C'est le genre d'essai dont on ne trouvera trace nulle part dans les médias mainstreams aux heures de grande écoute, celles qui façonnent la manière de penser de la majorité, qui fabriquent son consentement.
Au mieux certains intellectuels s'appuieront sur des réflexions similaires à celles de ce livre pour produire leur propre corpus (je viens d'en voir un nouveau en librairie) et seront invités dans les quelques émissions confidentielles existantes mais qui ne touchent qu'un public restreint.
Dommage car c'est exactement ce dont nous aurions besoin pour comprendre le monde et donc agir intelligemment pour y survivre.
Ce n'est pas un essai malgré mon introduction mais une compilation d'articles, de textes issus d'auteurs très variés. Y écrivent une dizaine de nationaux de pays du Sud, deux Russes et un Chinois, et pas mal d'Américains (dont étasuniens) et Européens. Cela donne quelque chose de très différent de l'habituelle logorrhée « occidentalo-centrée » que nous servent les éditorialistes français autorisés à penser pour nous.
Ecrites de Pékin, Moscou, Delhi, São Paulo, Istanbul, Téhéran, Dubai, Riyad, Hong Kong, Johannesburg, Dakar, Washington, New York, Londres, Vienne, Berlin et La Haye, il n'y a pas d'équivalent aujourd'hui en termes d'analyse sur ce conflit à l'issue duquel, pour reprendre les mots introductifs de l'auteur qui a supervisé la récolte de ces contributions "il n'y aura pas de retour en arrière, pas de « restauration » du monde d'avant."
Pour illustrer cette "critique", j'ai hésité à parler brièvement d'une contribution originale, hésitant entre celle d'Arabie saoudite, de Turquie, d'Inde, et je me suis hier décidé pour celle du Brésil, grâce au président Luiz Inácio Lula da Silva que les adeptes de la démocratie ne pourront pas ranger dans le camp des dictateurs et qui en ce moment même prêche pour la cessation des hostilités et la tenue de négociations sérieuses entre protagonistes, loin de l'influence des éternels promoteurs de guerre.
Le contributeur Brésilien se nomme Oliver Stuenkel, il est professeur de relations internationales à la Fondation Getúlio-Vargas. Il a été l'un des premiers penseurs du monde postoccidental et de la montée en puissance des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud).
Il nous propose une analyse basée sur la méfiance du Brésil envers son puissant voisin du Nord (les états-unis) qui a toujours considéré l'Amérique du Sud comme son pré-carré. Il détaille l'évolution dans la continuité de la pensée des différents chefs d'état de ce pays. Dès les années 1990, alors que l'Occident célébrait la fin de la guerre froide, les diplomates brésiliens regardaient l'effondrement de l'Union soviétique avec prudence. Ils craignaient l'avènement d'une hégémonie américaine totale. C'est ainsi que la Zone de libre-échange des Amériques, lancée par le président
Bill Clinton en 1994 a été balayée. Pareil pour une coopération avec la Colombie dans sa lutte contre les FARC pour faire cesser la guerre civile de l'autre côté de sa frontière : bloquée car risquant de légitimer une présence militaire étasunienne sur le sol sud-américain. L'essor de grandes puissances comme la Chine et la Russie aident le Brésil à restreindre la marge de manoeuvre des États-Unis en Amérique latine. Il y a donc un consensus politique selon lequel une « position neutre » constitue la meilleure stratégie dans un monde postoccidental régi par les grandes puissances. Bien qu'ayant largement profité de l'"ordre ancien", les soixante-quinze ans suivant la Seconde Guerre mondiale ayant permis au Brésil un développement remarquable, ces dernières années ont consacré sa nouvelle place comme interlocuteur légitime dans les forums diplomatiques internationaux. Il compte parmi les pays qui occupent le plus souvent un siège de membre non permanent au Conseil de sécurité des Nations unies. À l'Organisation mondiale du commerce (OMC), le Brésil remporte presque tous ses litiges commerciaux... Ces liens économiques étroits qu'il entretient avec tous les pôles de pouvoir, Pékin, Moscou ou l'Occident, (depuis plus de dix ans, la Chine est devenue le premier partenaire commercial du pays bien que le montant global des investissements de l'Union européenne, devant celui des États-Unis, est le plus grand) le placent en position d'arbitre pour la résolution de problèmes mondiaux dans un monde postoccidental sans avoir à "choisir un camp".
Avec un atout de taille : la forêt amazonienne et son impact dans les problèmes écologiques planétaires...
Voilà un exemple simple, non polémique, qui éclaire la situation et la vision "décalée" sur le monde qui advient.