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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Dans la première partie de son livre, nommée "Contrôler, Olivier Tesquet montre que depuis les prémices de la carte d'identité, il y a plus de trois siècles, jusqu'aux grandes bases de données de leurs clients que créent les opérateurs Internet (Google, Facebook, Amazon...) et auxquelles les agences de sécurité (NSA aux États-Unis, DGSI en France) font plus que s'intéresser, l'objectif du fichage est bien de contrôler les individus, mais également de prédire leur avenir et leur comportement. On cherche à savoir à la fois ce qu'ils sont, et ce qu'ils peuvent devenir : évaluer les risques de défaillance financière, de passage à l'acte délictueux ou terroriste, ou estimer un comportement d'achat probable, pour ne donner que quelques exemples.
Dans la seconde partie, baptisée "Capitaliser", l'auteur montre le rôle des start-up de la Silicon Valley, certaines devenues des géants de la bourse, dans l'industrie de la donnée : de l'invention du microprocesseur, devenu omniprésent dans le moindre appareil ou gadget, qui permet la collecte des données, jusqu'aux algorithmes qui permettent le traitement de gigantesques volumes de données, en passant par le stockage (le big data ) et l'achat ou a vente de données (les data brockers).
Dans la troisième partie, appelée "Atomiser", Olivier Tesquet démontre que en raison de l'enregistrement de données personnelles par les smartphone, la vidéosurveillance et les réseaux sociaux, la vie privée des utilisateurs se rétrécit. Elle est mise en balance, souvent de façon cachée, avec l'offre de nouveaux services supposées augmenter le confort des individus.
Dans la quatrième et dernière partie, l'auteur s'interroge : peut-on s'opposer à ce mouvement qui pousse à une surveillance de plus en plus fine des individus. Même s'il montre que des possibilités existent, O. Tesquet ne semble pas trop y croire, démontrant que les pouvoirs ont toujours su agir dans l'ombre et le secret. Sa conclusion est donc très dubitative...

Les interrogations de l'auteur me semblent justifiées et, un peu comme lui, je ne crois pas que ce soit en s'opposant aux développements des nouvelles technologies qu'on pourra répondre à la question du traçage ou du fichage des individus, donc à l'atteinte à leurs libertés individuelles. D'autres moyens existent, qui s'appellent élargissement de la démocratie et du contrôle par les citoyens ; mais ce serait l'objet d'un autre livre !
Sur le contenu, même si l'instruction est un peu faite à charge, c'est un ouvrage fort bien documenté, pas simple, mais qui se laisse lire et qui me semble accessible aux personnes intéressées, même si elles ne possèdent pas de compétences technologiques pointues. L'auteur aurait pu faciliter la compréhension et l'appropriation de ses messages en ajoutant une introduction à chaque partie, précisant quels sont les messages principaux et la façon dont ils sont démontrés.
Un ouvrage utile et intéressant, même si l'auteur a un parti pris évident...
Lien : http://michelgiraud.fr/2020/..
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Nous avons un double. Un double électronique dont nous ne savons pas grand chose mais qui nous ressemble plus ou moins. Il a été construit au fur et à mesure des traces que nous avons laissées sur la Toile dont il est maintenant prisonnier. Une entreprise de collecte de renseignements s'est vantée un jour de pouvoir vendre 3000 informations sur chaque citoyen américain. Et même si vous n'avez pas de compte Facebook, celui-ci a un compte fantôme sur vous (votre double).
Mais la collecte de renseignements dépasse le cadre d'Internet. Ce sont toutes les caméras extraordinairement précises qui nous observent et, peut-être, nous reconnaissent, en ville. Ce sont tous les capteurs des appareils connectés qui, de plus en plus, vont nous entourer pour nous rendre la vie prétendument confortable. Une adresse IP pour chacun d'eux. Tout cela est invisible sans violence et ... sans cadre légal : c'est nous qui à chaque « contrat » en ligne que nous cochons d'une croix nous dépossédons nous-mêmes de notre vie privée. Cela jusqu'à changer les normes mêmes d'acceptabilité de ce qui est privé et ce qui ne l'est pas.
Olivier Tesquet nous brosse le tableau de ce bouleversement civilisationnel. Il nous en situe l'enjeu commercial (dresser pour chacun un profil de consommateur détaillé au point d'anticiper ses moindres désirs) et politique (nous surveiller et s'assurer là aussi de notre totale prévisibilité).
On semble moins se diriger vers une dystopie du style de 1984 que celle de Brazil : la dépendance de tous vis à vis d'une machine omniprésente, mais dont la puissance n'empêche pas la bureaucratie, les erreurs et l'arbitraire absurde.

Tirer les conséquences existentielles et philosophiques de cette évolution totalement inédite de notre humanité est de l'ordre de l'intuition et de la spiritualité. On sent qu'il se joue quelque chose de grave. Quelque chose qui ne va pas. Olivier Tesquet convoque ici et là les grands philosophes du XXe siècle, Foucault, Deleuze Levinas. etc. Mais c'est juste pour lancer des pistes qu'il nous reste à suivre, si nous voulons prendre la mesure de ce qui se trame.
Mettre en lumière un phénomène collectif, profond, obscur est déjà une première étape pour pouvoir le penser. Mais que vaut une pensée tiède qui se sentirait constamment surveillée ?
Paradoxalement, le livre nourrit le sentiment d'impuissance devant une évolution technique inéluctable.
Mais il donne tout de même quelques simples conseils pour ralentir et résister.
Brouiller les pistes. Ne pas se conformer pas à son double. Être totalement imprévisibles, et penser, se réapproprier les expériences sensorielles et mentales propres au temps long dont la technique nous dépossède avec sa persévérance de machine.
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