Des amendes et des peines de prison étaient évidemment prévues contre tout contrevenant. La même loi frappait également certaines cérémonies indiennes précises :
« Tout Sauvage ou autre personne qui participe ou assiste à la célébration de la fête sauvage désignée sous le nom de "Potlatche", ou à la danse sauvage désignée sous le nom de "Tamanawas", est coupable de délit et passible d'incarcération, pendant un terme de six mois au plus, ou deux mois au moins, dans toute prison ou autre lieu de détention ; et tout Sauvage ou autre personne qui encourage, directement ou indirectement, un Sauvage ou des Sauvages à organiser ou célébrer cette fête ou cette danse, ou qui y prend part, est coupable du même délit et passible de la même peine » (47 Victoria, chapitre 27, article 3) .
Les explorations du XVe et du XVIe siècles avaient permis aux financiers européens d'évaluer les immenses profits à tirer des richesses naturelles d'un tel continent et, simultanément, les nouveaux débouchés qu'offraient pour leurs produits les clientèles autochtones. Depuis plusieurs décennies déjà, les pays d'Europe du Nord se trouvaient engagés dans un important commerce de fourrure, dont Moscou et Amsterdam étaient les principales plaques tournantes. Or, au moment où on prenait connaissance de l'existence du continent américain, les réserves sibériennes commençaient justement à donner des signes d'épuise-ment. La rareté du produit ayant fait grimper les prix, il n'en fallait pas plus pour que les hommes d'affaire de l'époque s'intéressent activement à l'Amérique. Chargés de marchandises de toutes sortes au moment de quitter leur port d'attache, leurs navires n'auraient qu'à revenir s'y dégorger de fourrures qu'on disait d'excel-lente qualité, et dont la vente sur les places d'Europe assurerait aux investisseurs des profits substantiels.
En 1634, douze ans seulement après les incidents de Virginie, la méfiance entre Hollandais, Anglais et Puritains dégénéra en une agression contre les Indiens Pequots sur lesquels chaque groupe colonial, pour survivre, rêvait d'exercer une sorte de protectorat exclusif. Mais ces Indiens voyaient les choses autrement, et désiraient entretenir avec tous leurs nouveaux voisins de semblables relations cordiales. Ce fut bientôt la course entre la colonie du Connecticut et celle de Boston, pour être la première à écraser les Pequots et à occuper leur territoire. Quand ceux-ci eurent été tués ou dispersés, ce furent les terres des puissants Narragansetts qui devinrent objet de l'envie des rivaux européens. En 1637, pour améliorer leur position, quatre colonies puritaines se réunirent en une coalition. En plus d'avoir à contrer les ambitions hollandaises et anglicanes, cette ligue devait se prémunir contre des coreligionaires dissidents, notamment ceux du Rhode Island.
Les principaux acteurs avaient ainsi pris place ; le drame américain ne tarderait pas à commencer. Jusqu'au début du XIXème siècle, les diverses entreprises coloniales ne cesseront de s'affronter par Indiens interposés, tandis que ces derniers chercheront à tirer leur épingle du jeu en misant sur cette concurrence elle-même.
Le rapport d'étrangeté entre les sociétés dites sous-développées, et la civilisation mécanique, consiste surtout dans le fait qu'en elles, cette civilisation mécanique retrouve son propre produit, ou, plus précisément, la contrepartie des destructions qu'elle a commises dans leur sein pour instaurer sa propre réalité.