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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Il était une fois la guerre au Shonga, Etat fictif quelque part en Afrique Subsaharienne, des séparatistes au Nord qui sert de base arrière à de nombreuses mouvances terroristes, une guerre civile qui n'en finit plus. Et des soldats français envoyés en renfort de l'armée nationale impuissante, dans un contexte d'attentats terroristes sur le sol français. Sébastien Franqui est un de ses soldats, service logistique, chef de convoi. Plusieurs missions au Shonga sur 17 ans, avant la débâcle. le gouvernement français stoppe l'opération et décide de purger de l'armée tous les anciens du Shonga, jugés irrécupérables et ne faisant pas beau sur la photo d'une armée française qui essaie de se donner une nouvelle image, plus propre, plus souriante loin de la guerre sale du Shonga.

Le narrateur est un reporter de guerre, frère d'âme de Sébastien. C'est par sa voix, forcément empathique que l'on découvre le parcours de Sébastien et sa bascule dans l'abîme. On sait d'emblée que le récit va être sombre, très sombre. La dernière phrase du prologue évoquant Sébastien « transformé en bombe à retardement que les hommes ont lentement amorcée jusqu'à l'explosion », puis les titres de chapitres qui suivent, « Bombe amorcée », « J-1095 », ne laissent aucune place au doute. Esthelle Tharreau maitrise parfaitement un suspense distillé goutte à goutte. On a l'impression d'entendre l'irréversible tic-tac dans notre tête.

On a déjà beaucoup écrit ou filmé sur les traumatismes des soldats, toute guerre confondue. Sur ce point, le roman ne surprend guère mais impressionne par la qualité des détails sur les atrocités de guerre vues et vécues par Sébastien, notamment l'épisode du camp de réfugiés. La plume d'Esthelle Tharreau, alerte et fluide, épouse toutes les cabosses de la guerre, collée au plus près des émotions de Sébastien, comme lorsqu'il ne parvient à oublier le regard « scarifié par une larme » d'un enfant shongais avec lequel il s'était lié et qu'il a l'impression d'avoir abandonné, comme une malédiction qui le poursuit.

Ce qui surprend le plus, c'est le choix de déplacer la focale sur la famille et ceux qui restent au pays, en l'occurrence Claire, l'épouse de Sébastien, et leur fille Virginie.

La famille, c'est vraiment la grande oubliée des récits de guerre ( bien que récemment, j'ai vu un film sur le sujet, Mon légionnaire, de Rachel Lang, auquel j'ai pensé malgré un traitement très différent ). Esthelle Tharreau restitue avec une grande intelligence émotionnelle le quotidien de Claire et Virginie confrontées à l'absence, à la peur, aux manques de nouvelles, à l'hostilité du regard extérieur porté sur l'armée, et surtout à l'impossibilité de communiquer qui génère un mur d'incompréhensions et de malentendus. Sébastien est un homme brisé, qui ne parvient pas à entamer sereinement sa réinsertion dans une société qui rejette ces hommes de guerre emplis de cauchemars et de béances. Il s'enfonce dans une solitude taiseuse et douloureuse que seuls peuvent comprendre ceux qui ont fait la guerre. Peut-on seulement guérir de la guerre ?

Le personnage de Claire est très réussi, fidèle Pénélope usée qui ne parvient pas à raccrocher son homme à la vie. La narration passe de l'un à l'autre, revenant très pertinemment sur plusieurs scènes vues sous les deux angles, comme la scène bouleversante où Sébastien, revenu d'une de ses missions au Shonga, fait la connaissance de sa fille nouvellement née. Lorsque le narrateur confronte la première version, celle de Sébastien, à la version de Virginie, tout s'éclaire, tout se reconnecte et le regard du lecteur évolue totalement. J'ai énormément apprécié ces changements de focale qui apportent beaucoup de densité au récit.

