasion. Elle y vend des ouvrages de philosophie, et les jolis signets en fleurs séchées de sa mère avec laquelle elle vit et élève le jeune Tarô, son fils eurasien sourd et muet. Mitsuko — une femme libre exerçant un autre métier, caché celui-là — qui ne s'intéresse pas à la vie des autres, et voit d'un très mauvais oeil l'intérêt que la femme d'un diplomate leur porte, à elle et à son fils...
Centrée sur la vie intérieure de ses personnages féminins qui confessent leurs préoccupations « élevées » sur la religion et la philosophie, sur le sens de l'existence, mais aussi sur leur vie intime avec la maternité : vouloir ou pas être mère ; l'avortement et l'adoption ; la sexualité et la difficile place des femmes, Aki Shimazaki, non sans poésie et réalisme, révèle l'ampleur du côté obscur de la société japonaise.
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Que dire d’un homme qui affirme, « J’ai besoin de maîtresses afin que notre mariage reste stable » ? Je vous laisse découvrir le reste de ses propos incongrus du même genre .....Nous sommes en présence de Gôro, un coco japonais, DonJuan arrogant de son état, la cinquantaine, « riche, gentil et généreux »,avec « un mariage stable », deux enfants ados et plus, et deux maîtresses. Il aime s’exhiber avec du beau monde. Il aime controller la vie de tout le monde.Il est Monsieur le Président, s’il vous plait ........mais l’homme parfait, n’est pas si parfait que ça et il y a toujours une fin à tout.....
Shimazaki est une orfèvre des mots. Elle confectionne des petits bijoux littéraires avec un matériel minimaliste: une prose simple et concise, le thème d’une fleur à plusieurs sens,le fil rouge de ses récits et la dimension psychologique enfouie, reliée au passé. Elle les orne avec des couleurs, des petits mets japonais qui vous mettent l’eau à la bouche,.......toujours tout en délicatesse. Elle me fascine aussi par ses références aux différentes écritures syllabiques japonaises et l’idéogramme chinois, utilisés pour écrire le japonais, le Hiragana, le Katakana et le Kanji qui reviennent ici à propos de « Suisen », le narcisse, titre du livre. Je l’ai quand même un tout petit peu moins aimé que ses autres livres......peut-être qu’à la longue le style lasse. J’en déciderais au prochain .....
« -Vous connaissez l’histoire de Narcisse ? Amoureux de son reflet dans l’eau, il y est tombé et s’est noyé. »
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« Il pleut depuis la mort de ma mère. »
Première phrase, étrange, énigmatique, de ce court roman. Un être aimé disparait et nous voilà brutalement enveloppé de cette tristesse qui grisaille tout autour de nous et en nous…
La vieille maman s'appelait Yukiko. Adolescente, durant la seconde guerre mondiale, elle habitait Nagasaki. C'est une rescapée de la bombe atomique qui pulvérisa la cité. Yukiko est une taiseuse qui rechigne à raconter cette abomination : ces milliers de femmes et d'hommes évaporés dans un souffle incandescent.
Yukiko a un lourd secret terré au plus profond de son âme. Ce fut grâce à ce lourd secret, cet acte funeste, qu'elle échappa au bombardement de Nagasaki tandis que son père y mourut. C'est avec soulagement que, dans son testament, elle le livre à sa fille.
Pour les enfants, les parents paraissent souvent lisses et sans histoires. Mais parfois, il suffit d'un petit papier oublié dans le fond d'un tiroir, d'une confidence qui s'échappe d'une porte entrouverte, d'un retour inopiné à la maison, pour qu'ils prennent soudainement conscience, les yeux écarquillés, de leur âpreté, de leur rugosité, de leurs mensonges et de leurs non-dits.
Le père de Yukiko, cet homme qu'elle aimait tant, qui lui apprit tant de choses, n'en était pas moins un homme cruel, tyrannique et manipulateur. Il fallait bien qu'elle libère tous ceux qu'il tenait sous sa poigne de fer.
Cette cruauté, Yukiko ne pourra jamais l'oublier ; une cruauté bien plus forte que la guerre et cette bombe atomique lancée sur Nagasaki.
