Découvert avec le titre désormais culte The Promised Neverland, le duo
Kaiu Shirai et
Posuka Demizu revient ici avec clairement ce qui est une oeuvre de commande pour promouvoir une grande marque du luxe française. On déplorera le moindre recul et aspect critique mais on saluera la belle image que cela donne de Chanel et de la mode française.
Pour qui s'intéresse un peu à la mode, Coco Chanel est une figure emblématique, elle qui est à l'origine de la petite robe noire, de la fin des corsets enfermant les femmes et de bien d'autres révolutions. Issue d'un milieu modeste, elle a su grâce à des relations et aux hasards de la vie se tracer un chemin rayonnant dans ce milieu hyper compétitif et sélectif qu'est la haute couture. Elle a cependant pas mal de zones d'ombre, dont la pire étant qu'elle a collaboré pendant la Seconde Guerre Mondiale et je regrette un peu que cela soit totalement occulté ici, même si je comprends bien que le projet était de promouvoir sa marque et non sa personne. Mais je trouvais à le souligner car dans l'interview en fin de tome, les auteurs semblent laisser entendre qu'elle avait surtout des détracteurs jaloux de son talent alors qu'il y en a également qui le sont à cause des fautes qu'elle a commises.
Pour revenir au projet, celui se présente sous la forme d'un petit objet qui a un je ne sais quoi de luxueux rappelant LE parfum emblématique de la marque : N°5. L'éditeur français l'a pour cela mis sous plastique, ce que l'on peut interroger, et nous a offert un volume dans un reliure plus rigide qu'habituellement, soutenant des pages sur papier glacées, qui comportent pour beaucoup de la couleur, soit entièrement, soit par touche. C'est vraiment un petit objet à part, dans lequel les auteurs ont en plus glissé des pages montrant leur processus créatif, lui-même détaillé dans l'interview qui clôture le tome. C'est assez joli.
Je dois avouer que contrairement à la plupart, je pense, je ne suis pas une inconditionnelle du duo. J'ai trouvé The Promised Neverland légèrement surfait. le début était très bien fichu, avec une intrigue prenante et qui se tenait, mais la suite m'a plus semblé relever de l'improvisation et je n'ai pas du tout accrocher à la fin. J'étais donc partagée à l'annonce de cette sortie mais je dois reconnaître que
Kaiu Shirai et
Posuka Demizu s'en sortent très bien avec des histoires certes anecdotiques mais joliment dessinées et avec des messages toujours intéressants qu'on soit ou non d'accord avec eux.
Chaque histoire, elles sont trois, met en scène un personnage représentant une des facettes de la marque. Il y a dans la première une petite fille qui grandit un peu seule avec son imaginaire tant sa mère, célibataire, doit travailler à côté. Cela rappelle l'enfance de Gabrielle (Coco Chanel). Dans la deuxième, l'héroïne est un vrai caméléon qui voit dans la mode l'opportunité de pouvoir exprimer la multiplicité de ses facettes, sans contrainte. Enfin, la dernière nous offre comme un héros un garçon mal dans sa peau à cause de son apparence atypique, plus petit et chétif que la norme, qui va briser un plafond de verre avec un ami au cours d'une après-midi shopping.
Dans chacune de ces histoires, la mode devient un élément émancipateur et je dois avouer que j'aime assez ce message. Cependant, il est à contraster car jamais les auteurs ne parlent des ravages de celle-ci, de son addiction, ses diktats, les moqueries qu'on peut subir en étant différent. On est un peu au pays des bisounours, mais je le répète, étant donné que c'est une oeuvre de commande à but promotionnel, cela n'a rien de surprenant. Il faut juste le savoir.
J'ai pour ma part apprécié chacune des histoires car j'y ai tout le temps retrouvé quelque chose dans lequel je me retrouvais. Voir cette petite fille bien solitaire s'évader dans ses lectures dans des univers imaginaires où elle porterait de belles robes m'a rappelé mon enfance, les robes en moins. Merci le cliché ! La deuxième histoire m'a encore plus parlé avec les aspirations de l'héroïne à montrer à travers ses looks toute la richesse de sa personnalité pour ne pas être enfermée dans les attentes des autres, mais avec tout de même un désir d'être reconnue pour ce qu'elle est intrinsèquement. C'était touchant et on est beaucoup à pouvoir s'y reconnaître. Enfin, la dernière m'a plus gênée car si j'aime le discours de ce garçon qui veut pouvoir trouver des vêtements qui lui vont aussi malgré son physique différent et qui veut briser les lignes entre garçons et filles, je trouve que c'est fait bien maladroitement, trop rapidement et caricaturalement avec un discours sur les femmes qui seraient plus libres que les hommes dans nos sociétés, qui m'a beaucoup fait tousser...
Cependant, ce joli petit objet fait ce pour quoi il a été conçu : il nous offre une belle image de la mode et de la marque Chanel qu'on retrouve en filigrane à travers son célèbre parfum N°5, qui est présent dans chaque histoire. Les auteurs mettent bien en avant les qualités qu'on peut trouver dans la mode pour s'affirmer, s'évader, se chercher et se faire accepter. Les dessins sont forts jolis également même s'ils n'impressionnent pas une fois qu'on connaît le style de
Posuka Demizu. Elle a déjà proposé des choses moins policée et plus vertigineuse, ici c'est assez sage contrairement à ce qu'elle semble dire en interview. Il ne faut pas non plus trop se sur-vendre... Aimant la mode, j'ai cependant pris plaisir à découvrir cette oeuvre atypique qui a des faux airs d'Alice au pays des merveilles ou Perfect Blue de
Satoshi Kon. J'aurais peut-être aimé un regard un peu plus critique et moins vendu...
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