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EAN : 9782021515527
432 pages
Seuil (10/05/2024)
4.21/5   7 notes
Résumé :
2030. Cliff se rend en Sibérie pour poursuivre le travail de sa fille récemment disparue. Dans le cratère de Batagaika, les archéologues étudient la fonte du permafrost et les restes parfaitement conservés d’une enfant, porteurs d’un virus inconnu…

Une épidémie va bouleverser la vie sur Terre et obliger les générations suivantes à s’adapter à ce fléau mortel. De nombreux destins vont se croiser à travers le temps et l’espace : dans un parc d’attractio... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Quand on porte comme prénom l'appellation d'un arbre, quoi de plus logique que de se lancer dans une histoire aux multiples ramifications. Sequoia Nagamatsu nous emporte Plus Haut dans les Ténèbres, un titre comme un paradoxe, mais tellement bien vu.

Ce texte est une effervescence, une pure exaltation de lecture, un bouillonnement d'idées et d'émotions, sombres ou lumineuses.

Tout débute dans un futur proche, en Sibérie, avec la découverte des restes d'un enfant, vieux de plusieurs milliers d'années. La fonte des glaces fait émerger des vestiges disparus, dans cette « sorte de machine à laver qui mélange l'ancien et le nouveau », comme le dit joliment l'un des personnages.

Les conséquences du réchauffement climatique iront bien au-delà de ces découvertes, avec la mise à l'air d'un virus inconnu qui va se propager comme une traînée de poudre.

Ce roman atypique est l'histoire de ce qu'il advient ensuite, en s'éloignant sensiblement par la forme et par le fond de la plupart des histoires du genre. le monde tel que nous le connaissons se dérègle, la maladie et la mort prennent une tout autre place dans le quotidien, mais le récit de l'auteur a une autre ambition que de seulement détailler ce chamboulement.

La forme frappe rapidement, tel un recueil de nouvelles qui donne la parole à différentes voix, mais reliées plus ou moins directement en elles. Un récit choral, comme autant d'instantanés de vie. Avec toujours les émotions en ligne de mire, toujours les ressentis mis en avant.

Ce sont des récits d'acteurs de la dépression, débutant vers 2030 et avançant dans le temps.

L'écrivain hawaïen édite un magazine consacré à la prose innovante, et le moins que l'on puisse dire c'est que ce livre est un pur bonheur d'écriture créative, toujours au service de l'humain. Il ne s'agit pas d'un projet expérimental, mais bien de faire preuve de créativité pour développer des histoires profondément humanistes.

Outre les descriptions, parfois étonnantes, d'un monde qui s'adapte, ces histoires mettent la mort au centre, en parlant des vivants. En parlant de différentes manières de faire son deuil, de manières de dire adieu, de regrets aussi.

Ces textes, et leur fil rouge, questionnent sur la manière d'exister après la mort de proches, des souvenirs des disparus. Mais aussi de seconde chance, de culpabilité du survivant, de la capacité à croire encore et à combler le vide.

C'est souvent déchirant, mais pas uniquement plombant, les mots servent de porte diaphane pour laisser entrevoir la lumière. Ce que laisse transparaître chaque partie touche au coeur autant que stimule l'imagination. L'inventivité de l'auteur est toujours mise au service des personnages, c'est la force de ce roman. Avec l'espoir qui reste encore bien là.

Le fléau dont il est question a modifié la manière de mourir. La mort est devenue un commerce comme un autre et le quotidien a vu l'apparition de nouveaux rituels mortuaires. Comme il est dit dans un des textes, « La mort est devenue un mode de vie ».

Le style est accessible puisqu'écrit à la première personne, c'est cependant un livre qui demande un certain investissement au lecteur pour bien profiter de ces différentes tranches de vie. Ces histoires le lui rendront au centuple, tant la puissance d'évocation est importante.