Dans ces quelques feuillets qui accompagnent son testament, elle raconte aussi à sa fille son premier amour avec Yukio, prénom bizarrement si proche du sien. Son cri « Je t'attendrai toujours ! » résonnera sa vie durant à ses oreilles quand elle lui tourna à jamais le dos.
Au milieu de la grisaille tout autour de Yukiko et en elle demeure, comme une vaine espérance, le rouge des camélias, des « Tsubakis ».
Comment fait Aki Shimazaki pour parler d'autant de choses en si peu de mots et dans un style aussi épuré ? les méandres de l'âme humaine ; la détresse, le premier amour, l'amertume, et la cruauté ; une société corsetée ; le fanatisme des guerriers japonais et le carnage de Nagasaki ; le blanc de la neige, le rouge des camélias, et le vent qui souffle à travers une forêt de bambous.
Un livre rare qui m'a profondément ému.
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“Maimai, maimai,
Où vas-tu si lourdement ?
Que portes-tu dans ta maison si grande ?
Un chagrin ou un fardeau, ou bien les deux ?”
Maimai (escargot en japonais), naît avec sa coquille et la garde toute sa vie.
Si sa coquille est cassée, maimai se dessèche et meurt.
La coquille de Mitsuko, notre libraire / entraîneuse de bar, pour qui la connaisse des épisodes précédentes de la pentalogie de “L’ombre du chardon “, s’est cassée.
Tarô, son fils sourd-muet et sa mère sont désarmés face à cette mort prématurée,
« ...je me réveille souvent sur un oreiller mouillé de larmes. Je me répète: “Maman tu es bête....” ».
Quand à La Librairie Kitô ( prière en hiragana ) de Mitsuko, elle va devenir La Galerie Kitô et Tarô va rencontrer son premier amour d’enfance, portant prémonitoirement sur sa poitrine une broche en forme d’escargot, “mon cœur s’agite”.
Ai, ai, ai, les secrets, les secrets !...........
Chez Shimazaki, jusque dans la mort, tout est comme toujours, simple, net, doux et d’une sensibilité à fleur de peau. Les signes, les mots à double sens selon l’écriture, qui indiquent “une vie ailleurs”, font la richesse de ces textes à la prose si spartiate. Un monde où tout a un sens, une valeur. Un monde comme je l’aime. C’est d’ailleurs pourquoi j’aime tant ses livres.
“Chacun porte un fardeau.”
Merci infiniment Sabine pour ce beau livre touchant.
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Fuki-no-tô est le quatrième volet de la série “L'ombre du chardon”, dont j'avais beaucoup aimé Azami et Hôzuki et un peu moins Suisen. Ici on fait la connaissance d'Atsuko, la femme de l'amant du Mitsuko d'Azami et de Hôzuki.
Le dit amant et sa femme sont un des nombreux couples mariés « sex-less » au Japon. Une fois « la reproduction » assurée, à ce qu'il parait c'est une situation des plus normales, que la femme semble assumer sans grands problèmes, quand à l'homme, il va tout simplement voir ailleurs.
Atsuko, fermière, qui se cherche une assistante, embauche une vieille amie d'enfance Fukiko, en instant de divorce. Elle aussi suite à un mariage sex-less, le mari déjà occupé ailleurs, le quitte sans histoires, mais c'est un peu plus compliqué que ça.....
Aki Shimazaki aborde dans ce tome avec pudeur un sujet encore très tabou au Japon, aussi bien au niveau familial, social que du monde du travail. A la page 96-97 la petite histoire que raconte Fukiko à Atsuko résume l'essence de ce livre. Dénier sa propre nature, indubitablement résulte à la perdre à jamais.
Comme dans tout ses livres l'écriture est simple, limpide, on y retrouve l'attachement
aux symboles, aux signes, à la destinée.
Le fuki-no-tô, ce végétal voisin de la rhubarbe m'a encore une fois conquise !
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Enfin le nouveau Shimazaki ! C'est pire qu'une drogue ces petites histoires qui s'emboîtent, en pentalogies ( mais peuvent être aussi trés bien lu indépendamment ).
Hozuki est le second tome du nouveau cycle.Celles ou ceux qui ont lu "Azami", vont retrouver ici Mitsuko, premier amour de Mitsuo Kawano, qui l'avait rencontrée après vingt-quatre ans ,dans un bar de luxe,où elle travaillait comme entraîneuse.