Un roman noir d'une grande finesse psychologique jusqu'à sa fin, inattendue qui rebondit dans une direction qu'on n'avait pas vu venir et qui semble pourtant tellement évidente.
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Avec « Ceux Qui Restent », de Jean Michelin, j'avais l'impression que l'auteur maintenait un peu de distance entre nous et ses personnages soldats, nous empêchant d'accéder totalement à eux, à ce qu'ils pensaient et ressentaient en profondeur et pas seulement en surface tout public. Et cette retenue pudique constituait probablement les dernières barrières qui permettaient à chacun de tenir le coup. Ce n'est clairement pas le cas d'Estelle THARREAU dans « Il Etait Une Fois La Guerre » ! Elle nous donne accès à tout, les faits, pensées et ressentis de son personnage principal dont, pour le coup, les barrières menacent de s'effondrer. Et ça remue le lecteur.


En tant que soldat, Sebastien Braqui conduit les convois logistiques pour l'armée. Il est envoyé à quatre reprises à Shonga, où l'intervention de l'armée vise notamment à éviter les attentats ici. Mais à chaque mission le pays s'est enfoncé un peu plus dans la violence, et les soldats sont confrontés à de plus en plus d'horreur, de souvenirs traumatisants, d'images indélébiles et de sentiments ambivalents.


A cela s'ajoute que les soldats ont mauvaise presse, car plus cette guerre s'enlise, plus l'ennemi utilise des images choquantes pour justifier de nouveaux attentats, n'hésitant pas à utiliser les enfants. Les politiques se sentent obligés d'amorcer un retrait des troupes en déplorant LEUR échec (pas celui de la nation qui les commande hein^^) pour ramener la paix, et LEUR méthode inappropriée. Aussi à chaque retour au pays, les soldats dont Braqui se sentent toujours plus désavoués, dénigrés, abandonnés, à la fois par leur pays, leurs concitoyens, leurs dirigeants, leur hiérarchie qui finit par les placardiser, les abandonnant à la vie civile à laquelle ils ne sont plus adaptés… Mais aussi leurs familles.


Celle de Sébastien est en déliquescente depuis la première mission. La faute aux non-dits qui nourrissent l'incompréhension de sa femme et de sa fille. Mais comment expliquer ce qu'il a été contraint de faire et de voir là-bas sans les choquer encore plus et qu'elles le détestent ? Sébastien ne peut pas parler non-plus aux psy de l'armée tant « tout ce qu'il dira pourra être retenu contre lui », et les psy civils sont hors budget, hors réalité, hors tout. Et puis Sébastien n'est pas taré ! Ca non, il fait juste peur à sa femme et sa fille en hurlant chaque nuit les horreurs dont il ne sait plus quoi faire et dont il ne veut plus. Il crie les sacrifices qu'il a dû faire pour un pays qui l'accueille désormais en lui jetant des pierres, et en le « purgeant » de l'armée sans jamais lui offrir un accompagnement digne de ce nom. Et la souffrance et les sacrifices de sa famille ne sont pas oubliés non-plus.


Son histoire est prenante, triste mais aussi effrayante, du fait de ses propres réactions autant que du réalisme des guerres et de la politique. Grâce à une narration alternant les temporalités (en mission puis en famille), on ressent bien le désespoir et la rage de Sébastien. Pourtant, ce n'est pas lui qui nous raconte son histoire. Ce n'est pas non-plus un frère d'arme, plutôt un frère d'âme : Reporter de guerre, le narrateur a subi les mêmes expériences que Sébastien lors de ses missions et, pour avoir divorcé trois fois, il connaît les retours brutaux, la solitude et ce sentiment d'abandon dans l'horreur, d'impossibilité de s'en sortir, les envies d'alcool toujours plus forts. Il sait l'importance de tout ce qui se joue sous ses yeux, et reconnaît une bombe humaine, prête à exploser, lorsqu'il en voit une.


