Ce court roman date de 1994, peu après l'éclatement de l'Urss et on peut imaginer que
Henri Troyat a mis dans les pensées de son héroïne Olga Kourganova, les espoirs mais surtout les angoisses insufflées par la nouvelle situation de son pays natal, la Russie tsariste.
Oui, car Eltsine, tout bonhomme qu'il soit, inspire la méfiance, d'abord on sent qu'il aime un peu trop la vodka, puis son discours sent l'hypocrisie à plein nez. Et on se demande comment ce moujik, certes courageux, mais peu éduqué, a les atouts pour parvenir à redresser ce pays en pleine déliquescence et totalement exsangue !
Alors en France, oui, beaucoup d'émigrés se réjouissent. Mais Olga Kourganova, quant à elle, arrivée en France à l'âge de huit ans, fuyant la révolution russe avec ses parents, ne connaît de sa Russie bien-aimée que les fantasmes engendrés par son éducation dans un pensionnat russe, fondé par des aristocrates émigrés, où elle a été élevée "dans le culte de la Russie d'autrefois : religion, tradition, vénération de la famille impériale".
Elle en a conservé un si bon souvenir qu'elle a même écrit en russe un recueil de nouvelles, qui traduites en français, reçoivent un accueil très chaleureux.
Et la voilà tout à coup confrontée à un insoluble dilemme : où donc se situer entre cette Russie qu'elle ne connaît plus, et qui sans doute n'a rien à voir avec le pays qu'elle a fantasmé durant tant d'années et cette France, où elle a presque toujours vécu et qui à présent la célèbre comme une héroïne ?
Bien sûr,
Troyat n'apporte aucune réponse. Il se contente d'exprimer, avec son talent habituel, les espoirs, les attentes, les questions, que tant et tant d'émigrés ont dû se poser à cette époque qui, peut-être, pouvait laisser espérer des lendemains qui chantent !