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EAN : 9782070354856
409 pages
Gallimard (03/06/1983)
4/5   18 notes
Résumé :
Publier un livre, nous dit Michel Tournier, c'est procéder à un lâcher de vampires. Car un livre est un oiseau sec, exsangue, avide de chaleur humaine, et, lorsqu'il s'envole, c'est à la recherche d'un lecteur, être de chair et de sang, sur lequel il pourra se poser afin de se gonfler de sa vie et de ses rêves. Ainsi le livre devient ce qu'il a vocation d'être : une oeuvre vivante.
Une cinquantaine de livres sont donc venus se poser sur le lecteur Tournier, l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Chaque livre est un vampire qui se nourrit de ses lecteurs. « Si je savais ne pouvoir être publié, je n'écrirais rien. […] Oui, la vocation naturelle, irrépressible, du livre est centrifuge. Il est fait pour être publié, diffusé, lancé, acheté, lu. La fameuse tour d'ivoire de l'écrivain est en vérité une tour de lancement. On en revient toujours au lecteur, comme à l'indispensable collaborateur de l'écrivain. […] Un livre écrit, mais non lu, n'existe pas pleinement. » (p. 12) L'idée n'est pas nouvelle : la part du lecteur dans le processus de création littéraire de la fiction est essentielle. Michel Tournier est auteur, mais avant tout lecteur et il raconte comment il a été vampirisé par ses lectures. Ainsi, l'influence est double, réciproque : le texte nourrit son lecteur qui à son tour l'emplit de sa compréhension et de ses réflexions. « Nous disons donc qu'un livre a d'autant plus de valeur littéraire que les noces qu'il célèbre avec son lecteur sont plus heureuses et plus fécondes. » (p. 19) Avec Michel Tournier, tout paraît si évident. Sa thèse est brillante, très bien écrite et parfaitement logique, tout en étant accessible et encourageante. Nul doute que, comme moi, vous aurez envie de fourrer votre nez dans tous les livres que l'auteur évoque au fil des pages.

Il est question de mythes littéraires, de contes, de textes classiques et de pépites oubliées. On y trouve des réflexions sur la création, le génie, le travail de l'artiste. « Par le poème ou le roman, l'écrivain impose à l'adoration des foules ce qu'il y a dans sa vie de plus ardent, de plus intime, et peut-être de moins avouable. » (p. 169) Chaque chapitre peut se lire indépendamment des autres, mais s'enchaîne cependant parfaitement avec le précédent et annonce le suivant. Michel Tournier honore ses maîtres, dévoile des trésors et titille la curiosité.

Je ne peux pas citer tous les livres que Michel Tournier évoque, mais juste un mot : il parle tellement bien de Madame Bovary ! Flaubert, Stendhal, Zola, Vallès, tous ces grands qui l'ont et m'ont fait grandir, Tournier les évoque avec passion et érudition. « Je juge ces oeuvres géniales en raison de l'effet d'élargissement, d'approfondissement, d'enrichissement, de libération que cette lecture exerce sur ma vision actuelle du monde. » (p. 27) Et Tournier lui-même est au nombre de ces immenses auteurs qui m'aident à vivre et à penser au quotidien. Et je ne cesse de lui être reconnaissante puisqu'il m'a donné envie de relire André Gide que je trouve poussiéreux et Jean-Paul Sartre qui m'ennuie si vite, d'ouvrir La montagne magique qui attend depuis trop longtemps ou de découvrir Jacques Lartigue, inconnu à mon bataillon. « Voir beau n'est d'ailleurs pas de tout repos, ni de tout bonheur. La beauté qui vous saute au visage et au coeur à chaque coin de rue vous blesse de façon inguérissable. » (p. 228) J'espère donc ne jamais guérir et rencontrer les textes cités par Michel Tournier. Que je sois vampirisée encore longtemps !
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Pour cocher la case Michel Tournier du Challenge Solidaire 2023, je pensais devoir relire l'un de ses romans ou de ses recueils de nouvelles lus dans les années 1980.