Plus Haut dans les Ténèbres est un voyage marquant, dans le temps, l'espace et surtout les émotions. le livre de Sequoia Nagamatsu prouve qu'on peut encore faire preuve d'une belle et touchante créativité tout en veillant à toujours rester au plus près des personnages, à presque leur tenir la main.
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Contrairement aux idées reçues, la science-fiction n'est pas tant une littérature du futur qu'un reflet de notre présent.
À ce titre, nombre de romans récents parlent de pandémies et de réchauffement climatique, deux sources de terreur pour les générations à venir. Si Kim Stanley Robinson nous proposait des solutions radicales dans le Ministère du Futur et si Chuck Wendig nous prenait au piège de son palpitant thriller dans Les Somnambules, Sequoia Nagamatsu choisit une autre voie. Diplômé en anthropologie, l'américain a également vécu deux ans au Japon avant de se mettre à l'écriture.
Après un premier recueil de nouvelles en 2016, il se fait remarquer avec la publication de son premier roman — en réalité un fix-up de nouvelles — en 2022 qui recoupe justement pandémie et changement climatique.
Plus haut dans les ténèbres trouve finalement son chemin dans l'Hexagone grâce aux éditions Seuil sous une traduction signée Henry-Luc Planchat.

Plus près de toi, toujours
Autour de quatorze histoires courtes, Sequoia Nagamatsu raconte une fin du monde qui n'advient pas, une fin du monde qui commence en Sibérie lorsqu'une équipe de chercheurs tombe par hasard sur le cadavre gelé d'une Néandertalienne suite à la fonte de glaces causée par le réchauffement climatique. En chutant dans cette grotte, Clara trouve la mort et son père, le Dr Cliff Miyashiro, se rend sur place à la fois pour examiner cette fabuleuse découverte mais aussi pour faire le deuil d'une fille qu'il ne comprenait plus. Petit à petit, une menace émerge de cette sépulture millénaire, un virus endormi qui se réveille et va contaminer les membres de l'équipe…puis le monde.
Et pourtant, dès cette première nouvelle, on sent que l'auteur n'est pas tant là pour montrer le déroulement d'une pandémie que pour s'intéresser aux répercussions intimes d'un désastre. Alors que la contamination devient évidente, Cliff parle de sa fille, Clara, et de sa relation complexe envers cette jeune femme qui a choisi de combattre le changement climatique au lieu de contempler impuissante son avènement…
Dès le second récit, La Cité des rires, Sequoia Nagamatsu touche au sublime en imaginant un parc d'attractions créé dans un seul et unique but : l'euthanasie des enfants. On y suit le quotidien difficile de Skip, petit humoriste raté, qui endosse un costume bariolé afin d'accompagner les derniers instants de ces gamins condamnés. Ici, le rire est la règle avant le silence final sur le Chariot d'Osiris, immense montagne russe de la mort.
C'est au cours de ce sinistre travail que Skip rencontre Dorrie et son fils, Fitch. Une relation d'amitié se noue entre eux alors que la fin semble déjà écrite. L'horreur silencieuse de l'endroit ainsi que tout ce que cela dit de notre difficulté à affronter la mort, surtout lorsqu'elle concerne un enfant, transforme le texte en un véritable chef d'oeuvre, une merveille sensible et poignante qui arrache le coeur dans les dernières lignes, dans la dernière montée. Tout du long, Sequoia Nagamatsu tisse une ample réflexion sur notre capacité à regarder la fin, à accepter l'inévitable et à nous soutenir malgré la tristesse, malgré la colère. Des éléments centraux pour la suite qui définissent au mieux ce que tente de dire Plus haut dans les ténèbres.

