Trois étoiles malgré. Surtout pour le style et l'écriture qui bien qu'hybrides tiennent la route et par moment m'ont amusé.
Sinon, l'histoire en tant que telle n'étant pas vraiment de l'Histoire, est une forme d'invention, mais n'est pas extraordinairement inventive à mes yeux.
Vallejo ne va pas assez loin, dans rien. Ni dans la crudité, ni dans la concupiscence. Ni dans le développement des idées de ces grands hommes. Ni dans l'ironie, ni dans la platitude du regard du valet, ni dans la profondeur du regard de ce même valet. Que sais-je encore. Tout reste assez mélangé, hybride, oui. Voilà.
Si ce n'est pas un voyage (en Italie, majoritairement) désagréable, il ne m'a pas apporté grand chose.
Certes : ces grands hommes pissent comme tout le monde, ont parfois mauvaise humeur et mauvaises attitudes, comme tout le monde et ils n'en sont pas moins des grands hommes. Et, oui, idéalement tout le monde et tous les hommes sont censés avoir de beaux droits pour lesquels ces grands hommes-ci ont pu oeuvrer. Et, oui, non : personne n'est parfait.
Je ne souhaite pas reprendre un peu d'eau tiède dans mon café, merci.
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- Mes amis, a repris M. Diderot, il est temps, puisque Grimm a encore sa connaissance, de jeter les fondements de notre nouvelle croyance, une religion des hommes libres et de l'avenir.
- Je sens que vous allez blasphémer, Diderot, il faut vous taire.
- Ah Rousseau, détrompez-vous, vous m'entendez commencer l'éloge de la religion.
- Je connais assez bien votre cœur pour m'attendre au pis sur ce chapitre.
- N'attendez plus, me voici, et j'affirme qu'une religion devrait mettre au-dessus de tout le plaisir et non la pénitence, et non le cilice. La joie de l'âme ne saurait être que l'expression de la joie du corps. Si une religion me demande de m'étouffer, de traquer le pêché là où il n'est pas, ou bien là où il me réjouit, je n'en veux pas. Si une religion dresse sous mes yeux la liste de toutes ses maussaderies, me fait jeûner, porter la haire, me couvre de cendres, je n'en veux pas. Si elle dresse la liste des plaisirs à ma portée et qu'il me faut connaître, voilà ma religion, et c'est celle de l'amour.
- Vous oubliez, Diderot, que la religion de nos pères s'est fondée comme la religion de l'amour.
- Sans doute, mais de quel amour parle-t-on ?
- De l'amour de Dieu et des hommes.
- L'amour de Dieu et des hommes, parlons-en, c'est votre catéchisme, l'amour de Dieu et des hommes et toutes les religions le professent mais regardez bien la figure de cet amour : partout où il se répand sur cette terre, il devient l'amour de la mort. Cela commence avec notre grand Sacrifié qu'on nous donne en exemple. C'est son sang versé qu'il nous faut aimer. Et à celui qui ne veut pas aimer sa mort, on s'empresse de la donner. Nos religions prospèrent sur la mort des impies, et voilà l'amour. Plus de soixante-dix sectes de l'Alcoran trouvent assez d'amour dans leur foi pour nourrir des coupeurs de têtes ; nos catholiques et nos calvinistes s'entrégorgent par amour et par tous les temps ; on arrache des langues, on attache sur la roue, on brûle, cela s'appelle l'amour de Dieu et des hommes : l'amour de la mort, vous dis-je. Notre religion ne sera qu'amour de la vie, de ses passions, de ses fantaisies, de la joie.
Chacun poursuivait ses accrocs au mariage avec la plus grande ardeur. Les conversations d'entresol allaient leur train et les rires silencieux remplissaient l'office, quand on a raconté que M. d'Épinay avait acheté à une fille, et sans le savoir, un mal vénérien des plus tenaces, en avait fait don, en homme libéral qu'il savait être quelquefois, à Madame la marquise qui en avait aussitôt fait profiter M. Dupin. Les meilleurs médecins s'employaient à arrêter le mal, et nous prêtions notre concours avec les mines les plus respectueuses et la crainte que l'air de la demeure ne soit empoisonné et que nous succombions à notre tour. Mais notre maison était bien tenue et nos maîtres ne partageaient pas avec leurs gens ce qui n'appartenaient qu'à eux.
J'étais dans mon jeune temps un grand sec monté en graine et tout osseux, avec des jambes très longues, côtelées et rouges comme deux tiges de rhubarbe ; les mains rouge et pâles pareillement, longues et larges, en feuilles de rhubarbe : un beau garçon à cet âge, bien planté en terre. Ma mère, comme servante de cuisine, le disait chaque jour que je l'ai connue : Avec tes rougeurs par tout le corps, on dirait bien que je t'ai trouvé dans le potager de madame ; aussi bien tu es rude et délicat, sucré autant qu'acide, tout comme la rhubarbe de nos confitures. Cette brave femme m'aimait de son mieux et me voyait comme son fruit aussi bien que la Vierge Marie son unique Jésus.
Les hommes sont oublieux. Les grands hommes sont oublieux des petits, le grand Rousseau, au moment de mourir, n'avait certainement pas conservé aucune mémoire du petit Lambert qui le dépassait pourtant d'une bonne tête. Les hommes sont oublieux. Les petits danseurs ne sauront plus à dix ans d'ici qui était le grand Rousseau. Les petits sont oublieux des grands. Personne ne veut entendre personne.
J'ai dit qu'il subsistait peu de traces d ce voyage dans les oeuvres des trois auteurs, pourtant il me semble que, malgré leurs efforts, ils n'ont pas réussi à l'occulter complètement. Je serais disposé à croire, par exemple, que Diderot en empruntant le personnage de Jacques le Fataliste à l'Irlandais Lawrence Sterne, auteur de Tristram Shandy, s'est aussi un peu souvenu de mon ancêtre, non pour le fatalisme de la pensée dont Lambert est dépourvu, car il est plus valet et moins philosophe que Jacques [...].
Il est des hommes pour qui l'art est le théâtre de toutes les ambitions et de tous les risques. Il paraîtrait même que certains en sont morts. Avec Paul Greveillac ("Art Nouveau", Gallimard), Dominique Maisons ("Avant les diamants", La Martinière) et François Vallejo ("Efface toute trace", Viviane Hamy). Animée par Laure Dautriche, journaliste à Europe 1.