A des époques différentes, trois femmes sont amenées à quitter la France pour Pondichéry, en Inde. Alice, en 1930, rejoint son mari médecin chargé de diriger la léproserie ; Oriane, en 1950, veut revisiter les lieux d'une petite enfance dont elle ne conserve que de vagues souvenirs ; Céline, enfin, en 2012, a fui une situation familiale dramatique. Ce séjour dans un ancien comptoir français va bouleverser leur vie.
Ce premier roman d'Anne Vantal, à l'intrigue habilement nouée, embarque le lecteur dans le temps et L Histoire. Bienvenue en Inde !
On l’avait souvent menée, enfant, contempler le ballet des chelingues : ainsi nommait-on, ici, ces frêles embarcations de minces planches de bois simplement cousues, sans étoupe ni bitume ; elles seules étaient capables de franchir la barre des brisants.
(page 29)
Ainsi voyait-on les brahmanes s’écarter brusquement au passage d’un intouchable par crainte de l’effleurer ; ou encore une cuisinière refuser de porter un plat à l’un des autres domestiques de la maison sous prétexte qu’il appartenait à une caste inférieure.
(page 167)
Elle avait franchi le canal de Suez en se tenant sur le pont pour ne rien perdre de l’événement, s’émerveillant de l’adresse des équipages anglais, habitués à négocier cette passe réputée pour ses dangers ; elle avait manqué étouffer sous la chaleur d’Aden et avait, de loin, suivi des yeux les hautes falaises de la côte yéménite.
(pages 17-18)
Depuis des millénaires, les pharmacopées chinoise et indienne faisaient grand usage, pour contenir le fléau, d’une huile tirée des graines d’un arbre, l’Hydnocarpus kurzii. Le comptoir de Mahé, sur la côte occidentale de la péninsule indienne, avait été largement planté en Hydnocarpus et fournissait l’huile, couramment appelée chaulmoogra, à l’ensemble des colonies de l’Inde française.
(page 114)
Nos disparus nous accompagnent silencieusement, nous guidant la main et éclairant notre chemin : à nous d'accueillir, avec respect et indulgence, la cohorte de ces ombres qui nous lient au passé et reviennent à nos côtés jouer avec la lumière.
L’air sentait l’iode et le poisson et le port lui-même dégageait une odeur d’huile et de ferraille à laquelle se mêlaient des parfums confus, étrangers à la jeune femme, qui évoquaient de loin le citron ou les épices.
(page 25)
Si je m'approche du caniveau, je vais devoir faire un détour. Un détour qui viendra perturber le comptage des pas.
Or, c'est important de compter ses pas, jour après jour. Enfin, c'est important pour moi, parce que que :
1. J'espère faire de moins en moins de pas à mesure que je vais grandir
et.
2. J'aime compter.
C'était précisément ce qui manquait à Madeleine : la possibilité d'offrir à autrui autre chose que le nécessaire.
Oriane s'étonnait de confronter, pour la première fois, ses souvenirs à la réalité présente. (1950)
Céline n'en finit pas de s'interroger. Sage-femme. Elle a choisi ce métier parce qu'elle aime la vie, et sa vie à elle n'en finit plus de se heurter à la mort.