D'abord un chaleureux merci aux
Editions Locus Solus et à Masse Critique Juin pour cette lecture vivifiante, remuante et ô combien nécessaire.
En tant que Belge, je connaissais
Kofi Yamgnane suite à son mandat de sécrétaire d'Etat à l'intégration. Je dois bien avouer qu'au-delà de la sympathie naturelle qu'il dégage, je n'étais pas familier ni de son action ni de sa personnalité. Mon ressenti est qu'il a "fait le job", ni plus ni moins. J'ai aussi découvert qu'il avait été élu et réélu quelques fois, preuve que son action locale (pour le moins) a été appréciée. Ce n'est pas rien en politique.
Ici,
Kofi Yamgnane nous livre son parcours. Il part de son élection dans un petit bled breton, jusqu'au présent, retraité mais très en verve, toujours. Il se transforme en griot pour nous conter, à la manière du Togolais qu'il est resté, cette incroyable histoire de haine. Je dis "incroyable", car personnellement il me semble inconcevable de haïr quelqu'un juste pour sa couleur de peau, son sexe, ses origines... Déjà, haïr quelqu'un m'est étranger. Mais quand on n'aime pas quelqu'un, c'est par ses actes qu'on le juge (si tant est qu'on puisse juger quelqu'un). Ce n'est pas sur un critère d'appartenance. Et pourtant
Kofi Yamgnane nous montre, lettres à l'appui, que la haine (surtout celle qui reste anonyme) est une mode qui se porte plutôt bien au pays des Droits de l'Homme.
Le Griot Yamgnane endosse 3 profils: le témoin privilégié de cette haine quand il nous commente les lettres auxquelles il a été confronté, le moralisateur quand il nous dit ce que nous devrions faire et en quoi nous agissons mal, et le militant quand -malgré ses 76 ans ans- il relève la tête et lance ses idées, ses visions, ses projets. Autant le dire... je n'ai jamais aimé les moralisateurs, fussent-ils de cette gauche que j'aime. Par contre, le temoin Yamgnane et Kofi le militant m'ont scotché, m'ont fait vibrer.
Je m'attendais à un long déroulé des lettres de haine, ce livre n'est pas cela, il est mieux. Il est humain, rassembleur, compréhensif, intégrant, fraternel. Oui,
Kofi Yamgnane n'aime pas les racistes, mais il souhaite leur parler. Et quand il le fait, le résultat est jouissif. Je pense à cette petite vieille de Saint-Coulitz qui lui a téléphoné pour l'insulter chaque jour à partir de son élection au poste de maire... Il a suffi qu'il se pointe chez elle pour qu'elle se dégonfle comme une baudruche. Car le sourire de
Kofi Yamgnane, je ne l'ai pas oublié, je le trouvais communicatif et engageant.
Un tout grand big up à Locus Solus, une maison d'édition bretonnante, détonnante et détonante à tous les égards. Un sacré catalogue qu'ils ont. Ils nous livrent ici une identité bretonne à la sauce togolaise, mais leur catalogue révèle de sacrées perles... J'adore. Ils sont courageux, inventifs, engagés. Je leur souhaite longue vie.