L'art est un sujet de discussion aussi épuisant qu'inépuisable. Alors, si comme moi vous êtes parfois étonnée, indifférente, ou dubitative devant certaines "
oeuvres d'art", ouvrir ce livre vous aidera certainement à y voir plus clair. Au prix d'un petit effort, certes, mais il en vaut la peine.
Il ne s'agit pas du énième bouquin commercial, consacré aux
oeuvres d'art les plus connues, de la Joconde aux carrés de Malevitch, et qui se contentent de les encenser sans aucun recul. Non, ici, on a affaire à une réflexion critique sur l'art lui-même, au travers de la pensée de différents philosophes et artistes au fil des siècles, depuis
Aristote et son célèbre "l'art doit imiter la nature" (*) jusqu'à Mondrian ou Duchamp qui viendront, chacun dans leur genre, bousculer la possibilité de l'art.
L'art tel que nous l'entendons aujourd'hui est intimement relié à la notion de création. Est-elle liée au travail lui-même, le poète, le musicien, le sculpteur, l'architecte sont-ils des ouvriers comme les autres? Ou bien sont-ils des anormaux, des génies, des fous, des êtres particulièrement sensibles, inspirés par un Dieu? L'artiste est il libre, ou bien doit-il se soumettre à des règles? Qu'est-ce que la beauté? Voilà quelques-unes des questions abordées dans ce livre, ainsi que les réponses apportées au fil des siècles par les humains. Évidemment, il consacre une partie importante à
Kant, mais il nous fait découvrir aussi la pensée d'autres auteurs moins connus. On appréciera les pages consacrées aux divers mouvements -apparemment- loufoques de la fin du 19ème, Hydropathes, Zutiques, et autres Jemenfoutistes, qui annoncent Dada et le Surréalisme.
La naissance de l'art abstrait racontée ici est absolument passionnante. Au passage, on apprendra que la peinture abstraite fut inventée par une femme, Hilma al Klint. Plus intéressée par le spiritisme, par le dessin automatique, elle eut le tort de ne pas écrire de livre conceptuel sur l'art: elle n'est donc pas entrée dans
L Histoire. A bon entendeur...
Le sujet est aussi touffu que complexe,
Alain Seguy-Duclot réussit à le rendre accessible sans le caricaturer. Au passage, il élimine quelques idées reçues: non, la photographie n'a pas condamné le pictorialisme. Et les grecs n'ont jamais décrété que l'art devait imiter la nature. Non, il n'y a pas de progrès en art: juste des directions multiples.
En pratique, il est impossible de
définir l'art. On peut même se demander à quoi il sert. En effet, à priori, une oeuvre d'art n'a aucune utilité pratique, elle ne protège pas du froid, ne calme ni la faim, ni même la douleur. Sur ce point, l'auteur nous propose une réponse: l'oeuvre d'art dégage du sens, que nous pouvons opposer au non-sens du monde. Elle symbolise l'essence de notre culture, donc de notre identité. C'est ainsi qu'elle représente une grande valeur, expliquant les prix exorbitants atteints par certaines
oeuvres.
(*) au sujet duquel l'auteur nous rappelle fort à propos, qu'à l'époque grecque, les termes d'art et de nature n'avaient pas du tout le sens qu'ils ont acquis de nos jours.