En souvenir de nous
Parfois, le roman vire au surréaliste, au fantastique. Comme lorsque des patients dans le coma se retrouvent dans un insondable néant pour regarder le passé des uns et des autres à travers d'immenses sphères.
D'autre fois, la fiction dépasse la science avec ces cochons qui servent de réservoirs à organes pour les patients en attente de greffe et où l'un d'entre eux acquiert la possibilité de parler par télépathie et de penser.
Ailleurs encore, c'est le lien entre un homme, son fils et des cyberchiens qui permettent de conserver des bribes de souvenirs d'une mère et épouse emportée par la pandémie.
Sequoia Nagamatsu regarde ce qu'il reste après la mort de ceux que l'on aime, comment l'être humain tente de s'attacher à des choses plus ou moins grotesques pour faire vivre le souvenir le plus longtemps possible.
Ainsi, la science-fiction en elle-même passe au second plan. Ce n'est pas tant l'exploit constitué par un cochon qui pense que ce qu'il représente pour le chercheur qui s'en occupe, ce n'est pas l'incroyable technologie derrière le cyberchien capable d'imiter à la perfection un compagnon à quatre pattes, mais ce qu'il offre en retour à ceux qui pleurent leurs disparus. Un objet d'attachement, transitionnel. Un objet de deuil.
Au gré des récits, l'américain parle de regrets et de blessures secrètes, de façon d'affronter le réel, en fuyant pour bosser dans un hôtel funéraire ou en égrénant un compte à rebours musical avant la fin.
Et surtout par le sens du don de soi, du sacrifice.
Ce moment où l'intérêt de l'autre prend le pas sur celui de l'individu.
On croise notamment un scientifique avec un trou noir dans la tête qui s'en servira ensuite pour trouver un moyen d'envoyer les hommes dans l'espace. Ce qui n'est pas bien différent de ce qu'a fait Clara au début du roman pour combattre le changement climatique en abandonnant jusqu'à sa propre famille, ou ce que fera un cochon devenu conscient et sensible en sacrifiant ses organes pour qu'un autre vive.
Plus haut dans les ténèbres tourne son regard vers l'être humain et y trouve, encore, de la beauté.

Les détails de l'infini
Mais ce qui achève véritablement de convaincre le lecteur, c'est que Sequoia Nagamatsu n'est pas là pour conter une apocalypse puisqu'il choisit d'y trouver un remède. Il choisit une humanité qui gagne.
En réalité, l'américain regarde les conséquences de cet évènement terrible, l'empreinte qu'elle va laisser sur la société et l'être humain, de quelle façon la pandémie rendra l'homme meilleur… ou pas.
C'est dans l'intime que Nagamatsu est le meilleur, le plus grand et le plus pertinent. Lorsqu'il parle de familles brisées et de générations qui ne se comprennent plus, de racines difficiles à retrouver et de peurs complexes à gérer. Que l'on soit un voisin vivant en reclus ou une immortelle qui semble avoir déjà tout vécu.
De façon surprenante, Sequoia Nagamatsu conclut son récit par une histoire presque mythologique, déroulant un sense-of-wonder complètement inattendu mais fantastique dans son exécution, un sense-of-wonder qui finit par rapprocher l'immense et le dieu de l'humain et de l'infiniment petit : nous, êtres incohérents doués d'amour.
Hier rejoint demain et l'auteur achève un récit douloureux qui montre encore une fois que la science-fiction est avant tout une aventure humaine.

C'est au plus profond du drame que se révèle la beauté et la fragilité de l'homme. Sequoia Nagamatsu imagine une fin du monde qui n'en est pas vraiment une, une fin où le deuil devient l'élément central du récit. Incroyablement beau et sensible, Plus haut dans les ténèbres cherche l'espoir après la fin, encore et encore.
Lien : https://justaword.fr/plus-ha..
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Extrait de ma chronique :
"Cette structure narrative est particulièrement adaptée au but ici poursuivi par Sequoia Nagamatsu : décrire les conséquences, immédiates et lointaines, d'un événement catastrophique, une pandémie, dans la communauté asiatique d'Amérique (symptomatiquement, seules 3 des 14 nouvelles se situent au Japon, à savoir la #6, "Parle, va chercher, dis je t'aime" ; la #11, "Triste nuit au cybercafé de Tokyo", la seule à être écrite à la troisième personne ; la #13, "Les amis du tombeau", et encore, la narratrice est une immigrée revenant au pays).


