Le Jardin de Georges

Je voudrais vous parler ce soir d'une île à quelques encablures des côtes du Finistère, l'île de Batz, au large de Roscoff. Je voudrais vous parler d'un jardin posé à la pointe est de cette île, on l'appelle le jardin colonial. J'ai eu le plaisir un jour de le visiter il y a très longtemps, plus exactement de m'y glisser car c'est un jardin tout en profondeur. On y descend comme dans une crypte sous une cathédrale de verdure. Je ne connaissais pas son histoire.
Le jardin de Georges évoque justement cette histoire, plus exactement celle d'un jardinier, son créateur, Georges Delaselle.
Guénaëlle Daujon, l'autrice de cette belle biographie romancée qui mêle l'homme à sa création, est une autrice sentimentalement liée à l'île de Batz où elle a vécu plusieurs années et c'est ainsi qu'elle a découvert l'incroyable destin de Georges Delaselle. Même si cette île n'est guère éloignée du continent, y vivre comme d'ailleurs sur toute autre île bretonne, lorsqu'on n'y est pas né, n'est pas une sinécure. On demeure à jamais l'étranger, tout comme le fut Georges Delaselle, dont elle nous livre ici la vie romanesque.
C'est un texte puissant qui révèle le récit d'un homme passionné que rien ne prédestinait à l'existence qu'il connut et qu'il consacra à ce projet ambitieux, presque fou.
Nous sommes à la fin du XIXème siècle. Né dans une famille de la bourgeoisie parisienne qui connaîtra beaucoup de malheurs, Georges Delaselle est un jeune homme qui aime peindre au bord de la Seine, près d'Asnières. C'est là qu'il rencontre par hasard le peintre Georges Seurat qui lui fait connaître des amis, d'autres peintres, des impressionnistes.
De fil en aiguille il va se lier d'amitié avec un couple qui fréquente les milieux artistiques parisiens, Mélanie et Philippe de Vilmorin, ayant fait fortune dans les graines, les semences, les plantes exotiques venues des colonies françaises, à partir desquelles ils créent de nouvelles espèces.
Refusant de vivre une vie de bohème, Georges Delaselle s'engage dans une carrière dans les assurances, mais son coeur impatient est déjà tourné vers d'autres horizons.
Guénaëlle Daujon nous emporte dans ce Paris turbulent et exalté des artistes où le rêve de Georges Delaselle prend naissance à partir de croquis.
Le jeune homme voudrait créer un jardin. Ses amis lui parlent d'une île, là-bas, au confins de la Bretagne, une île aimée des peintres, c'est presque le bout du monde. C'est peut-être enfin l'endroit idéal pour Georges, le territoire où il pourra enfin poser ce jardin qui brûle dans son coeur. Un beau jour il prend un train jusqu'à Roscoff, puis un bateau jusqu'à l'île de Batz... C'est un matin de juillet 1897 comme un autre...
J'ai alors vu dans ces pages saisissantes d'évocation des images qui me sont familières, les bruits d'un port, les odeurs d'alcool et de poissons viciés, les battements d'ailes des mouettes, la voile rouge d'un sloop qui faseye et au détour de l'horizon une île qui surgit, réelle, offerte comme le désir, encore secrète, tandis que l'accueil des habitants se fait déjà glaçant.
Mais comment faire un jardin acclimatation, un jardin exotique, sur cette île sans arbre, traversé par le courant du Gulf Stream ? Les îliens le prennent vite pour un fou, mais lui croit en son rêve. J'ai vu les yeux de Georges, ce sont les yeux d'un enfant, je crois qu'à un moment donné, mon regard était celui de Georges, comme un enfant naïf devant la beauté d'un paysage tout droit sorti d'un conte.
Il y a bien ce coin totalement abandonné tout à l'est de l'île, disponible puisque personne n'en veut. Ce bout de territoire façonné de sable et de vent est empli de légendes et de malédictions. Guénaëlle Daujon convoque alors ce côté mystique si étroitement mêlé à cette terre de croyances qu'est la Bretagne.
Il sera seul au début dans son aventure insensé, une sorte de taiseux, infatigable rêveur. Un jardin peut-être déjà naît dans l'imaginaire de Georges, dont la cime des plantes viendrait caresser le bord du ciel. Il le peint dans son esprit vagabond... Plus tard son amie fidèle Mélanie de Vilmorin lui sera un appui déterminant.
L'île ne se laisse pas apprivoiser facilement, ses habitants non plus... C'est dans ce contexte que nous allons assister à la naissance d'un lieu, d'un paysage, d'une île dans l'île...
Guénaëlle Daujon restitue ici avec beaucoup de réalisme l'histoire intime d'un homme, un jardinier improbable un peu fou, un peu excentrique, mais d'une
volonté sans relâche, la croisant avec l'histoire universelle, celle de la fin du XIXème siècle, celle du Paris des artistes et de l'exposition universelle, celle des deux guerres mondiales qui vont jeter la barbarie au coeur de l'humanité, tandis qu'un jardin là-bas au bout du monde palpite et s'éveille dans le temps immuable.
J'ai aimé son écriture ciselée dans la patience du règne végétal, fluide, sensuelle. J'ai humé dans ses mots l'odeur des d'algues qui se mêle à celle de la citronnelle, des fleurs d'acacias, des feuilles d'eucalyptus. J'ai vu le jaune-vert des banksias se mélanger aux lauriers-roses et aux fleurs d'orangers.
J'ai senti l'émotion de l'autrice à la fin du récit comme si elle quittait un ami cher qu'elle venait de me faire rencontrer.
C'est une véritable histoire d'amour que je viens de vivre à travers ce récit que j'ai lu d'une traite, celle d'un homme qui parlait avec ses plantes, les caressait, les sentait, les observait, les admirait, les aimait plus que tout. Sans doute avait-il l'impression qu'elles lui parlaient aussi, du moins c'est ce que Guénaëlle Daujon laisse penser. Je la crois volontiers...
Je ferme les yeux et je n'ai pas besoin de beaucoup d'imagination pour voir se dessiner ce jardin comme un éden de résistance, un royaume, un écrin, une promesse, le lieu de toutes les possibilités, une oeuvre d'art, une île dans l'île, tandis que le fantôme de Georges Delaselle traverse les pages de ce livre.
Récit passionnant d'une admirable maîtrise, le jardin de Georges est aussi un hymne végétal qui se conclut sur un véritable plaidoyer de l'autrice à l'endroit des espèces qui disparaissent avant d'être nommées, rappelant que notre planète est avant tout un jardin, un jardin aujourd'hui menacé.