Ce récit est donc construit comme le compte à rebours d'une explosion programmée… Formé au pire, Sébastien apparaît au lecteur aussi dangereux que fragile, aussi effrayant que bouleversant. Non, c'est sûr, Estelle THARREAU n'a pas écrit pour ne rien dire. Elle écrit pour révéler, dénoncer, expliquer, toucher. Elle écrit pour sensibiliser, pour solidariser. Pour informer. Peut-être aussi pour alerter et… tenter de faire changer les choses, à son échelle. La fin romanesque ainsi que la plume directe et fluide inscrit ce récit dans la lignée de "Ceux qui restent". Evidemment, malgré quelques beaux passages d'écriture, c'est raide pour tout le monde : le soldat, la famille, les politiques et le lecteur. Mais c'est nécessaire, pour connaître le monde dans lequel on vit, comprendre les tenants et aboutissants avant de juger et, surtout, pour tenter d'améliorer un système qui, s'il fonctionne vraiment ainsi, est imparfait, voire écoeurant. le dénouement un peu rapide aurait pu pénaliser la cohérence d'ensemble si tout ce qui précède ne nous avait pas suffisamment marqué ; aussi, en l'occurrence, il survient comme une délivrance.


« Il était une fois un homme bon devenu une plaie à vif.
Il était une fois un homme et une femme ; un premier de cordée qui entraîne le second dans sa chute.
Il était une fois un soldat ayant dépassé le seuil d'horreur qu'il pouvait endurer et que la vie a transformé en une bombe à retardement que les Hommes ont lentement amorcée jusqu'à l'explosion.
Il faudrait peut-être commencer ce récit tout simplement par “il était une fois la guerre”. »
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Comment la guerre et ses atrocités peuvent transformer un soldat. Comment elle peut transformer un homme et le mener vers sa perdition.

Tel est le propos de ce roman coup de poing qui nous projette dans le futur à la rencontre de Sébastien Braqui. Un militaire de carrière embarqué à la demande de son pays et de sa hiérarchie dans une guerre en Afrique. Une sale guerre aux contours flous dans laquelle différentes factions se combattent pour prendre le pouvoir quitte à considérer la population comme une variable d'ajustement. Massacres, barbaries : la terreur devient la règle et les soldats français de simples témoins impuissants.
Sébastien y reviendra plusieurs fois et va découvrir un pays dévasté livré à des bandes armées sans foi ni loi, que celle du plus fort.
Sans s'en rendre compte ou préférant l'ignorer, Sébastien va être totalement traumatisé par tout ce qu'il a vu et vécu là-bas. Quel que soit le mal dont il est atteint - stress post-traumatique ou autre - il va s'enfoncer dans une spirale infernale accentuée par son statut de vaincu.
Personne n'aime les perdants, ceux qui ont déshonoré leur pays en battant en retraite devant une foule hostile. Il est malgré lui cantonné à ce mauvais rôle , celui du sacrifié sur l'autel d'une nouvelle génération qui ne souhaite qu'une chose : faire table rase de ces soldats vaincus pour préparer le renouveau. Véritable stratégie ou simple utopie ?

Estelle Tharreau nous offre un roman très noir qui nous plonge sans concession dans la vie de ce militaire brisé. Un scénario qui alterne entre sa vie privée et celle passée avec ses camarades de régiment en France ou sur le terrain des conflits. Peu à peu on est témoin du basculement qui s'opère chez Sébastien et dans ses relations avec sa femme. de la fierté de défendre son pays, puis pris par le doute, il se transforme progressivement en être aigri, pétri de vengeance envers ceux qui l'ont envoyé au casse-pipe puis l'ont humilié. Sébastien devient un étranger pour sa famille dont il s'éloigne insidieusement pour mieux se réfugier dans l'alcool qui lui fait oublier pour un temps ses démons. La seule vraie famille qui comprend sa situation reste ses anciens camarades militaires qui ont vécu comme lui ces atrocités. Comme ce jeune reporter de guerre marqué à vie par son séjour au Shonga qui devient alors témoin de la décrépitude de son ancien camarade.
Attention l'auteure risque d'en secouer certains lors de quelques passages d'une dureté extrême car elle ne peut tenter de nous faire rentrer dans la peau de son personnage principal sans nous montrer ce qu'il a enduré. Vous êtes prévenus !
Un roman qui marque sans aucun doute par la puissance des mots comme par le choc des images qui s'impriment inévitablement en nous grâce au talent de l'auteure.