Aucun de ces deux choix n'est bien sûr un hasard (même si l'écriture du livre a commencé bien avant la pandémie de Covid-19, comme le souligne Lincoln Michel dans le New York Times, il a été poursuivi en plein milieu, comme le remarque Nina Allan dans le Guardian) :

– même si elle ne se transmet pas de la même manière ("presque tous les cas de contamination d'adultes sont dus à l'eau, à la nourriture et aux relations sexuelles", page 195) et n'a pas du tout les mêmes effets (elle provoque une "transformation des organes internes", page 105), "la peste sibérienne" (page 47) est un avatar évident du Covid-19, avec des conséquences sociales similaires (page 193 "le fait d'être confinés ensemble tout le temps" détruit les couples, mais distend aussi les liens familiaux, j'y reviendrai) ;

– sans même parler de la recrudescence de racisme qu'elle a subi lors de l'apparition du Covid-19 (ici symbolisée par les propos outranciers d'un présentateur complotiste, page 103, "Evitez ces saletés de sushis"), la communauté asiatique est, si je puis dire, un bon thermomètre des changements de fond qu'entraîne une pandémie sur les liens familiaux ou le rapport à la mort (deux aspects essentiels dans la culture japonaise, c'est un truisme de le dire)."
Lien : https://weirdaholic.blogspot..
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Ce roman est une sacrée surprise, un vrai souffle littéraire dans la manière d'écrire et d'organiser la construction du récit. Je parle d'abord de la forme parce que c'est cela qui m'a le plus surprise. C'est écrit de manière originale et surprenante, à la manière d'un puzzle, dans lequel chaque chapitre serait une pièce. Mis ensemble, cela forme un petit chef d'oeuvre.

Même si je dois avouer que cette construction m'a aussi un peu déroutée et provoqué dans mon coeur de lectrice quelques petites frustrations. En effet, chaque chapitre introduit un nouveau personnage, un nouveau point de vue de l'univers créé par l'auteur, et donc l'enrichir au fur et à mesure, mais apart quelques clins d'oeil dans les chapitres suivants, on abandonne généralement les personnages en bord de route, et j'ai ressenti un petit goût de trop peu, de curiosité de savoir ce qu'il leur arrivera ensuite.

Le thème de l'anticipation est très bien amené, l'écriture est fluide et agréable. Cela a vraiment été une bonne lecture.
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critiques presse (1)
LeMonde
27 mai 2024
Roman choral à l'architecture déroutante, « Plus haut dans les ténèbres » brille par son exquise cohérence.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Je baissais la tête en signe de respect. Autrefois, c'est ainsi que nous considérions la mort. Mais quelque chose s'est brisé en nous quand nous n'avons plus été capables de gérer le nombre des morts et de leur dire adieu. Les entreprises de suspension cryogénique ont proliféré, ainsi que les hôtels mortuaires, ou les sociétés qui préservent vos défunts dans des positions amusantes, ou encore les compagnies de transport qui promettent un départ "naturel" des morts.
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En sortant de la voiture, j'ai eu l'impression d'arriver dans un pénitencier qui dissimulait sa véritable fonction. Il restait des clôtures de fil de fer barbelé, et même si les vieilles plaques de balisage avaient été retirées des murs, on distinguait encore clairement le contour des mots PRISON D'ETAT.
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Même de notre quartier résidentiel, il était difficile de ne pas voir les tours funéraires les plus proches. C'était la même chose à Chicago ou dans n'importe quelle grande ville – on trouvait partout des gratte-ciel convertis en nécropole. Tout le monde semblait se rendre à des funérailles ou en revenir. La mort était devenue un mode de vie.
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Pas de bavardages ou d'échanges de potins entre voisins. Chacun de nous portait en permanence des funérailles dans son coeur et dans son esprit, gardait les yeux fixés sur le sommet d'Osiris.
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La peau de mes bras me paraissait anormalement pâle, presque translucide, comme si je me transformais en une créature des profondeurs marines.
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