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sur 962 notes
Il y a la volonté chez Zola d'appuyer bien fort, non d'exagérer mais d'aller au fond des choses...
Et tant pis, si après examen, le monde devient moins aimable ! Car il est aussi plus saisissant, plus animal, plus comique ; enfin, il est vrai !...

À y regarder de près, c'est un style bizarre que celui de l'auteur ; un naturalisme flamboyant, presque gênant à certains moments et des finesses qui semblent s'ignorer elles-mêmes, témoignant seulement d'un don d'observation surhumain ou "trop humain".. (en tout cas, hors du commun)
Peut-être, celui d'un géant capable de s'attendrir pour les êtres qu'il scrute au microscope

Un "homme aux grosses pattes" comme son personnage principal, Eugène Rougon..
Celui-ci est d'ailleurs aussi lucide que l'auteur sur son caractère et un certain type de personnalité :
"[...] je suis autoritaire, vous le savez bien. On apporte ça en naissant. Ce n'est pas une opinion, c'est un besoin..."
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Après l'étourderie du cinquième tome avec la faute de l'abbé Mouret, on retrouve la fraicheur et la délicatesse de notre papa Zola dans ce sixième tome comme son titre l'indique qui nous plonge dans le monde politique. Voici une pincée de curiosité que jusque là l'auteur n'a fait qu'y enfoncer le clou pour mettre à ébullition notre longue attente qui va enfin trouver satisfaction car si fortune il y a chez les Rougon, c'est grâce effectivement à Eugène, celui-là qui a fait baigner toute sa famille dans une notoriété assez particulière, sur les quatre tomes précédents celui-ci je me suis toujours poser la question, où est-il ce cher Eugène? Que fait-il? Surprise: il est là enfin! Surtout, il devient une EXCELLENCE!!! C'est avec plaisir que j'ai entamé ce tome rien que par son titre!

On retrouve alors un Eugene Rougon tout puissant, grand bosseur, en même temps grand humaniste, enfin pour ses amis bien sûr, il veille sur eux, il est prêt à battre le fer, à mettre son doigt dans le feu et pourquoi pas mettre tout un pays à feu et à feu rien que pour veiller à leur tranquillité. Il est attaché au pouvoir comme tous ceux du second empire qui ne pensent qu'à assoir leur autorité, c'est aussi un monde de l'hypocrisie, ça vous sourit en vous poignardant, ça vous tend la main avec un venin sous les lèvres, seul l'intérêt de soi prime, c'est un monde de la bataille silencieuse où il faut bien pouvoir déterminer son adversaire car il peut se cacher entre vos jambes et c'est le comble!

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En ce début du Second Empire, des oreilles distraites, de petits assoupissements, des causeries à droite à gauche, des pensées vagabondes, des impatiences grandissantes et même des tendresses adultères forment le tableau resplendissant d'une séance au Corps législatif où sont votés les projets de loi. Les députés qui ne s'ennuient pas sont tout bonnement absents.
Au milieu de tout ce brouhaha de politiciens, Zola nous détache la petite bande d'amis du futur ex-président du Conseil d'Etat, monsieur Eugène Rougon. Toute cette petite bande se retrouve bien marrie devant la démission de Rougon sur lequel ils pensaient bien asseoir leurs intérêts personnels. Et ses chers amis ont des besoins grandissimes, des égoïsmes démesurés et des mouvements de girouette sans aucun scrupule. Sous la plume de Zola, ils sont délectables.

Parmi eux, l'éclatante, l'extravagante et provocante Clorinde, un personnage féminin qui occupe toute la place, semblant même écraser la lourde carrure de Rougon. Une fortune dont on ignore les origines, des relations politiques aux sources inconnues, des agissements fantasques et un corps superbe. Mais bien que Rougon ne paraisse pas insensible à ses charmes, il refuse tout net la proposition de mariage offerte par Clorinde et la marie même à un ami bien obéissant ! Ce mépris des femmes ne convient pas tellement à la belle Clorinde qui a la rancune tenace et une puissance insoupçonnable.