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C'est la première fois que je lis un roman qui m'ouvre autant les yeux sur le stress post- traumatique, mais surtout sur le quotidien de nos militaires envoyés en zone de conflit. Estelle Tharreau réussit ici à faire côtoyer son lecteur et son héros, Sébastien Bracqui, aussi bien sur le champ de bataille en Afrique que dans ses tentatives de réinsertion civile en France, auprès d'une famille dépassée par les conditions de travail du militaire.

« le privilège des vaincus : chassés par les vainqueurs et honnis par leurs propres compatriotes. » Cette phrase m'a marquée. Comment peut- on détester ceux qui ont osé défendre nos valeurs ? Et puis, à la lecture du roman, j'ai compris cet engrenage malaisant.

« le soldat Braqui a 40 ans. Il en a déjà tellement vu qu'il n'a pas peur. Il est simplement amer et usé d'être jeté en pâture, d'être montré du doigt, d'être honni par tous ceux qui ne savent rien des sacrifices et des cauchemars qu'il a endurés pour eux. » Quatre fois. On a envoyé Sébastien Braqui quatre fois en territoire Shonga. Pour qu'il y conduise des camions, mais aussi pour qu'il élimine toute personne (armée ou pas) s'opposant à l'avancement de son convoi.

« A cet instant jaillit une image qu'il avait cru oubliée depuis toutes ces années : celle du petit Momar. Comme une répétition de l'histoire. Celle de ce visage scarifié par une larme. Comme une malédiction. » Sébastien a eu une faiblesse : il a craqué devant les yeux suppliants d'un gamin abandonné et affamé, qui avait cru voir en lui l'opportunité de survivre. Une faiblesse qui va le suivre durant toute sa vie et affecter Sébastien au plus profond de son âme.

« Sous les yeux de Sébastien se déroulaient des scènes de vie étranges : des supermarchés d'où sortaient des chariots pleins d'abondance, des rues où des gens ne fuyaient pas, des enfants armés de cartables. Il se sentait étranger à ce monde qu'il avait pourtant connu toute sa vie. » Sébastien ne parvient plus à reprendre une vie normale lors de ses permissions. le psy ? L'institution militaire se révèle incapable de lui en trouver un. Un emploi de réinsertion ? On lui donne une liste d'employeurs « partenaires » ; mais ceux- ci sont méfiants envers ces militaires critiqués depuis leur retour en métropole. Les amis ? Aussi brisés que lui. La famille ? Elle a fui.

Au final, un roman très dur, très noir, sur les horreurs que peuvent vivre nos soldats dans les pays qui sont en rébellion perpétuelle contre un système plus démocratique. Jamais je n'avais ressenti autant de détresse de la part d'un héros ayant été soldat de la République française, et même si j'ai conscience qu'il s'agit d'un récit de fiction, je ne peux m'empêcher de croire qu'il s'y trouve une certaine part de véracité.
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Il était une fois la guerre est l'histoire, racontée par un reporter de guerre, de Sébastien Braqui, un soldat qui effectue des missions en Afrique. L'écrivaine va nous montrer via son histoire ce que ces différentes missions on comme impact psychologique et les répercutions que cela fait dans sa vie et son entourage.