C'est avec surprise que je suis tombée dans une bouquinerie sur le Vol du vampire, un recueil de notes de lectures, sur les auteurs et / ou les livres qui l'ont particulièrement inspiré.
Si son attrait pour la littérature et la philosophie allemande sont bien connus, Michel Tournier nous parle également des auteurs français anciens ou contemporains qu'il admire et qui ont inspiré son oeuvre.
Dans l'introduction, il explique que toute oeuvre littéraire appartient autant aux lecteurs qu'à l'écrivain. Il me tarde de grimper sur La Montagne magique et d'autres chefs-d'oeuvres que jusqu'ici j'avais négligé de lire. Sans parler de relire quelques romans de Michel Tournier, quarante ans après...
Merci au challenge Solidaire
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Publié en 1981, « le vol du vampire » est un recueil de notes de lecture. On trouvera une trentaine de textes critiques ou commentaires et de chroniques, réunis sans autre fil conducteur que les goûts de Michel Tournier. Bien sur, sa longue fréquentation de la littérature allemande nous emmènera vers Kant, Goethe et Hesse…mais sa curiosité pour toutes les littératures nous ouvrira les portes de Sartre, Malraux, Boudard… J'en passe. Pour finir par cinq maîtres : Maurice de Gandillac (?), Claude Lévy-Strauss, Denis de Rougemont, Ernst Jünger et… Maurice Genevoix.

Il s'agit là d'un recueil de petits essais d'une très grande érudition. Qu'il s'agisse d'histoire littéraire ou de philosophie, Michel Tournier est toujours aisé et plaisant à suivre dans un exercice où il excelle : une sorte de petites causeries au hasard de ses promenades littéraires. Rien de bien neuf, diront les esprits chagrins…

Tant pis, le plaisir a parfois besoin du repos de l'esprit ; et quel plaisir de partager (ou non) avec un tel génie littéraire du ressenti sur des lectures communes.
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Citations et extraits (32) Voir plus Ajouter une citation
Un écrivain peut avoir l'ambition d'être un bon écrivain, cela ne dépend que de sa conscience professionnelle et de son travail. Quant à être un grand écrivain, cela c'est l'affaire des autres, et pas ceux de son entourage, ni même de ses contemporains. S'il juge génial ce qu'il est en train d'écrire, l'auteur déraille, fût-il Victor Hugo. La génialité d'une oeuvre est contenue dans l'actualisation effectuée par le lecteur. Je lis Tristan et Iseut, Perrault, Saint-Simon, et je juge ces oeuvres géniales en raison de l'effet d'élargissement, d'approfondissement, d'enrichissement, de libération que cette lecture exerce sur ma vision actuelle du monde.
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Un livre écrit, mais non lu, n'existe pas pleinement Il ne possède qu'une demi-existence. C'est une virtualité, un être exsangue, vide, malheureux qui s'épuise dans un appel à l'aide pour exister.