Je pensais profondément m'ennuyer dans ce tome qui se devait d'exploiter la face politique de cette période. Pourtant, exceptés quelques passages que j'ai trouvé soporifiques, dus à mon ignorance et mon désintérêt des séances et décisions politiques diverses, je me suis encore laissée emporter par le génie de Zola. Il s'amuse magistralement avec l'appétit de domination de ce cher Rougon.
Ce gros homme qui pensait tenir le bâton pour exercer son désir de toute-puissance est en fait un pantin idolâtré un jour, abhorré le lendemain. La roue tourne.
Dans le mode politique, un évènement favorable vous donne les pleins pouvoirs tandis qu'une autre intrigue plus fâcheuse vous fait descendre illico presto au quatrième sous-sol. C'est avec ce constat affligeant que Zola, avec une documentation scrupuleuse, a su attirer mon attention de lectrice sur un sujet qui me faisait tiquer.

Des personnages croqués au vitriol pour chatouiller la vanité de Rougon et des comparaisons magnifiques pleines de cynisme font défiler les pages pour vite saisir la suivante. Ce milieu politique qui attire les ambitieux, les solliciteurs en tout genre, était celui d'hier, est celui d'aujourd'hui et sera sans aucun doute celui de demain.
La reconnaissance est bien fugace et prédominent plutôt rancune, ingratitude, aigreur qui forment un ramassis d'éternels insatisfaits.

Zola fait flamboyer des étalages dans une vente de charité, fait exploser la richesse outrageuse du baptême du prince impérial en dénonçant l'apogée de l'empire.
Il me fait fondre avec ses phrases exquises lorsqu'il fait frissonner les feuilles, scintiller la Seine, roussir l'horizon. Il parle de l'impudeur de Clorinde avec toute la retenue des écrits de ce siècle, c'est charmant tout en étant bien explicite.
Pour reprendre (en la transformant) la dernière phrase du livre : Il est tout de même d'une jolie force ce Zola.

Challenge XIXe siècle
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"Son Excellence Eugène Rougon" est le sixième tome de la célèbre Histoire naturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire, celle des Rougon-Macquart. Émile Zola nous invite cette fois-ci à découvrir la sphère politique, en suivant, comme son titre l'indique, Eugène Rougon, fils aîné de Pierre Rougon, lui-même fils aîné d'Adélaïde. Homme ambitieux, avide de pouvoir et de toute-puissance, il est bien le digne fils de son père (et de sa mère Félicité).

Zola aborde divers sujets qui se recoupent. Il démontre d'abord qu'en matière de politique, tout est essentiellement question de pouvoir, d'argent, d'influences et de relations, de corruptions et de coups bas. C'est une bataille sans merci que mènent les différents députés et ministres, ils se bouffent sans cesse les uns les autres, pour une meilleure place au sein du gouvernement ou tout simplement pour nuire à ses opposants, sans se soucier le moins du monde du peuple qu'ils sont censés représenter. le peuple n'est d'ailleurs vraiment mentionné qu'une seule fois, lors du baptême du Petit Prince : ces messieurs, pendant qu'ils s'emplissaient la panse dans de la vaisselle en porcelaine et tous vêtus plus richement les uns que les autres, ont tout de même eu le tact d'avoir une pensée pour les milliers de sans-abris, victimes des grandes inondations...

Il évoque également la notion de liberté d'expression, par le biais de journalistes corrompus/achetés, contraints/menacés.

Ajoutez à cela quelques doses de médisance et d'ingratitude, vous obtenez un sacré panel de personnages détestables.

Je ne me suis évidemment attachée à aucun d'entre eux mais j'ai encore une fois passé un très bon moment. Je suis juste un peu déçue par la fin, le parcours d'Eugène se terminant plutôt bien. C'est cruel ce que je vais dire mais j'attendais une fin mélodramatique comme Zola sait si bien les faire, les protagonistes le méritant amplement... Mais il montre que les personnalités politiques s'en sortent toujours...

