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EAN : 9782213634111
135 pages
Fayard (08/08/2007)
3.34/5   28 notes
Résumé :

Pendant un an, à raison d’une expédition par semaine, Philippe Vasset est allé voir ce qui se cache dans les zones laissées en blanc, vierges de toute indication, qui émaillent la carte IGN de l’Ile-de-France.

Quel est ce réel que les cartographes n’ont pas su ou pas voulu représenter ? Quelles histoires recèle-t-il ?

En quête de mystérieux, le romancier est devenu aventurier du dimanche, mais le résultat de ces expéditions, s... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Si vous avez une âme d'explorateur, les temps sont rudes : tous les continents, toutes les îles, toutes les forêts sont aujourd'hui parfaitement cartographiés et à seulement quelques heures d'avion, et les voyages spatiaux ne sont pas encore à l'ordre du jour. Il ne vous reste plus qu'à ronger votre frein en songeant à tout ce qui vous auriez pu faire en naissant à la bonne époque.

Et pourtant ! Des terres vierges il en reste plein, au coeur même de nos plus grandes villes. L'auteur a parcouru pendant une année ces grandes zones blanches présentes sur les cartes IGN de grandes villes françaises, pour découvrir quelles histoires elles peuvent bien nous raconter.

On aurait pu s'attendre à des bâtiments improbables, à des situations tellement particulières qu'aucun géographe n'a pu se résoudre à leur assigner un symbole cartographique bien précis. Ce qu'on trouve plutôt, c'est toute une population qui essaie de survivre dans les rares espaces desquels on ne les chasse pas, en s'amassant dans des abris de fortune. Inconnus des administrations, absents des statistiques officielles, ombres errantes autour des métros ou des poubelles de supermarchés, c'est avec une douloureuse cohérence qu'on les retrouve habitant des zones qui, quelque part, n'existent pas.

Habitant Bruxelles depuis plusieurs années maintenant, ce livre a réveillé pas mal de souvenirs et de scènes que j'avais bien vite oubliés. D'autant que pendant longtemps, j'aurais été le premier à réclamer qu'on sorte un SDF de la banque ou de l'abri de bus dans lequel il s'était réfugié pour la nuit et auprès duquel je devais passer. À cause d'un mélange de peur d'être plus facilement agressé par quelqu'un qui n'a pas grand-chose à perdre, et de gêne à voir quelqu'un évoluer dans un espace où il n'a « pas sa place ». Cette place, j'ai fini par reconnaître qu'il y avait autant droit que moi, et question agression, une méfiance mutuelle nous mène plutôt à nous éviter.

Il est très curieux de se dire qu'une ville possède plusieurs populations « parallèles », qui vivent au même endroit mais ne se fréquentent jamais. Quant à suivre l'exemple de l'auteur, ça reste une autre paire de manches, d'autant qu'entre vigiles, chiens de garde, et vagabonds bien décidé à défendre leurs maigres possessions, il ne semble pas avoir été particulièrement bien accueilli…
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«Pendant un an, j'ai donc entrepris d'explorer la cinquantaine de zones blanches figurant sur la carte n. 2314 OT de l'Institut Géographique National, qui couvre Paris et sa banlieue. Au cours de cette quête, j'espérais comme les héros de mes livres d'enfant, mettre au jour le double fond qui manquait à mon monde.»

Dans un monde où déserts et jungles sont tous déjà connus, où toutes les grandes villes finissent par se ressembler sous l'effet de la mondialisation, Philippe Vasset part explorer les interstices, ces zones blanches sur la carte d'Ile-de-France, où l'espace «apparaît irrégulièrement perforé de trous bien nets, comme une boite de chocolats vidée de ses meilleures pièces».

La recherche du merveilleux caché se heurte très vite à la réalité, la misère et les bidonvilles, omniprésents en lieu et place du trésor escompté. «Paris se retournait comme un gant : le dénuement d'ordinaire relégué à la périphérie ou aux profondeurs de la ville affleurait à la surface et s'affichait en pleine lumière.»

Et raconter cette dérive devient problématique : comment rendre compte de cette expérience, de cette apnée urbaine ? Interviewer ceux qui campent dans la boue en pleine ville, matérialiser les traces des zones blanches par un trait de peinture, créer une communauté d'activistes de ces zones blanches… ?

«Un livre blanc» est un, caractérisé par cet article indéfini, mais aurait pu être autre. L'écriture prend la forme de ces errances, de ce flottement ; «pendant des mois, je n'ai rien écrit au propre. » La langue elle-même s'appauvrit pour rendre compte des zones floues, devient informe au contact de ces paysages troués, friables. Et de fait le livre, témoignage précieux, ne forme pas un ensemble, mais plutôt des parcelles, des miettes de désordre urbain, en phase avec ce désir de Philippe Vasset d'inventer une forme.
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Mine de rien et sous couvert d'expérience géographico-littéraire, une plongée dans le dur du moderne.

