Mille et un mots d'amour , mille et un sentiments, mille et un sourires, mille et une larmes, mille et un pincements au coeur, mille et uns visages, mille et unes étoiles, mille et uns souvenirs, mille et uns petits riens qui sont mille et un grand tout ont accompagné ma lecture de ce récit qui se lit comme un conte, comme une fable, comme un roman, comme une poésie.
Je ne suis pourtant pas issue de l'immigration mais faut il l 'être pour être emportée dans ce tourbillon d' émotion ?
Oui, je triche un peu, beaucoup, passionnément à la folie parce que j'aime cette communauté où j'ai trouvé ma place d'abord dans le coeur celui qui m'accompagne depuis bientôt 40 ans, dans le quartier populaire où ont grandi nos enfants,dans notre histoire familiale, amicale et dans notre appartenance au rejet que nous avons du apprivoiser.
Plus tout à fait française, pas tout à marocaine et pourtant mille et une raisons d'être les deux en étant celle que je suis devenue.Maman des quartiers populaires et parent d'élèves qui recevait comme un coup de couteau en plein coeur, lors d'une réunion, que le pédibus ne passerait pas par la rue Horace car c'était trop compliqué de gérer les enfants qui y habitaient.
Là où on voyait des sauvages, je voyais mon foyer.
Alors oui ce livre m'a infiniment touchée.
Le pédibus est ressorti mais tant d'autres mille petits riens contenus dans des phrases dévastatrices.
Mais il y a eu aussi le visage de Madame Sakali qui m'a raconté un jour son secret pour que chacun de ses six enfants se sentent unique.Comme la maman de Salima elle disait à chacun, au creux de son oreille, qu'il était son préféré.
Le visage de Madame Ajaoun et de son éternel sourire, le rire en cascade de Madame Mokhtari lorsque nous courions après le bus.
Le visage de Madame Kerkoub qui m'était si familier et apaisant.
Ces visages la étaient mon monde, dans l'immeuble où mon foyer était mon royaume.
Je ne sais pas toujours où est ma place dans tout ça après toutes ces années, mais ce récit m'a percutée de plein fouet.
Petite fille française de parents français, je suis l' épouse d'un marocain venu du Maroc mais qui est aussi français, nos enfants portent des prénoms arabes, notre nom de famille est arabe, notre premier né est enterré dans un cimetière musulman dont la tombe à été profanée en 2004.
Que faire de tout ça dans un monde de plus en plus hostile ?
Continuer à avancer, continuer à être riches de ce que nous sommes,continuer à aimer nos quartiers, nos cuisines mélangées, nos mots inventés aux mille et une couleurs d'ici et d'ailleurs....malgré tout et pour tout.
Pour ces jeunes, pour ces portes fermées que nous voulons ouvrir, pour que le pédibus passe par la rue Horace, pour qu'enfin cesse ces mille petits riens qui nous ramènent toujours à faire de nous des citoyens de seconde zone.
Même si ce récit me rend triste il a le pouvoir de l'arc en ciel car il est lumineux, incroyablement vivant, touchant, drôle,bouleversant humain, vibrant. Il est un hymne à l'amour et Salima est une héroïne , une princesse, une combattante, un peu comme Yto, la magnifique Yto du Moyen Atlas.
Une petite fille, femme en devenir qu'on aimerait avoir comme amie.
Alors je garde serré dans ma main la bille araignée, la préférée de Salima, pour me rappeler et rappeler au monde que nous sommes là, je la garde dans le creux de ma main et elle roule dans mon coeur où les mots de
Fatima Ouassak encore une fois m'ont tant émue avec ce récit dont l'insondable beauté, tant elle est grande, seront mes anges gardiens.