"Son Excellence Eugène Rougon", publié en 1876, n'a pas pris une ride, car clairement toujours d'actualité... Zola, toujours dans son effort de tout dépeindre de manière très réaliste, nous permet de nous rendre compte que le milieu politique n'a pas vraiment évolué ces 150 dernières années...
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Retour à Paris dans ce sixième volume des Rougon-Macquart. Zola s'attache au personnage central d'Eugène Rougon, symbole de la classe politique dominante. Ce personnage est avant tout caractérisé par son amour du pouvoir, un amour sans limite qui le dévore. Ce n'est pas la recherche du luxe ou des honneurs qui lui importe, mais simplement d'arriver à une position dominante, quels qu'en soient les moyens. Eugène Rougon est de la même trempe que Frank Underwood dans « House of Cards ». Il ne recule devant rien pour arriver à ses fins, quitte à laisser perpétrer un attentat sans rien dire, ou à changer de doctrine suivant les circonstances
Les moeurs de la classe politique sous le Second Empire sont abondamment décrites et dénoncées, en particulier le système de clientélisme qui imprègne toute la vie publique, et le luxe insolent des réceptions officielles. le parcours d'Eugène Rougon est sinueux, il commence par une disgrâce, mais en utilisant le réseau qu'il s'est créé par des faveurs multiples, ce politicien redoutable va revenir aux plus hautes fonctions.
Son seul problème reste celui des femmes, en particulier Clorinde Balbi, présentée comme une « intrigante professionnelle », et qui trace sa voie en utilisant ses charmes et les relations qu'elle a tissées dans la sphère politique. Clorinde, qui apparaît comme le seul échec d'Eugène Rougon, serait-elle la première figure féministe à apparaître dans l'oeuvre de Zola ?
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Voici Eugène Rougon que l'on avait croisé dans La Curée. de retour à Paris, on fréquente l'Assemblée nationale et les couloirs de tous les ministères. Eugène Rougon y est tout puissant, mais il vient de donner sa démission du Conseil d'État. « J'étais résolu depuis longtemps à abandonner la haute situation que je devais à la bienveillance de l'empereur. » (p. 43) Patiemment, il attend que l'Empereur lui redonne sa faveur. En attendant, le Tout-Paris se presse chez cet homme colossal qui semble de taille à faire plier la politique impériale. Chacun s'accorde à dire que Rougon ira loin. « le jour où Rougon quittera le Conseil d'État, ce sera une perte pour tout le monde. » (p. 12) le seul défaut de Rougon, c'est d'être célibataire, mais l'homme se défie des femmes.

Ce que Rougon n'avait pas prévu, c'est que son plus grand adversaire serait Clorinde, jeune Italienne demi-mondaine qui cherche un mari. Rougon la surnomme Mademoiselle Machiavel et il s'épuise à la conquérir. Finalement, il la marie à un député et épouse une autre femme. Et c'est là que Clorinde a cette phrase prophétique : « Vous vous croyez plus fort que moi… Vous avez tort… Un jour, vous pourrez avoir des regrets. » (p. 147) D'abord, Rougon croit être libéré de l'emprise de la jeune femme, bien à l'aise dans son nouveau fauteuil de ministre. Mais sa chute viendra d'ailleurs, de cette bande d'amis à qui il distribue faveurs et positions. Orgueilleux despote qui voulait régner sur la France, Rougon risque de perdre l'oreille de l'Empereur. « Vous avez trop d'amis, monsieur Rougon. Tous ces gens vous font du tort. Ce serait vous rendre un service que vous fâcher avec eux. » (p. 349) Rougon se relèvera-t-il de la disgrâce qui se profile ?

Après un début un peu longuet – il faut dire que la politique m'ennuie tellement ! –, je me suis régalée avec ce nouveau volume de la saga des Rougon-Macquart. Émile Zola décortique les moeurs politiques et fait la peinture cynique d'un homme dont les ambitions et la rage de pouvoir font la gloire et le malheur. Eugène Rougon est le digne fils de Félicité Rougon qui règne sur Plassans : ils sont tous deux avides de pouvoir et prompts à saisir toutes les occasions qui leur donnent l'ascendant sur le commun des hommes. On navigue, avec plus ou moins de houle, dans un univers d'intérêts, d'affaires en cours, d'alliances, de promesses et de passe-droits. Dans ce monde très parisien, Rougon a des restes de bourgeois monté de la province. Il attend de son mariage qu'il lui donne une situation. « Depuis longtemps, il avait envie d'un intérieur bourgeois qui fût comme une preuve matérielle de sa probité. » (p. 151) Mais Rougon se débat et veut repousser les frontières du pouvoir. Comme son frère Aristide qui se régalait de détenir tout Paris, Eugène ne vit que pour être plus puissant que les puissants.

Je ne peux m'empêcher de penser qu'Émile Zola, sous le portrait féroce qu'il fait du politique, avait une tendresse pour l'homme. le personnage est effrayant, mais je l'ai trouvé également attendrissant : il a la rage des anciens faibles et des anciens pauvres. Certes, il manoeuvre odieusement, mais je l'ai trouvé superbe et d'une franchise inaltérable : il ne cache pas ses ambitions et il ne plie pas. Encore un très bon épisode, même s'il ne fait pas partie de mes préférés.
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Son excellence Eugène Rougon d'Emile Zola ( Folio- 480 pages )


Ah Zola, quel écrivain ! Il est classé dans mes préférés.

