Plus grands sont les héros est un roman de
Thomas Burnett Swann paru pour la première fois en 1974 sous le titre de How Are the Mightly Fallen. La version française, une traduction de
Patrick Marcel, a été éditée pour la première fois en 2014. Ce livre explore l'amitié de David et Jonathan, évoquée en des termes plutôt ambigus dans l'Ancien Testament, et mêle au récit biblique le monde de la fantasy et de la mythologie.
Goliath devient ainsi un Cyclope, descendant de Poséidon, et sa cible n'est pas Saül mais son épouse délaissée, Achinoam, reine de Judée, qui se révèle être une Sirène, tout comme son fils Jonathan. Tous deux possèdent d'ailleurs des vestiges d'ailes dans leur dos qu'ils dissimulent aux yeux de tous. Mis à part leur race, Achinoam et Jonathan sont séparés de Saül et son peuple par leurs croyances. Tous deux vénèrent en effet la déesse lunaire Astarté, qu'ils appellent la Déesse ou la Dame, au lieu de Yahvé, et voient donc la vie différemment des israélites. L'opposition entre les deux divinités est très marquée dans ce livre : Yahvé est celui qui interdit, qui « entrave », qui punit et qui doit être craint, alors qu'Astarté est présentée comme celle qui accepte sans juger, qui ne comprend pas la notion de péché et qui ne considère rien de plus important que l'amour.
Car, entre guerres et débats religieux, entre jalousie et exil, entre prophéties et décrets divins, c'est bien d'amour dont il est question dans ce roman.
Il y a l'amour qui existe entre David et Jonathan, le point focal de ce récit. Cet amour est certes accepté par Astarté et vu comme chose courante par Achinoam, mais il est interdit par Yahvé et la loi des israélites, ce qui n'empêchera pas ce couple de le vivre aussi pleinement que possible, malgré la guerre, les unions politiques et la désapprobation royale.
Il y a l'amour maternel et son reflet, l'amour filial, entre Achinoam et Jonathan surtout, plus discrètement entre Alecto et Mephilbocheth.
Il y a l'amour de Michal pour son époux, un amour à sens unique, la jeune femme ignorant que David lui préfère son frère.
Il y a l'amour d'Achinoam pour Saül, non passionné, délaissé et meurtri, mais toujours présent, et il y a l'amour de Saül pour Achinoam, un amour plus proche de l'adoration que l'on offre aux dieux que celui que l'on s'attendrait à voir entre deux époux, un amour né de l'attrait exercé par une créature merveilleuse sur un jeune homme, un amour qui finira par ne pas être suffisant.
Il y a l'amour de Ritspa pour Saül, né de sa loyauté et de sa soumission, et celui que lui porte Saül, peut-être pas aussi admiratif que celui qu'il éprouve pour son épouse mais certainement plus humain.
Ainsi, c'est d'amour dont il est question, et c'est aussi l'amour qui motive la plupart des personnages qui nous sont présentés. C'est son amour pour Saül qui pousse Ritspa à dénoncer David et Jonathan ; c'est leur amour pour David qui fait Jonathan et Michal aider David à fuir ; l'amour est l'une des raisons qui causent la mort de Jonathan et, finalement, c'est l'amour qui conduit David à franchir le camp des philistins pour rapporter à Achinoam les corps de son époux et de son fils.
C'est le titre de ce livre qui m'a attirée en premier, par son côté mystérieux et poétique et son impression d'inachevé ; c'est son style qui m'a retenue.
J'aime la fantasy et les romans historiques, alors le mélange des genres, comme dans la série du Paris de merveilles de Pierre PEvelme comble ; mais les adaptations bibliques me laissent souvent sceptique. Enfin, je dois le reconnaître, j'aime les histoires d'amour, surtout quand elles sont aussi belles et aussi bien écrites que
Plus grands sont les héros.
Les premières lignes m'ont semblé intéressantes, le premier chapitre m'a captivée, et je n'ai finalement pas pu refermer ce livre avant d'en avoir atteint la fin. Je l'ai lu en français, mais je serais presque tentée de le relire en anglais. le traducteur,
Patrick Marcel, a fait un travail exemplaire. Ce livre est comme un chant, du début à la fin, et le style ne fait que renforcer cette impression : les mots résonnent entre eux, se répondent, et le tout forme un ensemble captivant. le titre est le début d'un vers, dont on ne connaîtra la fin que dans les dernières pages du roman, et le récit lui-même est entrecoupé de poèmes et de chants, inspirés de passages bibliques ou composés directement par l'auteur. Les personnages ne sont pas non plus épargnés par cette ambiance poétique : quand ils évoquent leurs sentiments, le font avec des mots choisis avec soin, tant pour leur sens que pour leur rythme.
Selon moi, ce livre mérite d'être connu, quelles que soient les croyances et les convictions personnelles de chacun. Cela ne se fera peut-être pas en un jour – il lui a fallu quarante ans pour bénéficier d'une traduction officielle en français – mais, pour moi, il fait partie de ses quelques livres posés sur mon étagère que je peux lire et relire avec plaisir à n'importe quel moment.