Citations sur Classiques & Cie - Philo : Manuel d'Épictète (52)
Quant au désir, pour l’heure supprime-le complètement ; si en effet tu désires l’une des choses qui sont hors de notre portée, il faut nécessairement que tu ne sois pas heureux, mais parmi celles qui sont à notre portée, toutes choses qu’il serait beau de désirer, aucune n’est présente encore.
Dans l’enseignement d’Epictète, l’examen de la vie est la seule manière dont l’homme peut s’accomplir comme être vivant. C’est en cela que la philosophie est technique de vie.
[Préface Laurent Jaffro]
Donc : toi non plus, ne montre pas aux profanes les thèses philosophiques, mais les œuvres qui s’ensuivent lorsqu’elles ont été bien digérées.
Mais combien se vendent les laitues ? Une obole, peut-être. Si donc, en abandonnant l’obole, on reçoit les laitues, mais si toi, qui n’as rien abandonné, tu n’as rien reçu, ne pense pas avoir moins que celui qui a reçu. De même en effet qu’il a des laitues, de même toi, tu as l’obole que tu n’as pas donnée. Or c’est le même cas ici aussi. Tu n’as pas été convié au banquet d’un personnage ? C’est qu’en effet tu n’as pas donné à l’hôte le prix auquel il vend son repas. Il le vend pour un éloge, il le vend pour une marque de prévenance. Donne donc la différence d’avec le prix de sa vente, si cela t’est utile. Mais si tu veux en même temps ne rien abandonner et recevoir quelque chose, tu es insatiable et stupide. Tu n’as donc rien à la place du repas ? Mais si : tu as de ne pas avoir prononcé l’éloge de celui que tu ne voulais pas louer, de ne pas avoir souffert de ses portiers.
[…] rappelle-toi que si tu persévères dans le même sens, ceux qui d’abord riaient de toi en viendront à t’admirer, mais si tu es plus faible qu’eux, tu attireras doublement la dérision.
[…] ce n’est pas l’événement qui oppresse cet homme (un autre en effet n’en est pas oppressé), mais l’évaluation qu’il prononce sur lui.
Toute chose a deux anses: l'une par où on peut la porter, l'autre par où on ne le peut pas. Si ton frère a des torts, ne le prends pas du côté par où il a des torts; ce serait l'anse par où on ne peut rien porter. Prends-le plutôt par l'autre, te rappelant qu'il est ton frère, qu'il a été nourri avec toi, et tu prendras la chose par où on peut la porter.
Souviens-toi que ce n'est pas celui qui t'injurie, ou celui qui te frappe, qui t'outrage, mais le jugement que ces hommes t'outragent. Lorsque donc quelqu'un te met en colère, sache que c'est ton jugement qui te met en colère.
Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, mais les jugements qu'ils portent sur ces choses. Ainsi, la mort n'est rien de redoutable, puisque, même à Socrate, elle n'a point paru telle. Mais le jugement que nous portons sur la mort en la déclarant redoutable, c'est là ce qui est redoutable. Lorsque donc nous sommes traversés, troublés, chagrinés, ne nous en prenons jamais à un autre, mais à nous-mêmes, c'est-à-dire à nos jugements propres. Accuser les autres de ses malheurs est le fait d'un ignorant; s'en prendre à soi-même est d'un homme qui commence à s'instruire; n'en accuser ni un autre ni soi-même est d'un homme parfaitement instruit.
Le seul obstacle pour l'homme, son seul ennemi, c'est lui-même : lui-même, il se dresse, sans le savoir, les embûches où il tombe. C'est que chez l'homme, outre la faculté de juger et de vouloir, se trouve l'imagination : quoique les choses en elles-mêmes ne puissent rien sur nous, cependant, par l'intermédiaire des images ou représentations qu'elles nous envoient, elles n'ont que trop de puissance.