Aujourd'hui dans #ÀLaDernièreMinute Julien nous parle de , de Julien Dufresne-Lamy.
L'une est l'artiste de K-pop la plus connue aujourd'hui, l'autre une Coréenne filmée en continu, dont le mystère a fait d'elle une légende d'Internet. Deux femmes, admirées, épiées. L'auteur entremêle la réalité et la virtualité pour raconter ce qui nous obsède. Il écrit le grand spectacle de nos vies, la poésie et la tyrannie de nos curiosités.
Je crois que, comme toutes les plus belles déclarations d’amour, il y a des mots qui restent à jamais, pour peu qu’on change ou qu’on se relève des ruines, des mots qui creusent en soi, qui à perpétuité se nichent dans l’ADN, des mots tissés dans les fils de la chair, pour toujours indélogeables.
Il y a deux sortes de gens affreux dans la vie. Les gens qui ont un avis sur tout. Et les gens qui tendent la main à tous sauf à ceux qui en ont besoin.
Avant, je pensais que sous les meubles, on ne cachait que les armes du crime. Les affaires sales. Les bouteilles d’alcool ou les boîtes de capotes. Maintenant, c’est différent. J’ai compris qu’on pouvait même y cacher une vie.
- Sur scène, tu dois être parfaite. Ni seulement belle. Ni seulement divertissante. Tu dois faire tomber les masques des gens. Tous ces rôles depuis la naissance. Le genre, la race, la famille. Ton rôle est de faire du flip-flops avec tout ça. Tu es drag. Tu n’es plus homme, pas exactement femme. Tu es en dehors. Tu es l’exemple que chacun incarne sa création. Inspire-les. Trouve des mots, des gestes. N’oublie jamais que tu t’adresseras à des individus de tous horizons. Des touristes. Des mecs et des nénettes sans histoire. Et peut-être qu’au fond de la salle, il y aura une vieille femme. Peut-être un homme esseulé. Un ado en recherche de sens. Une jeune fille mal aimée. Dis-toi que tu incarnes précisément ce que le monde leur interdit d’être. Montre-leur. Même si cela ne dure que cinq petites minutes. (...)
[...] tu l'ignores, mais les voyages scolaires, c'est l'angoisse. Dans le bus, les gens dégueulent et on reste coincés dans l'odeur du vomi pendant des heures. On s'ennuie. On fricote avec n'importe qui et on le regrette après.
(p. 39)
Il n’y a en littérature aucune justification à tenir. L’auteur peut tout. Il le doit. Contre le dogmatisme et la coercition, c’est sa seule obligation.
Les mentalités, c’est comme la régénérescence. Ça débarque à l’étroit et ça finit par s’assouplir.
- Nous sommes des centaures, des licornes, des chimères à tête de femme. C’est vrai que nous sommes les plus jolis monstres du monde.
- N’oiblie jamais qui nous sommes, Victor. Nous sommes un petit pays fou dans la doublure du monde. Bric-à-brac de bric et de broc, clandestins, cachés dans les replis de la conscience. Nous devons montrer nos nuances, nos ratures, nos erreurs de la nature. Nous sommes une chose et une autre, tout et son contraire, nous sommes la perfection et ses défauts. Nous sommes des maharadjas sans visage, alités par la fièvre ou endiablés sur le dancing. On n’a pas peur du grabuge et de la nuit qui s’écroule sur les toits. Les drags et les trans meurent chaque jour mais on tient bon. On passe sous les échelles en ricanant. On ouvre les parapluies et brise les miroirs. On amadoue les mauvais sorts et les chats noirs parce que nous aussi, nous sommes de la chair de gouttière.
Nous sommes un secret enfermé dans une boîte qu’il ne faut surtout pas ouvrir.