Ce livre pourrait être écrit aujourd'hui car l'Homme ne change pas.

Quand je lis un livre des Rougon Macquart, j'ai du dégout pour ses personnages.

Zola a un don pour décortiquer nos plus sombres défauts, c'est gluant, c'est écoeurant et j'ai honte pour tous ses héros qui sont réels malheureusement encore à notre époque.

Avec "Son excellence Eugène Rougon l'écrivain nous fait vivre la politique sous Napoléon III.

Rentrez dans l'hémicycle et voyez ces députés ! Certains dorment, l'un écrit son courrier, d'autres bavardent ou lisent ... Eh oui, cela ressemble à ce que je vois à la télévision. Il faut ajouter les portables avec ses jeux, ses Sms.

Ensuite regardez ses courtisans d'Eugène Rougon qui lui tournent autour pour obtenir des faveurs.

Pour arriver tous les coups sont permis. Quand le héros est à terre, il est abandonné pour un autre.

Quand j'ai refermé le livre j'ai regardé mon chien et d'un regard je lui ai fais comprendre que je le préférais.

Je me régale toujours à dévorer un tome des Rougon- Macquart mais Zola arrive toujours à me révolter contre la lie du genre humain qu'il décrit si bien.

A lire.

Mireine

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Je continue ma découverte de cette saga des Rougon Maquart d'Emile Zola avec ce tome VI : son excellence Eugène Rougon.

Dans cette saga qui comprend vingt tomes, Zola fait un focus sur l'un des personnages à chaque fois et dépeint une partie de la société du XIXème siècle.
Ici, comme son titre l'indique, le personnage principal est donc Eugène Rougon.

Après "la faute de l'abbé Mouret" où j'avais plutôt subi la lecture, j'ai réellement apprécié ce nouveau tome où il est question de politique et des hautes sphères de la population parisienne.

Eugène Rougon n'est pas en odeur de sainteté auprès de l'empereur (comprendre ici Napoléon III), cependant il est très bien entouré et sera ministre de l'intérieur dans la seconde partie du roman.
Beaucoup de personnages sont dépeints ici, avec notamment Clorinde qui rend fou Eugène Rougon, et qui était dans la réalité la maitresse connue de Napoléon III.

Sans en dévoiler plus sur les intrigues de ce roman, j'ai adoré celui ci et dévoré en deux jours. Il y a une très bonne dynamique, beaucoup d'action et mouvement (contrairement au tome précédent), et une description de la noblesse et des problématiques de l'époque intéressante.

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L'action de ce roman de Zola se déroule de 1856 à 1861. Eugène Rougon, futur « Excellence » est le fils aîné de Pierre et Félicité Rougon de Plassans.
Celui-ci,après avoir contribué au coup d'État du 2 décembre 1851 de Louis-Napoléon Bonaparte, entre au Sénat. Au début du roman, il est président du Conseil d'État. Il a fait l'Empire et l'Empire le façonne. Son mandat se révèle une montagne russe et sentant venir la disgrâce, il décide de démissionner.
Roman bourré d'intrigues et encensant le pouvoir, Son Excellence est passionnant et révèle les coulisses du grand monde de Paris.
Est-ce que j'ai aimé? Oui. Est-ce que j'ai tout compris? Probablement non, certaines finesses dans les solidarités m'ont un peu perdue car les principaux acteurs sont pour la plupart, des visages à deux faces.

Eugène Rougon est un produit du désir de pouvoir avec sensiblement un bon fond et une grande patience.
« Et il n'avait plus de regrets; son rêve était de devenir très grand, très puissant, afin de satisfaire ceux qui l'entouraient, au-delà du naturel et du possible. »
Clorinde, une perfide arriviste, belle et intelligente, qui sait manipuler son monde pour arriver à ses fins.
« Ah! Si elle était un homme! Comme elle saurait faire son chemin! Les hommes avaient si peu de tête! »