Malheureusement j'ai eu un début difficile avec ce livre, je n'ai pas tout de suite compris qui racontait l'histoire ce n'est qu'au bout de certaines pages que ma lanterne c'est éclairée et que j'ai compris que c'était raconté par un reporter de guerre.
Puis j'ai eu aussi parfois du mal à situer l'histoire, avec les missions en Afrique et les retours passée/présent, ce n'était pour moi parfois pas clair, mais à part ces petits désagréments j'ai beaucoup aimé lire ce livre.
L'histoire est très intéressante, la descente en enfer d'un militaire/soldat n'est pas évidente et encore moins pour la famille qui est impuissante.
J'ai aussi beaucoup aimé les personnages, je me suis beaucoup attachée à eux.

Pour moi ce livre est donc une très bonne histoire que j'ai assez bien aimé lire, mais il manquait parfois un peu plus d'informations pour mieux comprendre certaines choses, ben oui quand on a le cerveau d'une blonde lol

Merci à Joël des éditions Taurnada ainsi que l'auteur Esthelle Tharreau de m'avoir permis de lire ce livre.
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Pour ce premier roman que je lis d'elle, Estelle Tharreau joue adroitement sur les flashback et les flashforward pour raconter tour à tour les opex du soldat convoyeur Sébastien Braqui au Shonga, un pays imaginaire africain, sorte de mélange entre le Rwanda (pour le côté génocidaire) et l'Afghanistan (pour les risques d'attentat en métropole qui en résultent), et ses retours de plus en plus difficiles à la vie civile, avec sa femme et sa fille qui le voient péricliter sous leurs yeux impuissants, détruit par ce qu'il a vu et été obligé de faire.
D'autant que Braqui est devenu persona non grata dans son propre pays. Il symbolise la défaite. L'armée veut le mettre au placard et se débarrasser de lui, et les civils le traitent d'assassin.
Un scénario tout à fait plausible qui trahit une bonne connaissance du milieu militaire, et qui rappelle furieusement Rambo (qu'il faudra que je lise un jour) et de façon générale les témoignages des vétérans du Vietnam.
Un bon petit bouquin, non exempt de défauts. Vers la fin, on commence à se perdre temporellement, et le point de vue du reporter de guerre est difficile à défendre sur certaines scènes très intimes que seul le héros lui-même pouvait connaître.
Mais ça se lit très bien, et c'est une bonne réflexion sur les risques qu'il y a pour les pays occidentaux à envoyer leurs armées sur des théâtres extérieurs sans que leur propre sécurité soit menacée, ce que la France n'a cessé de faire ces dernières dizaines d'années.
On en a eu encore une bonne illustration récemment, lorsque nos soldats, pourtant sollicités par les autorités du Mali et du Burkina Faso, ont fini par en être virés.
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Un thriller psychologique très immersif, poignant. Je dirais même un récit de guerre qui prend aux tripes.
On suit un militaire, un homme brisé par ses missions. Un homme comme il en existe beaucoup trop.
J'ai aimé les différents points de vue des personnes de l'entourage de Braqui.
C'est tellement bien écrit, avec beaucoup de réalisme, que j'en oubliais que j'étais plongée dans un roman.
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Quand on m'a proposé de découvrir ce roman d'Estelle Tharreau, j'ai hésité. le titre déjà « Il était une fois la guerre », le thème aussi. Je ne suis pas une grande férue des récits de guerre, des considérations militaires alors j'ai réfléchi à deux fois. Je me suis dit que j'avais déjà découvert la plume de l'autrice avec son recueil de nouvelles Digital Way of Life, et que cela m'avait plu. Alors, j'ai donné sa chance à ce roman.

Ce roman met en scène Sébastien Braqui, un soldat chargé d'assurer la sécurité des convois logistiques en zone de guerre. Il part plus souvent qu'à son tour, sur des zones de guerre d'une violence inouïe. Mais un jour, ce soldat gêne. La défaite est là, les gens et les autorités veulent oublier. Un retour, un rejet, une descente aux enfers que seuls comprennent ceux qui ont vu, ceux qui savent.