Dans ce nouveau livre, Mitsuko s'y présente à la lumière du jour, dans tout un autre contexte. C'est une intellectuelle,qui lit de la philosophie et possède une petite librairie,"Kitô",où elle vend des livres d'occasion. Elle vit à l'étage avec sa mère et son fils métis et sourd. Sa vie clandestine au bar est réservée aux vendredis soirs, son " voyage d'affaires". Cette femme sous son apparence froide, austère et détachée, cache tout autre chose...
Sa prose, comme toujours d'une simplicité bouleversante, des phrases courtes et directes, qui vont droit au but, sans lyrisme nous parle ici d'amour maternel. On y retrouve son attachement aux signes, aux symboles et au destin avec l'interprétation des kanjis ( Les kanjis sont des caractères chinois – ou des caractères morphologiquement proches de ces derniers – dont la fonction est d'écrire une partie de la langue japonaise en associant à chaque signe une matrice de sens et de prononciations (aussi appelées lectures)-wikisource ), qui peuve donner lieu à différentes significations . Hôzuki, écrit en kanji en donne lieu à deux : physalis le fruit ( le titre dont le secret est dans le livre) et prière....car " les gens le prononcent souvent "kitô" ", par erreur", qui signifie prière.Cette double signification est-elle un jeu du destin?......d'autant plus que dans le langage des fleurs , ce mot signifie " le mensonge ".....
Inspiré d'une histoire vraie, entendue il y a quarante ans, un petit roman dérangeant qui nous prend aux tripes.
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Tout commence par le son grêle d'une clochette qui tinte au vent, un vent frais qui caresse la joue du vieux et paisible Kenji Takahashi, emporte au loin ses souvenirs pour les éparpiller sur un champs de myosotis (wasurenagusa).
Sa vie durant, Kenji a cherché le bonheur. Avec ses petits moyens, il se débat contre les traditions familiales, les mariages arrangés dans le but d'assurer une descendance, les interdits d'une société japonaise corsetée. Il se débat contre lui-même aussi, car souvent il atermoie, il hésite, il appréhende… Un combat hésitant pour imposer Mariko aux regards des autres. Mariko, cette « femme douteuse ». L'amour de sa vie.
Le vieux et paisible Kenji en a fini avec les projets d'avenir. Il est temps pour lui de se retourner, et de se souvenir de toute une existence, faîte de grands drames, d'épreuves, et d'une accumulation de petites joies ; une existence faîte de hasards et de décisions irréversibles… Et toujours l'image de ces myosotis, ces fleurs si belles, si délicates, si vulnérables, qui jalonnent chaque moment de sa vie…
Kenji découvrira un peu par hasard, un peu aussi grâce à un destin facétieux un vieux secret de famille tout à la fois dérisoire et terrifiant. Une hypocrise de plus, un mensonge de plus… Kenji aura un bref moment de révolte, mais la sérénité du sage, la quiétude de celui revenu de tout, finira par l'emporter.
Tout s'achève par un bouquet de myosotis emporté doucement par le courant d'une rivière.
Un grand petit livre, comme d'habitude ! le torrent des passions, une vie furieuse, la violence des interdits racontés avec des mots simples et une douce musique. Comme on se sent proche des héros de la fragile Aki Shimazaki.
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Pourquoi les hirondelles ont-elles disparu soudainement du ciel ? A peine se pose-t-on la question que déjà la terre tremble sous nos pieds.
La petite Yonhi fuit avec sa mère la ville ravagée par les secousses meurtrières d'un séisme. Pour la mettre à l'abri du tumulte, elle la confie à un prêtre non sans lui promettre qu'elle reviendra bien vite la chercher. Yonhi a attendu longtemps sa maman.
Yonhi est une vieille dame maintenant. Elle a même des petits enfants, mais elle attend toujours sa maman…
Tsubame, c'est l'histoire d'un éternel recommencement : celui des étrangers qu'on exècre, qu'on rejette, qu'on accuse de tous les maux, et qu'on finit par massacrer. Au japon, les Coréens. Les juifs en Europe. Ailleurs, d'autres peuples avec d'autres croyances…
Tsubame, c'est l'histoire d'une femme qui décide d'occulter son passé et ses origines, et qui les retrouve soudainement au crépuscule de sa vie à la faveur d'un évènement.
