On voudrait ainsi lire l’œuvre d’Adorno dans le sillage de celles et ceux qui affirment que l’écologie politique est nécessairement une écologie sociale. C'est la raison pour laquelle il nous faut parvenir à la compréhension plus vaste d’une théorie critique de la société qui pense le lien entre les différents types de domination et à l’aune de laquelle, seulement,
prend sens cette forme particulière de domination que constitue l’exploitation et la destruction des environnements, des ressources et des écosystèmes.
La souffrance, en tant qu'elle a une cause sociale, met d'autant plus en cause la domination qu'elle en expose l'arbitraire de manière flagrante et en pointe l'irrationalité. Elle est la preuve vécue que ce que l'on fait passer pour une organisation rationnelle de la société, fondée sur les lois immuables de l'économie, relève en réalité d'une irrationalité mythique que rien ne peut justifier en dernière instance.
Un tel triomphe de la raison sur la nature et sur les mythes aurait pu être considéré comme un progrès univoque s'il n'avait suscité un envers plus terrifiant encore que ne l'était la domination mythique. (...) La raison est ainsi décrite comme une violence adressée à l'altérité, elle ne peut connaître et agir sur le monde naturel qu'en plaquant sur lui des concepts formels qui s'imposent à lui de l'extérieur et auxquels on lui demande, coûte que coûte, de se plier. Cette structure de pouvoir, par laquelle la raison se rapporte à la nature, se reflète dans l'organisation même de la société : elle se renverse d'une domination exercée sur la nature extérieure en une domination exercée sur les êtres humains eux-mêmes.