Je me vante de deviner les caractères dissimulés ; mais quand une âme franche ne veut pas laisser connaître un secret, sa réserve simple et naturelle déconcerte les efforts de l’esprit observateur. (Folio, p.280-281)
L’imparfaite destinée jette toujours des regrets à travers les plus pures jouissances. (Folio, p.263)
Il faut trouver dans l’objet de nos sacrifices la source toujours vive des jouissances variées du cœur et de la raison, et traverser la vie appuyés l’un sur l’autre, en s’aimant et faisant le bien. (Folio, p.262)
L’on n’est inconsolable, dans un sentiment vrai, que de la douleur de ce qu’on aime ; l’on finit toujours par oublier la sienne propre. (Folio, p.261)
Non, ce n’est point à l’opinion des hommes, c’est à la vertu seule qu’on peut immoler les affections du cœur : entre Dieu et l’amour, je ne connais d’autre médiateur que la conscience. (Folio, p.261)
il y a de la raison dans mon sentiment pour lui, de cette raison qui calcule l’avenir autant que le présent, et se rend compte des qualités et des défauts qui peuvent fonder une liaison durable. On parle beaucoup des folies que l’amour fait commettre : je trouve plus de vraie sensibilité dans la sagesse du cœur que dans son égarement ; mais toute cette sagesse consiste à n’aimer, quand on est jeune, que celui qui vous sera cher également dans tous les âges de la vie. Quel doux précepte de morale et de bonheur ! Et la morale et le bonheur sont inséparables quand les combinaisons factices de la société ne viennent pas mêler leur poison à la vie naturelle. (Folio, p.257)
Avarice, dureté, entêtement, toutes les bornes de l’esprit et de l’âme se trouvaient en lui. Je me brisais sans cesse contre elles ; j’essayais sans cesse un plan quelconque de bonheur, et tous échouaient contre son active et revêche médiocrité. Il avait fait sa fortune eu Amérique, en exerçant sur ces malheureux esclaves un despotisme tyrannique ; il y avait contracté l’habitude de se croire supérieur à tout ce qui l’entourait ; les sentiments nobles, les idées élevées lui paraissaient de l’affectation ou de la niaiserie. Exerciez-vous une vertu généreuse à vos dépens, il se moquait de vous ; l’opposiez-vous à ses désirs, non-seulement il s’irritait contre vous, mais il cherchait à dégrader vos motifs ; il voulait qu’il n’y eût qu’une seule chose de considérée dans le monde, l’art de s’enrichir, et le talent de faire prospérer, en tout genre, ses propres intérêts. Enfin, je l’ai doublement senti dans le temps de mon malheur et dans les années heureuses qui l’ont suivi, l’étendue des lumières, le caractère et les idées que l’on nomme, philosophiques, sont aussi nécessaires au charme, à l’indépendance et à la douceur de la vie privée, qu’elles peuvent l’être à l’éclat de toute autre carrière.(Folio, p.253)
En prenant la résolution de faire divorce avec mon premier mari, et d’épouser, quelques années après, M. de Lebensei, j’ai parfaitement senti que je me perdais dans le monde, et j’ai formé dès cet instant le dessein de n’y jamais reparaître. Lutter contre l’opinion, au milieu de la société, est le plus grand supplice dont je puisse me faire idée. Il faut être, ou bien audacieuse, ou bien humble, pour s’y exposer. Je n’étais ni l’une ni l’autre, et je compris très-vite qu’une femme qui ne se soumet pas aux préjugés reçus, doit vivre dans la retraite, pour conserver son repos et sa dignité ; mais il y a une grande différence entre ce qui est mal en soi et ce qui ne l’est qu’aux yeux des autres : la solitude aigrit les remords de la conscience, tandis qu’elle console de l’injustice des hommes. (Folio, p.251-252)
J'avais encore une illusion, vous venez de me prouver qu’il suffit d’en avoir une, quelque aride que soit d’ailleurs la vie, pour éprouver de la douleur. (Folio, p.243)
Qui sait, Louise, s’il n’y a pas des malheurs pour lesquels toutes les idées raisonnables sont insuffisantes ? (Folio, p.240)