« Quand je suis seul et que je peux rêver
Je rêve que je suis dans tes bras
Je rêve que je te fais tout bas
Une déclaration, ma déclaration… »
La déclaration mais au masculin cette fois…
« Mais si tu crois un jour que tu m'aimes
Ne le considère pas comme un problème
Et cours et cours jusqu'à perdre haleine
Viens me retrouver… »
Message personnel, au masculin aussi.
Je site
Michel Berger et pourtant, en lisant cet ouvrage, j'entendais la voix d'Yves Simon, le voyageur magnifique. Je lisais les mots de
Nicolas Mathieu (tiens, deux prénoms également) mais avec le phrasé singulier du fumeur de gauloises bleues qu'il coupait souvent en deux, la, la, la.
Pourquoi ?
Parce que je retrouve dans ces courts textes assemblés ici la même désinvolture énamourée qui animait le pays des merveilles des chansons qui ont baigné mes années de jeune homme.
J'y retrouve la distance qui sublime l'absence et le désir qu'elle suscite et attise.
Ah, l'attente !
Chez Simon, c'était des chansons gravées dans le vinyle noir des 33 tours glissés méticuleusement dans des pochettes 30 centimètres. Ici, chez Mathieu ce sont des posts dématérialisés destinés aux écrans multiformes des réseaux dits sociaux.
Deux époques, deux modes de communication, deux supports pour délivrer pourtant un même message intemporel: Je pense à elle tout le temps.
Des mots choisis, écrits à l'attention exclusive de l'être aimé éloigné mais pourtant soumis à l'écoute ou la lecture de tous.
Une intimité impudiquement dévoilée parce que trop impétueuse pour n'être vécue qu'égoïstement, seul.
Deux ou trois choses pour elle.
Un pétillant vin fou qui, en mousse, déborde de sa coupe et se répand pour que se partage la promesse d'une ivresse collective.
Un homme, une femme (sans cha bada bada), un adultère, les draps blancs froissés des hôtels anonymes du fugace moment d'étreinte de l'après-midi puis chacun vaque et dérive avec ses sentiments.
Des instantanés.
Des instants tannés, le cuir de la vie.
Des instants taris aux amours finies.
Mélancolie !
Nostalgie !
Il y a le voyage et les trains aussi comme les rames du métro parisien au service d'un imaginaire poétique qui idéalise un quotidien par trop vulgaire.
Sans parler du temps qui passe, de la jeunesse qui s'enfuit et la vie aussi, attention futur, les solitudes ont la vie dure !
D'Yves Simon, je connais presque toute l'oeuvre par coeur, de
Nicolas Mathieu je n'ai lu que deux romans totalement aux antipodes de cet ouvrage-ci : ‘
Aux animaux la guerre' et ‘
leurs enfants après eux', deux récits terriens totalement ancrés dans un quotidien austère et pragmatique voire animal qui ne laisse aucune place à la rêverie.
Ici c'est tout l'inverse.
Le mot est roi et le style magnifique qui vous envole comme vous emporte un refrain bien troussé ou vous désaltère par un été caniculaire comme un diabolo-menthe.
Etrange cohabitation cependant que l'idée du post pour futile social réseau et du pérenne style littéraire qui pourtant fonctionne à merveille comme jamais elle n'a fonctionné quand elle était politique.
Etrange compilation que ces billets qui dessinent une vie en filigrane où resurgit l'enfance déjà lointaine quand les premiers assauts du temps forcent à prendre conscience de la finitude et du court passage par le monde.
Un recueil épistolaire à plume et à sens uniques, comme une bouteille à l'amertume du souvenir d'une relation posthume mais vive dans la mémoire virtuelle d'un lointain serveur informatique, exhumée pour que jamais ne meurent vraiment les amours pourtant déjà mortes.
Qu'est-ce que sera demain, début ou la fin ?
Merci à Patoux, Yael et Yvan qui ont mis cet ouvrage sur mon chemin.
PS : lisant sur une liseuse électronique en noir et blanc, je n'ai pas pu profiter des dessins qui agrémentent le texte que je ne commente donc pas.