Citations sur Classiques & Cie - Philo : Manuel d'Épictète (52)
Si quelqu'un livrait ton corps au premier venu, tu en serais indigné. Et, quand tu livres ton âme au premier rencontré pour qu'il la trouble et la bouleverse, s'il t'injurie, tu n'as pas honte pour cela ? (XXVII)
C’est le fait d’un homme non formé que d’accuser les autres des malheurs dont il est lui-même l’auteur ; celui qui a commencé de se former s’accuse lui-même ; celui qui a achevé de se former n’accuse ni un autre ni lui-même.
Voilà comment il faut comprendre l’injonction du Manuel : vouloir que les événements (ta ginomena) surviennent comme ils surviennent. L’acceptation de l’événement unit deux séries de dépendance.
L’événement ne dépend pas de moi, sa cause est dans le dieu hors de moi. L’acceptation de l’événement dépend de moi, sa cause est dans le logos ou la proairesis, qui est le dieu en moi. L’œuvre du dieu en moi est de reconnaître que l’événement est l’œuvre du dieu hors de moi.
[Préface Laurent Jaffro]
Le dualisme, dans Epictète, entre l’âme et le corps, est éthique, non ontologique. L’âme est un corps concentré, elle n’est pas d’une autre substance que l’univers ; mais tout ce qui ne dépend pas de la partie qui, en elle, juge et choisit est étranger ; ainsi son corps et ce qui lui arrive.
[Préface Laurent Jaffro]
Nous avons dégagé deux effets caractéristiques de la conversion de l’attention sur le logos. Tout d’abord, le bien et le mal ne sont pas de l’ordre des objets extérieurs. Ensuite, le repli sur la raison rend possible un dépli : l’usage critique des représentations et des évaluations est au principe des conduites convenables avec les autres.
L’Iliade est représentation et usages des représentations, nous disait Epictète ; le Manuel, également, est représentation et usage des représentations, mais il est constitué par des représentations philosophiques et non par les fantasmes de Ménélas et d’Hélène !
[Préface Laurent Jaffro]
Ce qu’Epictète appelle vivre kata physin, selon la nature, ne consiste pas à suivre passivement ce qui serait donné dans la nature, mais à rétablir une conformité au prix du savoir. Apprendre à utiliser cet équipement définit la paideia, la formation de l’homme qui passe par des exercices, toute une gymnastique.
[Laurent Jaffro]
Ne te vante jamais d'une qualité qui appartient à un autre. Si un cheval se vantait en disant ; je suis beau, se serait admissible ; mais quand toi, tu te vante en disant ; "j'ai un beau cheval", sache que tu te vante d'une qualité qui appartient au cheval. Qu'est-ce qui t'appartient en propre ?
L'usage de tes représentations.
lorsque que tu te conformeras à la nature par l'usage de tes représentations, tu pourras te vanter, car alors c'est d'une qualité qui t'appartient en propre que tu te vanteras.
Quoi qu'on dise de toi, n'y fais pas attention, car cela ne dépend plus de toi.
Quelqu'un se baigne promptement, ne dis pas: "C'est mal", mais dis: "C'est promptement." Quelqu'un boit beaucoup de vin, ne dis pas: "C'est mal", mais dis: "Il boit beaucoup de vin." Avant d'avoir, en effet, connu sa raison d'agir, d'où peux-tu savoir s'il agit mal ? Ainsi, il ne t'arrivera point de percevoir des représentations évidentes et d'en juger sur d'autres.