Rappelons, pour ceux qui l'ignorent ou qui l'auraient oublié, que
Jorge Semprun fut, de 1988 à 1991, ministre de la culture en Espagne dans un des cinq gouvernements successifs présidés par
Felipe Gonzalez.
Dans ce "roman" (oeuvre plus autobiographique que fictionnelle), il nous fait part de son ressenti et en profite pour régler férocement ses comptes avec quelques pontes (Alfonso Guerra, Enrique Muica, ...) d'un PSOE dont l'hégémonie (démocratiquement acquise depuis 1982) sera finalement minée par la corruption, les pratiques clientélistes et une arrogance partisane de très mauvais aloi.
Admettons que cela puisse présenter quelque intérêt pour tout qui souhaite découvrir l'envers du décor ou revivre un pan d'histoire de ce grand pays européen.
Mais, comme il en a pris, avec le temps, de plus en plus l'habitude, l'auteur nous promène de souvenirs ou réminiscences narcissiques en digressions érudites voire pédantes sans guère se soucier de cohérence narrative.
C'est assez déroutant, plutôt insupportable, pour ne pas dire franchement ch....
Sachez aussi que
Jorge Semprun ne fait pas dans la dentelle.
Résolument à charge contre celles et ceux qu'il méprise, il ne se montre, par ailleurs, que fort peu critique (bien au contraire) à l'égard notamment de la politique économique ultra libérale suivie par le PSOE dès son arrivée au pouvoir, initiée, imitée ou amplifiée par d'autres fossoyeurs de la sociale démocratie européenne tels que T. Blair, J. Delors, G. Schröder, M. Rocard,...
Anecdotique peut-être mais révélateur,
J. Semprun évoquant F. Gonzalez qu'il adule, nous dit laconiquement : "Il a eu la vertu de saisir les nécessités du réel". Formule certes plus élégante mais tout aussi lapidaire et péremptoire que le fameux T.I.N.
A. de M.
Thatcher.
On est donc en droit de s'interroger : le "naturel social" de l'auteur précédemment occulté ne semblerait-il pas revenir au galop ?
Il m'a été, en tout cas, particulièrement difficile de supporter cette suffisance de classe, ce mépris condescendant à peine voilé de grand intellectuel imbu de lui-même, au-dessus de la mêlée, s'autocongratulant à tout-va et, pour finir, ce pesant réquisitoire qui en devenait insignifiant à force d'être excessif.
Et pourtant, j'apprécie énormément la prose de
Jorge Semprun quand, "humble parmi les humbles, il nous apporte, entre autres, témoignage de son vécu d'adolescent déporté à Buchenwald et d'adulte dans la clandestinité anti-franquiste.
En l'occurrence, sa relative modestie, son parler-vrai peuvent nous interpeler, nous émouvoir et, au final, nous convaincre.