" La vie n'est authentique que lorsqu'elle change. " Léon Tolstoï

Connaissez-vous l'île de Batz ? On y trouve un jardin exotique maintenant nommé le jardin Georges Delaselle. C'est son histoire que nous raconte Guénaëlle Daujon.

Un roman hors de ma zone de confort puisqu'il s'agit d'une biographie et d'une « biojardinographie ». Une agréable lecture découverte d'un homme et d'un lieu.

Je lis peu ce genre de livres. Pourtant, j'étais curieuse de savoir comment un jardin exotique avait pu voir le jour sur une île du nord Finistère.

Avant le jardin, il y a son créateur. Georges Delaselle (1861-1944) est issu d'une famille de commerçants aisés. Un enfant sensible à la peinture, puis au travail de la terre qu'il découvre avec ses grands-parents.

A 36 ans, il a un salaire confortable et fait partie d'un groupe d'amis liés par leur intérêt pour tout ce qui est culturel et artistique. L'un d'eux va lui faire découvrir l'île de Batz. Et là va commencer l'histoire de ce jardin.

« Puis-je vous rappeler la définition du mot jardin ? C'est un enclos qui rassemble le merveilleux ».

Ce n'est pas un livre à suspense, ni une romance, ni un livre de terroir. « Juste » l'histoire d'une vie et d'une passion qui sera dévorante, celle aussi d'un jardin et de son devenir.

L'écriture est jolie, poétique parfois, souvent assez « factuelle ». Les états d'âme sont décrits, mais peut-être pas assez prononcés.

C'est une belle découverte, qui reste un peu « froide », les ressentis de Georges ne m'ont pas assez touchée. Mais c'est une lecture plaisante qui donne envie de se rendre dans ce jardin et qui permet de découvrir un homme que l'Histoire a oublié.

Je ne connaissais pas cette autrice, ni ce personnage, ni cette île. Ce qui m'a attiré c'est la présence des impressionnistes et de ce jardin qui semble incroyable.

C'est une biographie romancée de ce passionné qui a dédié une grande partie de sa vie à ce projet. C'est aussi un voyage dans le temps on va découvrir la fin du XIXes et pratiquement la moitié du XXes. Georges Delaselle 1861-1944.

L'autrice raconte comment lui est venue l'idée de retracer cette vie et ce jardin. On trouve aussi une bibliographie à la fin du volume pour ceux qui veulent aller aux sources.

C'est un roman qui se lit presque d'un trait tant on est emporté par les aventures de cet homme et l'Histoire. Son début de parcours est assez triste, puisque petit à petit il perd tout avant de trouver cette île.

J'ai bien aimé comment l'autrice reprend les événements qui font sa vie. Paris s'agrandit son père perd son commerce parce qu'il est situé sur le tracé des travaux, Les grands magasins, le père voit son commerce péricliter… Il perd sa mère puis sa soeur et son père, il se retrouve jeune adulte seul, sans famille, sans attache.. il va se découvrir une autre famille…

Il découvre le plaisir de dessiner, rencontre des peintres mais lui plus sage va faire carrière dans les assurances… Il va faire de belles rencontres mais il n'est pas opportuniste, il se laisse emporter par le mouvement.

Une femme va transformer sa vie, la futur mme de Vilmorin, elle va l'emporter dans un tourbillon et lui faire rencontrer l'Homme qui va lui faire découvrir cette fameuse île de Batz ou des peintres venaient peindre. Lui si sage va suivre son impulsion.

C'était très intéressant de voir comment l'île réagissait à ces changements d'époque, le tourisme tel qu'il débutait, les rapport avec ses parisiens qui venaient s'installer sur ses terres.

Il va côtoyer non seulement le monde des impressionnistes mais des explorateurs, des botanistes, des écrivains. le colonialisme et les expériences autour de l'acclimatation des plantes. Il y a l'époque tout un travail scientifique sur les plantes. C'est l'époque du développement des colonies et des Expositions Universelles qui montrent les avancées.

Je vous laisse découvrir comment il va décider de consacrer sa vie à ce jardin et trouver sa voie. Rien ne lui sera épargné ni les guerres, ni le krach financier, les tempêtes…
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