Je ne mentirai pas. J'ai commencé ce thriller une première fois, et je l'ai arrêté. Ce n'est qu'un mois après que je me suis dit que je ne pouvais pas rester sur cette impression de rejet. le début est – à mon sens – aride et violent. Cela a buté la lectrice que je suis. Doucement, les souvenirs de ma première lecture de l'autrice ont fait leur chemin. Je me souviens d'une plume acérée, qui tranche dans le vif du sujet, qui dérange et gêne aux entournures, qui se fait violente et dure pour montrer aussi la violence du monde. Alors, je m'y suis remise, armée, cette fois-ci, j'ai enfilé ma carapace, je me suis préparée à une lecture ardue, dérangeante et j'ai dévoré le roman. Il faut avoir le coeur accroché pour lire ce livre. Il faut être en capacité d'accueillir dans son coeur et son esprit la violence du monde mais aussi la douleur infinie de celui qui se sacrifie pour les autres puis qui est renié. L'abandon. Il faut pouvoir recueillir l'abandonné grognon, taciturne, que l'indignation et l'injustice confinent bientôt à l'autodestruction et à la violence.

Le personnage de Sébastien est la clef de voûte de ce roman. Dans le début du livre, il est détestable. Sa violence verbale et non verbale créent un véritable repoussoir pour le lecteur. On est au-delà du personnage bourru. Il fait le vide autour de lui. Et, doucement, le lecteur comprend. Mais nous ne comprenons que grâce aux éclairages du passé. L'homme qui se dresse devant nous est un homme qui a vu des choses que personne ne devrait voir. Son coeur a été blessé mille fois, mille fois il a enduré l'innommable, l'horreur pure, et mille fois il a dû faire face, serrer les dents, encaisser et avancer. L'histoire de Sébastien, c'est l'histoire de beaucoup de personnes. Des êtres qui affrontent avec courage les défis devant eux, des êtres qui n'osent pas demander de l'aide de peur du jugement, de peur du rejet ; des êtres bousculés en profondeur par les atrocités dont ils sont les témoins ; des êtres qui sous leur apparente violence n'arrivent plus à trouver le chemin pour dire l'horreur, pour dire le désarroi, pour dire la souffrance. L'histoire de Sébastien, c'est aussi l'histoire de tous ceux qui veulent protéger leur famille et qui à force de taire leurs traumatismes, érigent un mur infranchissable entre eux et ceux qui les aiment.

Le lecteur assiste non seulement à une descente aux enfers, mais aussi à un gâchis incommensurable. Il voit se forger un océan d'incompréhension. Il voit Sébastien et sa famille s'éloigner, irrémédiablement, sans qu'aucun pont ne soit assez puissant et assez solide pour relier ces terres de désespoir et de souffrances. le drame est bien là. Tout le monde souffre dans ce thriller : Sébastien aux multiples traumatismes, qui s'enfonce toujours plus dans le mutisme ; sa femme qui se sent abandonnée, seule, incomprise, reléguée aux renoncements et aux acceptations pour un époux qui ne voit pas ses efforts ; leur fille – écartelée entre un père qu'elle aimerait admirer mais qui lui fait peur, et une mère dont elle perçoit la souffrance.

Plus le lecteur avance, plus sa compassion grandit. Nous aimerions que Sébastien arrive à passer le cap, qu'il mette des mots sur ses maux, qu'il entreprenne le travail de deuil, qu'il panse ses blessures morales. Malheureusement, toute la société lui met des bâtons dans les roues. Il devient une cocotte-minute.

Une des forces de ce roman est de montrer la nécessaire entraide. Il est des choses que l'on ne peut pas réellement appréhender dans leur pleine complexité si on n'y a pas été confronté. C'est alors que des personnes bien intentionnées peuvent faire office de passeur. Parfois, l'homme a besoin de quelqu'un pour l'aider à dire, pour accompagner sa parole, pour faire ce pas de côté qui coûte trop parce qu'un ultime rejet serait trop dur.

