A la fin des années 70, la superbe adaptation cinématographique du Désert des Tartares, par Valerio Zurlini, avec le regretté Jacques Perrin dans le rôle principal, m'avait encouragée à lire le roman de
Dino Buzatti. Un livre magnifique, envoutant, où le temps n'en finit pas de s'écouler dans un décor aride et désertique. Une attente interminable pour anticiper l'attaque improbable des tartares. Depuis je n'avais plus rien lu de cet écrivain italien, il était sorti de mes pensées. C'est une chance que le Challenge solidaire 2024 me donne l'occasion de renouer le contact.
Mon choix s'est porté sur
La fameuse invasion de la Sicile par les ours. Un titre énigmatique pour un livre Jeunesse, roman d'aventures voire conte philosophique pour enfants mais peut-être aussi pour les adultes !
C'est l'histoire d'une rivalité, d'un âpre combat celui des ours contre les hommes sur le territoire de la Sicile. S'adressant à un public jeune, par simplicité, l'auteur commence d'abord par présenter les principaux personnages : Léonce, le roi des ours, son fils Tonin capturé jadis par les hommes, le Grand-Duc tyran de Sicile et ennemi juré des ours, le professeur de Ambrosiis astrologue et étrange magicien, et encore bien d'autres qu'il serait trop long d'énumérer ici. Il décrit ensuite les décors : les montagnes majestueuses, la vallée verdoyante, la capitale aujourd'hui disparue "entourée de murs extrêmement hauts et de citadelles fortifiées." Vient enfin le récit proprement-dit.
"Et à présent bouche bée, écoutons;
De la Sicile, par les ours, la grande invasion,
Cela se passait il y a bien longtemps,
Les bêtes étaient bonnes, les hommes barbares en ce temps"...
Une douzaine de chapitres ponctuent ce roman, des chapitres relativement courts, écrits dans un style simple et fluide, un peu d'un autre temps, alliant prose et vers, parfois une touche d'humour. le rythme est dynamique, les événements s'enchaînent rapidement avec des situations périlleuses, des affrontements contre les hommes et quelques créatures fantastiques, des traitrises, et au final la victoire. Et pourtant ce n'est pas le bonheur pour le roi Léonce. "Trop souvent ses regards, à travers les vastes fenêtres de son palais, s'évadent tristement vers les montagnes lointaines". Il regrette le temps passé, très vite il a découvert combien le monde des humains où seules comptent les richesses, n'est pas fait pour lui, ni pour ses semblables". Il se rattache à ses vraies valeurs, une vie simple proche de la nature, loin de la cupidité et des plaisirs futiles de la ville, tel
Dino Buzatti lui-même qui n'était jamais aussi heureux que dans ses montagnes.
J'ai bien aimé ce livre très inattendu, j'ai été séduite par la belle écriture de l'auteur et surtout par ses poèmes qui s'intercalent tout naturellement dans le récit.
Dino Buzatti était écrivain, journaliste également peintre. Ses dessins qui jalonnent les chapitres de l'histoires sont très réussis, pleins de charme et de poésie. C'est donc un joli livre dont je conseille la lecture, même si je n'ai pas entièrement adhéré au récit.
#Challenge solidaire