Publié en 2007, ce "livre blanc" de Philippe Vasset marquait un précoce tournant dans son oeuvre, où délaissant doucement les expérimentations formelles de ses débuts, il amorçait le récit contemporain qui l'amènera au "Journal intime d'un marchand de canons" en 2009, puis au "Journal intime d'une prédatrice" en 2010.

"J'ai commencé à m'intéresser aux cartes quand j'ai compris qu'elles n'entretenaient que des rapports très lointains avec le réel. [...] Plutôt que de surcharger le dessin et d'en rompre les proportions avec des symboles compliqués, les cartographes laissent parfois certaines zones vierges. [...] Qu'y a-t-il dans ces lieux théoriquement vides ?"

Philippe Vasset ayant décidé d'y aller voir lui-même, il nous livre les bribes d'un récit de voyage, celui du patient arpentage de ces "zones blanches" de Paris et de la région parisienne, dans lesquelles, pendant plus d'un an, il déploiera force énergie pour s'introduire, bravant chiens, vigiles, végétations ensauvagées et trafiquants éventuels, pour déchiffrer les friches, industrielles ou autres.

Dans l'urbanité rendue à une jungle reflétant largement un devenir social sombre, des moments de poésie font irruption au détour d'une palissade : "De construction récente, le cimetière de Chevilly-Larue a lui-même des allures de terrain vague : les tombes occupent à peine la moitié de sa surface. [...] Il y a de hauts arbres d'essences diverses, notamment fruitiers (j'ai cueilli des pommes et des prunes), des sous-bois, beaucoup d'oiseaux, des clairières couvertes de graminées et des lapins. [...] La tête pleine de trompe-l'oeil et d'illusions raffinées, j'ai fini par tomber, au fond du petit bois, sur un abri de bâches translucides perlées d'humidité. Devant l'entrée de la tente fumait un barbecue de fortune où grillaient des épis de maïs."