Le rôle du journaliste de guerre, l'ami de Sébastien, est crucial dans ce thriller à plus d'un titre. Crucial pour le lecteur car il nous aide à voir un Sébastien en actes – et à nouer avec lui un vrai lien affectif – et crucial pour Sébastien car il sera le catalyseur qui l'aidera à trouver une solution.

Enfin, ce roman offre un regard sans concession sur la guerre, ses traumatismes, sur l'instrumentalisation politique fait des guerres – victoires comme défaites – et sur les vies brisées, les vies des soldats, les vies de leur famille, les vies des victimes. La représentation des bourreaux est également intéressante : les victimes d'hier peuvent être les bourreaux de demain ; les bourreaux d'hier peuvent se présenter comme les victimes… Ce thriller propose au lecteur l'imbroglio qui naît de certains conflits et ce faisant, il montre les multiples drames humains qui en résultent, tout en instillant un sentiment d'urgence constant.

Ainsi, je suis très agréablement surprise par ma lecture. Il était une fois la guerre est un thriller prenant, original et terriblement humain. Il est porté par une plume mordante qui ne peut pas laisser indifférent.
Lien : https://lesreveriesdisis.com..
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DÉCHIRANT


Estelle Tharreau nous plonge ici dans un roman sombre avec comme personnage principal la guerre : une guerre destructrice, dévastatrice tant sur le plan physique que psychologique.

Elle relate, au travers de la voix d'un reporter de guerre, l'enfer qu'a vécu Sébastien Braqui, soldat français embarqué dans un conflit en Afrique.

Elle dénonce surtout avec un grand réalisme les effets désastreux que la guerre peut provoquer au sein d'une famille.

La narration est rythmée naviguant sans arrêt du passé au présent avec une alternance qui m'a parfois donnée un peu le tournis mais il fallait cela pour sentir, comme un combat intérieur la déchéance de cet homme, les atrocités qu'il a pu voir et les effets dévastateurs sur sa famille.

Elle met l'accent également sur les dérives administratives, sur l'opinion publique hostile à l'engagement militaire et de fait sur le sentiment de trahison et d'humiliation ressentis pour ces militaires.

La plume est concise et ce fut une lecture très immersive : les détails sont précis, on assiste impuissants à tous ces actes de violences, ces massacres, ces tortures, ces épidémies...

J'ai beaucoup aimé la façon dont l'auteure met en avant la douleur psychologique d'un soldat, et les conséquences que cela entraîne pour ses proches : les sacrifices des familles, les grandes oubliées des guerres !

L'analyse psychologique est maîtrisée : on sent la lente déchéance et la montée croissante de la détresse et de la haine de ce soldat.

En somme, ce fut une lecture choc et je remercie Babelio de m'avoir permis de découvrir cette auteure grâce à la masse critique.

Merci aux éditions Taurnada pour ce roman engagé que je vous recommande grandement .


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Un grand merci à @taurnadaéditions et à Babelio pour cette découverte du livre @Il était une fois la guerre d' @Estelle Tharreau.
Dès la première page, nous sommes happés par l'histoire du soldat Sébastien Braqui, dont nous suivons les pas à travers les conflits auxquels il participe.
Avec beaucoup de force, @Estelle Tharreau nous décrit les souffrances d'un homme que la guerre a détruit (même si on préfère fermer les yeux sur les traumatismes) et, par ricochet, l'impact de ce dévouement à son pays sur sa vie familiale.
En donnant à voir le fossé qui se creuse peu à peu entre ce soldat, sa femme et sa fille, à force de ne pouvoir partager ce qu'il a vécu lors de ses missions, l'auteure met en lumière une face souvent occultée de la vie des militaires.
Ce thriller psychologique est puissant et l'auteure ne nous épargne aucun détail de la dureté de la condition d'un soldat éprouvé par ses expériences.
C'est un bel hommage aux soldats qui, quoi qu'il leur en coûte, protègent leur patrie.
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