Roman représentatif d'une époque révolue, je l'espère, malgré le fait que les jeux de coulisses sont encore très présents dans les politiques actuelles. On ne voit probablement plus des « préfets d'alcôve, qui, pour coucher librement avec les femmes, envoient les maris à la Chambre; » Différentes époques, différentes façons.
Son Excellence nous montre des profiteurs en même temps que des gens qui construisent un pays. C'est du grand art en écriture, à lire avec une poire et deux doigts de vin!
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Son Excellence Eugène Rougon acceptera-t-elle la comparaison ? son histoire nous rappelle, dans ses intentions, le plus moderne Quai d'Orsay de Christophe Blain –le style zolien plus littéraire et plus noble explosant toute autre tentative de comparaison. L'humour n'y est pas aussi caricatural non plus et pourtant, Emile Zola ne rate pas une occasion de souligner les caractéristiques risibles de ses personnages. Bouffonnerie des malheurs courtois d'Eugène Rougon, bouffonneries des petits jeux de passe-droit auxquels se livrent les petites et grandes gens de la clique politique, bouffonneries des projets législatifs proposés dans l'unique objectif de renouveler une réputation ou d'offrir des opportunités à ses connaissances... Emile Zola ne se montre jamais explicitement critique et pourtant, aucun de ses personnages ne peut susciter notre respect. Eugène aurait pu être l'un des membres les moins dégénérés de la branche des Rougon et il semble d'ailleurs convenable en tout point : respectueux des convenances et nourri d'ambitions respectables ainsi que le sont ses relations politiques, déclinées en une myriade de personnages tous plus insaisissables les uns que les autres à cause de leur goût du travestissement identitaire et politique. Dominant cette foule de petits parvenus se dresse l'empereur Napoléon III. Pas plus brillant que les autres personnages, Emile Zola n'hésite pas à le destituer de son piédestal pour le faire paraître aussi malléable et soumis aux aléas de sa vie intérieure que les autres personnages.


Pour écrire ce roman, Emile Zola s'est activement documenté. Comme le fera plus tard le témoin mystérieux du Quai d'Orsay, il tire ses informations des sources les plus directes possibles, n'hésitant pas à faire appel à des connaissances mieux placées que lui –Gustave Flaubert en tête- pour connaître l'organisation des évènements les plus intimes de la vie politique du Second Empire. Aucune supercherie n'est négligée : élections truquées, propagande, poids des relations et des ambitions personnelles conditionnent cette vie politique si majestueuse d'apparence. L'homme littéraire s'étant infiltré dans la politique, au moment de l'écriture, Emile Zola donnera en retour une grande place à la littérature dans le monde politique, non pas en tant qu'objet d'émancipation intellectuelle mais en tant qu'objet de frayeur capable de remettre en cause tous les acquis individuels chèrement obtenus au prix de maintes dissimulations pseudo-politiques. « Les romans sont surtout un aliment empoisonné servi aux curiosités malsaines de la foule » -et Emile Zola, en tant que romancier, semble inscrire discrètement la position intellectuelle qui est la sienne dans cet univers longuement déchiffré.


Contrairement aux précédents épisodes de la série, Son Excellence Eugène Rougon ne se distingue par aucune excentricité particulière d'un de ses personnages. Tous semblent atteints d'une même frénésie d'ambitions personnelles aussi médiocres qu'inavouées, parcelles contradictoires d'un cerveau qui serait le Second Empire en lui-même. Emile Zola écrivait :


« Mon roman [sera] […] une large page sociale et humaine. J'éviterai un dénouement terrible. le livre ne se dénouera pas par un drame. Il s'arrêtera quand j'aurais fini. Mais il pourrait continuer encore […]. Plus de souplesse encore que dans les autres. Je chercherai moins que jamais à raconter une histoire. J'étalerai une simple peinture de caractères et de faits. »


Il sera effectivement difficile de trouver une intrigue à ce roman si ce ne sont le rappel d'évènements politiques frappants tels que la mise en place de la loi de Sureté ou l'attentat raté du 14 janvier 1858 :


« le lendemain soir, trois bombes éclataient sous la voiture de l'empereur, devant l'Opéra. Une épouvantable panique s'emparait de la foule entassée dans la rue le Peletier. Plus de cinquante personnes étaient frappées. Une femme en robe de soie bleue, tuée roide, barrait le ruisseau. Deux soldats agonisaient sur le pavé. Un aide de camp, blessé à la nuque, laissait derrière lui des gouttes de sang. Et, sous la lueur crue du gaz, au milieu de la fumée, l'empereur descendu sain et sauf de la voiture criblée de projectiles, saluait. Son chapeau seul était troué d'un éclat de bombe. »


Petite parenthèse dans la succession de romans ouvertement monstrueux et grandiloquents, Son Excellence Eugène Rougon semble surtout vouloir dresser le portrait d'une époque nourrie de rêves médiocres et égoïstes. Dans les basses comme dans les hautes sphères, rares sont les hommes que la plume d'Emile Zola n'écorche pas.

Lien : http://colimasson.over-blog...
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