Ces belles 130 pages sont précieuses, et raviront, comme un écho, les amateurs du François Maspero des "Passagers du Roissy-Express" ou du Ian Sinclair de "London Orbital", ou encore renverront avec grâce aux travaux de reportage inlassable d'Anouche Kunth sur France Culture. Car ce qui frappe aussi tout au long, dans le à-peine-dit de l'auteur, c'est l'omniprésence, croissante, des sans abris...
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Vous avez sûrement déjà consulté une de ces cartes à grande échelle, ultra-détaillées ? On y voit des routes, des voies ferrées, des forêts (en vert), des fleuves et des rivières (en bleu), des zones urbaines (petits carrés et zones en gris ou noir), des hachures symbolisant des usines ou des entrepôts, etc. Et puis il subsiste des zones sans aucune légende, des zones blanches. Ce sont ces zones que l'auteur, Philippe Vasset s'est proposé d'aller explorer “en vrai”, à la rencontre de la différence entre la carte et le territoire. Selon la formule de Jean Baudrillard : “C'est désormais la carte […] qui engendre le territoire”, en effet, et Houellebecq l'a exploitée en vraie grandeur, cette formule magique, dans son éblouissant roman éponyme. “Un livre blanc” a moins de panache. Embrouillé, allusif, jamais décidé dans son propos, il nous balade dans ces zones blanches sans conviction, et l'on échoue à ressentir son frisson de l'aventure, celle-ci étant quasiment éludée, comme si l'auteur n'osait pas aller au bout de ce qu'il voulait nous raconter, en une regrettable fausse modestie. Dommage ! Car le titre et le propos étaient tentants. Peut-être n'est-ce que partie remise, cher auteur ?
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en fait l'aventure qui est racontée est, je crois, l'aventure de la construction d'un livre, ou de livres, dont il reste ce récit ; et en même temps cela concerne les cartes, leur rapport au réel, l'exclusion, ce qui est repoussé aux marges de la ville, la survie, la façon dont les « zones blanches « (et ce qu'elles sont qui est divers entre zones vides, ou secrètes, ou emplies d'éléments trop infimes pour être reportés) rongent la ville et sont rongées par elle. Enfin je ne sais ce que c'est, je sais que je l'ai lu, à la fois d'une traite, et avec des petits suspens en digestion, et que je suis contente de l'avoir lu.
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
À chaque fois, que ce soit devant les cabanes édifiées sous le pont de l'A86, sur les berges du canal Saint-Denis ou dans les salles aménagées par les fumeurs de crack dans les anciens entrepôts de la Sernam, porte d'Aubervilliers, ma naïveté m'exaspérait : venu chercher du merveilleux et ne découvrant que des ruines, je me faisais l'effet du capitaine Haddock qui, au début des Bijoux de la Castafiore, s'étonne que des gitans vivent dans une décharge. Soudain dévoilée, cette misère invisible emplissait mon champ de vision et modifiait mon point de vue sur la ville, comme ces photographies de paysages urbains que le Japonais Nasaro Nasahari prend immergé dans la mer, les vagues se mêlant aux édifices. Brusquement, je ne voyais plus que les ballots de vêtements accrochés aux arbres près de la gare de l'Est, les abris aménagés le long de la Seine dans les locaux inusités de la brigade fluviale et les huttes de cartons construites sur l'accotement du périphérique, porte de Bagnolet. Par endroits, Paris n'était plus que caravanes et immeubles désaffectés entre lesquels serpentaient, silencieuses et résignées, des files de silhouettes immobiles attendant des heures devant les préfectures, les soupes populaires et les pharmacies.
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Terrains d'excursions balisés, les jungles, les déserts et les montagnes ont cessé d'être des terra incognitae : la frontière du monde connu passe désormais aux portes des villes. Les mégapoles s'indifférencient sur leurs marges, et les zones blanches sont les avant-postes de cette transformation, les points par où Lagos, Paris et Rio communiquent comme les bassins d'une écluse. Un double mouvement rapproche les grand centres urbains : à l'internationale, grossièrement mise en scène, des sièges sociaux et des salons VIP répond celle des terrains vagues et des bidonvilles, zones poreuses, reliées entre elles par un réseau de correspondances fines comme des réseaux capillaires et qui peuvent permettre de voyager sans bouger.
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« A peine entamée, mon expédition s’éloignait du chemin tracé : en lieu et place des mystères espérés, je ne trouvais qu’une misère odieuse et anachronique, un bidonville caché aux portes de Paris. »
« .. d’abord je ne voyais rien, j’avançais dans les ronces et les hautes herbes, puis, d’un coup, je me tenais devant l’entrée d’une tente ou butais contre une cloison de tôle (les abris paraissaient toujours vides) »
« J’écrivais comme on shoote dans des boites de conserve, lançant des phrases contre tout ce qui apparaissait. Je notais les trajectoires (glissement à gauche/craquement à droite) et ce qui fuyait à l’extrême limite de la vision (éclats, ombre, couleur) »
« C’était dans des endroits où la réalité excéderait le texte que je voulais me tenir le plus longtemps possible, regardant les phrases gigoter en tous sens comme des poissons fraîchement capturés »
« .. il fallait sans cesse rabattre le texte sur l’espace nu, sans direction, et empêcher la chaîne du récit de se refermer, la laissant battre contre le flanc des choses. Mon texte devait rester incomplet, parcellaire… »
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Au bout de deux mois, j'avais complètement abandonné l'idée de faire apparaître la moindre parcelle de merveilleux ; les blancs des cartes marquaient, c'était clair, non pas l'étrange, mais le honteux, l'inacceptable, l'à peine croyable : des familles campant dans la boue en pleine ville et des hommes qui, comme à la Courneuve, sous l'A1, devait aller arracher aux obstacles des parcours de santé avoisinants des rondins pour alimenter leur feu l'hiver. J'ai donc radicalement changé d'approche, décidant, à rebours des règles que je m'étais fixées, de m'intéresser au contexte, d'interroger les gens, de consulter des rapports et des spécialistes, bref, d'écrire une sorte de documentaire, un texte qui dirait : « Regardez, voilà comment des gens vivent dans votre ville, et vous, vous ne voyez rien ; pire, vous vous organisez pour les cacher. »
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Au bout de deux mois, j'avais complètement abandonnée l'idée de faire apparaître la moindre parcelle de merveilleux : les blancs des cartes masquaient, c'était clair, non pas l'étrange, mais le honteux, l'inacceptable, l'à peine croyable : des familles campant dans la boue en pleine ville et des hommes qui, comme à la Courneuve, sous l'A1, devaient aller arracher aux obstacles des parcours de santé avoisinant des rondins pour alimenter leur feu l'hiver.
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Videos de Philippe Vasset (23) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Philippe Vasset
Lassé du silence de l'écriture, le narrateur s'improvise parolier et submerge de textes une star dont il admire la voix. Mais malgré son désir, et ses efforts, sa langue peine à devenir sonore, l'entraînant dans une exploration de plus en plus obsessionnelle de la voix, et en premier lieu de la sienne, qu'il a passé sa vie à assourdir. Parviendra-t-il à s'entendre ? À l'occasion de la parution de son nouveau roman A cappella, dans lequel Philippe Vasset explore à la première personne les liens entre texte et voix, l'auteur propose dans le cadre du festival une expérience d'écoute immersive consacrée aux mutations du timbre d'une seule personnalité, présence sonore familière et terriblement lointaine. L'écoute dans le noir, d'une durée de trente minutes, sera suivie d'un entretien avec l'auteur.
Philippe Vasset est journaliste et écrivain. Il a publié dix livres aux éditions Fayard, dont Un livre blanc (2007), Journal intime d'un marchand de canons (2009), Journal intime d'une prédatrice (2010), La Conjuration (2013), et plus récemment La Légende (2016) et Une vie en l'air (2018). A cappella est son premier ouvrage aux éditions Flammarion.
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