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« Si je savais ne pouvoir être publié, je n’écrirais rien. […] Oui, la vocation naturelle, irrépressible, du livre est centrifuge. Il est fait pour être publié, diffusé, lancé, acheté, lu. La fameuse tour d’ivoire de l’écrivain est en vérité une tour de lancement. On en revient toujours au lecteur, comme à l’indispensable collaborateur de l’écrivain. […] Un livre écrit, mais non lu, n’existe pas pleinement. » (p. 12)
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A quoi servent Tristan et Iseult ? Et après eux, dans le panthéon imaginaire occidental, Faust, Don Juan, Robinson Crusoe, Don Quichotte ? Et derrière eux, du fond de la Thèbes antique, Œdipe ? Ces héros maudits, ces révoltés qui n’incarnent chacun un aspect de la condition humaine qu’à la façon dont un bouc émissaire se charge d’un péché, qui osera prétendre que, s’ils vivent en nous, c’est pour nous aider à mieux nous intégrer dans le corps social ? La passion adultère de Tristan et Iseult, le pacte avec le diable de Faust, le désir ardent et destructeur de Don Juan, la farouche solitude de Robinson, le rêve extravagant de Don Quichotte, autant de façons au contraire de dire non à la société, de briser l’ordre social. Il y a dans l’ethnologie, la sociologie et la psychanalyse un biologisme de principe qui voudrait que tous les ressorts de l’homme favorisent son intégration au corps social. C’est de là que découle directement l’aspect réducteur de la cure psychanalytique. Il est difficile de faire admettre à des esprits de formation scientifique qu’il puisse y avoir aussi des mécanismes propres à sauvegarder une certaine inadaptation de l’individu dans la société. Or s’il est facile de définir l’estomac normal, le foie en bonne santé, le poumon fonctionnant de façon satisfaisante, il n’en va pas de même du comportement ou de l’esprit. L’homme n’est pas l’animal. Il a la faculté de regimber contre son milieu et de le modifier pour le plier à ses exigences, au lieu de se plier lui-même aux siennes. Ainsi la fonction des grandes figures mythologiques n’est sûrement pas de nous soumette aux « raisons d’Etat » que l’éducation, le pouvoir, la police dressent contre l’individu mais au contraire de nous fournir des armes contre elle. Le mythe n’est pas un rappel à l’ordre, mais bien plutôt un rappel au désordre. La société ne dispose que de trop de contraintes pour niveler les aspirations divergentes de ses membres. Un danger mortel la menace : celui de glisser vers l’organisation massive et figée de la ruche ou de la fourmilière. Ce danger n’est pas théorique. Il est facile de citer dans le passé et dans le présent nombre de nations où un ordre tyrannique a écrasé tout jaillissement créateur individuel. Et il ne faudrait pas croire que cette discipline bestiale se rachète par une efficacité et une productivité supérieures. Les esclaves sont de mauvais travailleurs, le labeur servile se signale par son rendement désastreux, tous ceux qui l’ont utilisé – depuis l’Antiquité jusqu’à l’ère coloniale – le savent d’expérience. L’homme est ainsi constitué que, si on lui retire la faculté de dire non et de s’en aller, il ne fait plus rien de bon. Les grands mythes sont là, croyons-nous, pour l’aider à dire non à une organisation étouffante. Bien loin d’assurer son assujettissement à l’ordre établi, ils le contestent, chacun selon un angle d’attaque qui lui est propre.
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Un secondaire vit en référence constante à son passé et à son avenir. La nostalgie de ce qui n’est plus et l’appréhension de ce qui va arriver obnubilent son présent et dévaluent sa sensation immédiate. Son intelligence se sert du calcul plus que de l’intuition. Son espace est une chambre d’écho et un dédale de perspectives. En amour, la fidélité lui importe plus que la liberté.
Un primaire s’éblouit de la jeunesse de l’éternel présent. Il peut être cérébral ou sensuel, c’est l’homme de l’évidence originelle et du premier commencement. Chaque matin est pour lui le premier jour de la Création. Il ne s’embarrasse pas de fantômes ni de chimères. Il se montre spontanément ingrat, imprévoyant mais sans rancune. Il adhère par instinct à ce qui s’offre.
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Vidéo de Michel Tournier
Enseignante à l'Institut Universitaire Tous Âge d'Amiens, Micheline Foré avait invité Michel Tournier à présenter une conférence dans ce lieu. En raison de problèmes de santé, celui-ci lui proposa plutôt une rencontre chez lui au Presbytère de Choisel. S'en suivirent des échanges amicaux entre l'écrivain et l'enseignante. Leur rencontre eut lieu en mai 2008 en compagnie de sa fille Blandine et de deux amis, Françoise et Jean-Claude Leleux qui filma l?entretien. La librairie du Labyrinthe les remercie tous de lui avoir confié ces images afin de les monter et de les diffuser pour le plaisir de tous.
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