Comment a-t-on pu en arriver là ?
La Rune et le Code, premier tome d'une saga projetée, la branche littéraire du jeu d'échanges de cartes NFT, Cross the Ages, m'a initialement intrigué avant de doucher mes espoirs. L'auteur,
Arnaud Dollen, s'est entouré d'un collectif d'écriture pour l'élaboration des personnages, des émotions, de l'univers... J'ai trouvé le livre aussi original dans son univers, dans son équipe de rédaction qu'étonnamment et bizarrement dépassé dans sa rédaction.
J'admire le travail d'élaboration du lore, l'inventivité derrière les concepts et les personnages mais je trouve navrant l'absence d'âme du livre. Je n'ai rien reçu en lisant le livre. On ne s'attache qu'à Solis et l'Ordonnateur, les autres personnages ne laissent ni chaud ni froid. Ils montent en scène, déclament quelques paroles creuses et s'en vont et aucune saveur ne parvient à nos papilles. Pourtant, leurs styles devraient intriguer : des ninjas ultra-équipés, des mages élémentaires, des politicards de haut niveau de politicien.
Mais beaucoup des personnages devant être importants ne sont guère bien écrits. Aurèle, le jeune gladiateur mais décrit comme un vieux loup de mère de l'arène, on ne sait pas qui il est mais on ne veut pas forcément le savoir. Il amène avec lui un mystère pas mystérieux et pas intéressant, il n'est ni attachant ni détestable. L'antagoniste principale est cachée mais réserve elle-même une salle de réunion au vu et au su de tous. Même moi suis capable de mettre une réunion en privé. Un complot se trame contre la reine, tout le monde prend le risque de perdre la tête, mais ils se rendent tous aux réunions de complot pépouze, sans que ça n'attire l'attention de personne alors que les registres sont tenus au cordeau par l'administration Arkhante.
Les personnages secondaires n'inspirent rien. le garde du corps principal est un rocher physique et psychologique mais fait sa crise de nerfs à n'importe quel occasion. La nourrice est fidèle mais pas fidèle mais fidèle, bof.
On n'a que peu de bons personnages : Solis est particulièrement intéressante. Elle dégage un sentiment puissant, une sincérité à toute épreuve doublée d'un fort caractère. Elle est parfois décrite de manière contradictoire mais Solis a avec beaucoup de potentiel.
Côté scénario, c'est non seulement inégal mais relativement peu intéressant. A aucun moment, je n'ai senti de tensions, d'horreur, de pulsions, de ferveur. Les conflits sont sans saveur, le tumulte est tiède, les interactions entre personnages sont bizarrement écrits, les échanges sont habités par la grandeur mais n'ont aucune âme. le combat à l'arène est sans enjeu tant on ne comprend pas d'où sort Aurèle, d'où et de qui il tient. le système politique et l'univers de Mantrix m'a particulièrement plu et j'y ai trouvé un certain soulagement. Au contraire, le monde d'Arkhante est terriblement stéréotypé, vu et revu calqué sur tant d'autres mondes et construit comme un univers de jeu vidéo. Un pays, une magie, des personnages Légendaires, des boosts qui donnent des pouvoir supplémentaires. J'étais à deux doigts d'envoyer un SMS pour encourager mes personnages préférés. le Rift n'est qu'un macguffin pour faire avancer l'histoire. La traque de l'égorgeur de Mantrix aurait pu tirer une ou deux larmes mais le moment émotionnel est tellement mal amené que ça ne fonctionne pas. Je pense que trop avoir accès aux pensées des personnes est contreproductif. Quelques moments tirent leur épingle du jeu : le retour de la Malkah et du héros de l'Appologium, c'est assez extraordinaire et ça me fait dire que Solis est effectivement le personnage le mieux écrit, avec un vrai intériorité, les balades de l'Ordonnateur ou le combat final qui est quasiment cinématographique. Une chose m'a particulièrement rebuté : durant la première partie du livre, j'ai compris la moitié des mots écrits. Quel est donc le motif qui a présidé le choix d'assommer aussi rapidement le lecteur de concepts évasifs et de mots-valises ?
Bref, vous aurez compris mon avis. La Rune et le Code a des atouts indéniables : quelques personnages forts, intéressants, un univers à double avers et quelques scènes clés. Il est pourtant vérolé par une écriture erratique, des anticlimax sur des anticlimax et des personnages sans âme. Sans connaître l'environnement du livre avant la fin de ma lecture, j'ai régulièrement eu l'impression d'être dans un MMORPG avec ses factions, ses quelques rares fils scénaristiques, ses personnages stéréotypés. Il faut certainement lier ce livre à l'univers dont il est originaire, avec ses qualités comme ses défauts. Je ne suis pas bien sûr de comprendre pourquoi Bragelonne s'est lancé dans cette aventure. Vous allez me trouver étrange comme type, mais je suis même triste, incroyablement triste.
Merci tout de même à Bragelonne et à Babelio pour ce livre.