Regretter la minute suivante son action de la minute précédente, voilà toute sa vie.
Il aurait préféré arriver à Yokohama pendant qu'il faisait encore jour, mais avec sa manie de traîner et tergiverser avant de prendre la moindre décision, il était quatre heures passées quand il sortit de chez lui.
Devant la couleur du ciel, l'ombre des nuages et la gaie lumière du soleil, agréablement réchauffé à la vapeur de la chambre, il eut presque l'impression qu'un printemps hâtif était déjà là, un bon présage du plaisir qui l'attendait aujourd'hui.
Son côté pingre lui faisait immanquablement regretter ce qu'il venait d'acheter, soit parce que c'était hors de prix, soit parce qu'il aurait trouvé mieux ailleurs...
Il se rappela la silhouette de la femme dans le train la veille, ce qu'il s'était permis de faire sous l'emprise de l'alcool, il lui sembla percevoir le contact du corps de la femme à travers la chaleur du tatami contre son propre corps, cette résistance quand il pressait plus fort, jusqu'aux vibrations du wagon qu'il se mit à ressentir, avant de s'endormir complètement.
Il n'y a rien de plus essentiel pour un romancier que l'expérience... surtout l'expérience des femmes, eh oui.
Jamais personne ne se laisserait aller à parler d'une relation féminine, même à son meilleur ami.
Au Japon, les hommes ont la fâcheuse manie de parler à tort et à travers, mais en Occident, ce n'est pas le cas.
Mais cette fois, il n'y avait plus aucune raison d'hésiter, et c'est la main sublime de cette femme posée sur son genou qu'il lui tint ce langage.
J'ai tout de suite compris que ce n'était pas le regard d'une femme ordinaire.