Tsubame, c'est l'histoire d'une vieille dame qui retrouve sa maman et son papa, et qui décide d'éloigner à jamais ses fantômes de ses enfants et petits-enfants qui ont toute une vie à construire.
Tsubame est le troisième tome du « poids des secrets ». L'histoire d'une fratrie vue à des époques et sous des angles différents. Ce petit livre peut toutefois se lire individuellement.
Un grand petit livre. Comme d'habitude avec Aki Shimazaki. Que d'émotions, de grâce et de pudeur à travers ces phrases si courtes, si simples, à travers cette épure. Comment fait-elle ?
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Une longue vie commune peut être chargée de secrets inavoués que les maladies de la vieillesse révèlent inopinément. Ainsi Fujiko, atteinte de la maladie d'Alzheimer, avoue à son mari, Tetsuo, une très ancienne liaison d'un soir et qu'elle se savait trompée par lui. Des révélations qui plongent celui-ci dans un monde de perplexité et remettent en cause le vieux couple. D'autant que bientôt Fujiko ne reconnaît plus Tetsuo le prenant pour son fiancé et exige une séparation de leur espace de sommeil.
Aki Shimazaki en montrant à quel point la vieillesse n'est pas forcément un moment de sérénité est proche d'une réalité que chacun peut vivre avec ses parents vieillissant et malades. Une forme de violence pour un vieux couple et pour son entourage susceptible de bouleverser toute une famille et d'imposer de nouveaux codes de fonctionnement, mais aussi de faire naître un véritable amour enfin libéré de ses malentendus. Un amour à l'image de l'abura zémi, une cigale dont les larves restent longtemps enfouies avant de s'envoler pour un mois seulement, évoquant ainsi l'éphémère de la vie. Sans aucun doute, comme les précédents, un deuxième opus d'une nouvelle série poétique et touchant à l'essentiel.
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Atsuko est une femme heureuse, son mari qui lui a été infidèle est revenu à de meilleurs sentiments. Il a quitté sa maîtresse et son travail en ville pour rejoindre sa famille à la campagne et a créé une revue dans la petite ville voisine de l'exploitation agricole biologique de sa femme. Un bonheur conjugal et familial retrouvé, bientôt perturbé par l'arrivée à la ferme d'une employée, Fukiko, qui n'est autre qu'une amie de lycée d'Atsuko, toujours amoureuse d'elle...
Dans fuki-no-tô, avec délicatesse et subtilité, Aki Shimazaki aborde l'épineux problème de l'homosexualité au Japon. Un pays où semble-t-il se déclarer homosexuel ne va pas de soi. On se souvient des tourments de Mishima face à son homosexualité traduits dans l'admirable Confession d'un masque. Sans avoir la violence du livre de Mishima Fuki-no-tô montre, soixante-dix ans après, la persistance du poids de la société japonaise traditionnelle normative dans la sphère la plus intime de l'individu, sa sexualité.
« Une personne qui porte un masque s'expose à [un] danger. C'est ce que je ressens lorsque je vois du théâtre nô. ... Fukiko tourne la tête vers la fenêtre. Je réfléchis. Son masque est jeté après tant d'années. Elle aura besoin de temps pour se remettre de cette longue période où elle essayait d'être « normale ».
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Hôzuki est le second roman du cycle L'ombre du chardon commencé en 2014 par Aki Shimazaki avec le magnifique opus Azami. Chaque volume peut être lu séparément, on retrouve néanmoins un lien, Mitsuko, l'entraineuse du premier volume aux commandes de sa librairie de livres d'occasion spécialisée en ouvrages philosophiques. Elle élève seule son jeune fils sourd et muet et mène donc une double vie pour assurer leur indépendance financière.
La brièveté des romans de Aki Shimazaki continue de m'étonner. Comment réussit-elle en si peu de pages à capter totalement l'attention de son lecteur et à l'embarquer dans son univers, japonais, subtil, poétique et si pertinent ?
C'est beau, fort, bref j'apprécie énormément la parenthèse littéraire que je vous conseille vivement de déguster d'une seule traite, deux heures de mystère, de charme et de réflexion sur la force du lien maternel.
Un petit bijou de concision dont la consistance n'est pas sans me rappeler la prose d'un Stefan Zweig, chacun avec son style unique.
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